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Gilbert Guérin : « On a plus de chances de gagner ce match que de gagner au Loto »
À la tête de l'US Avranches depuis vingt-huit ans, Gilbert Guérin est le modèle du président à l'ancienne. Régional de l'étape, cet entrepreneur récemment retraité porte un engagement total à son club et un réel amour à sa ville. Pour les quarts de finale de la Coupe de France – sa compétition préférée –, il espère que ses hommes tiendront tête au PSG. Car Avranches doit montrer qu'elle a plus d'un atout dans sa Manche.
Vous êtes amateur de canassons. Comment faudra-t-il jouer face à Paris ? Un petit trot régulier ou un grand galop explosif ?Ce match sera complètement déséquilibré, le PSG est beaucoup trop fort. Il suffit de voir la finale de Coupe de la Ligue contre Monaco.
J’avoue que j’espérais qu’on n’ait pas cette peur de prendre une valise avant d’entrer sur le terrain, mais on n’a pas le choix, il faudra jouer. La tactique sera donc simple : durer. Tant que l’on durera, il y aura du spectacle. Eux, ce sera l’inverse. À mon avis, il vont accélérer dès le début pour éventuellement ralentir après. On devra s’y préparer. Dans les courses hippiques, les chevaux doivent suivre le rythme et pour cela, il en faut bien un qui soit devant. Sauf que là, ce sera une Clio qui essaiera de suivre une Ferrari. Mais n’oubliez jamais la fable de La Fontaine sur le lièvre et la tortue : on a plus de chances de gagner ce match que de gagner au Loto, donc on jouera à fond.
Après la qualification contre Strasbourg, vous aviez évoqué la possibilité de jouer au Stade de France. C’était vraiment sérieux ?Je pense que ce n’était pas déconnant. En tout cas, c’était faisable. On aurait pu vendre vingt mille places et en plus réaliser une énorme opération pour la jeunesse en offrant un énorme cadeau aux gosses du coin. Vous imaginez, les inviter dans le stade de l’équipe de France pour un match contre le PSG ? Dans trente ans, on en parlerait encore. Mais la location avec le service d’ordre coûtait presque un million d’euros, donc financièrement, c’était impossible. À Michel-d’Ornano au moins, hormis quelques places VIP, le stade sera comble, alors qu’on joue un mercredi. Donc je n’ai aucun regret. En jouant au Stade de France, on aurait pu faire plaisir à énormément de gens qu’on ne connaissait pas, tandis qu’à Caen, on fera plaisir à un peu moins de gens, sauf qu’on les connaît tous.
C’est vrai que pendant le match, c’est toute la Normandie qui sera derrière vous.Ce sera avant tout Avranches.
On a voulu privilégier la ville, ses habitants et ses entreprises. Il n’y a que huit mille habitants, mais on a vendu dix-sept mille billets au guichet. Il faut tirer un grand coup de chapeau à tous les bénévoles qui s’en sont occupés. En retirant les places réservées aux Parisiens et celles qui revenaient aux abonnés et partenaires de Malherbe, tout est parti en cinq heures. Vous savez, le PSG aujourd’hui, c’est comme Saint-Étienne ou Marseille hier : l’engouement est énorme. Si on avait eu tout le stade pour nous, on aurait tout vendu sans problème.
Vous semblez être très attaché à votre ville.Je suis né là-bas. Je ne sais pas si j’y mourrai, mais j’y serai enterré, ça c’est sûr. Pendant vingt-cinq ans, je siégeais au conseil municipal et il y a quarante-cinq ans, j’ai monté une petite entreprise de peinture qui employait cent dix personnes et que j’ai quittée il y a quatre mois. D’ailleurs, en parallèle à mon activité d’entrepreneur, je siégeais au directoire du SM Caen lorsqu’il sont montés en première division en 1988 et ils ont joué quelques matchs avec le nom de mon entreprise sur leur maillot.
Cela devait être une fierté pour Avranches d’apparaître ainsi en première division.
Oui, mais vous savez, c’est une ville très dynamique et nous sommes très fiers des entreprises du coin. On a des entreprises qui sont leader national, voire européen dans leur secteur. Prenez les semi-remorques Chéreau ou Remadeinfrance par exemple : c’est une boîte de télécoms qui a embauché quatre cents personnes ces deux dernières années. Et il y en a sept cents autres qui fabriquent des sacs pour Louis Vuitton. Sans parler des vêtements Saint-James ou de la coopérative Acome, leader européen de la fibre optique et qui est aussi implantée à côté de chez nous. On en est arrivé à un point où ça ne sert plus à rien de faire de la publicité, nous ce qu’on cherche, c’est du personnel. Et on espère que le match contre le PSG servira à faire connaître les opportunités d’emploi qui existent à Avranches et dans sa région, où il n’y a que 6% de chômage. Grâce à la Coupe de France, les gens s’intéresseront à nous, parce qu’on a plein de choses à offrir, en plus de la vue sur le mont Saint-Michel. Il fait beau, en tout cas il ne pleut pas plus qu’à Paris, il n’y a pas de voyoucratie, on a deux lycées, trois collèges, on est à trois quarts d’heure de Rennes et à une heure et demie de Caen. En plus, c’est gratuit pour y aller parce que la région a payé l’autoroute. Autant dire qu’il fait bon vivre chez nous.
Et puis il y a aussi quelques Avranchinais célèbres.Ah oui ! Il suffit de voir qui donnera le coup d’envoi fictif : Franck Nivard, recordman du Prix d’Amérique avec cinq victoires. Il a joué au foot à Avranches quand il était jeune, c’est un gars de chez nous. Comme Samuel Le Bihan et l’ancien arbitre international Fredy Fautrel, qui a toujours été licencié à Avranches. Il y a aussi Baptiste Lecaplain, qui a été au collège et au lycée chez nous et dont le spectacle Origines a été un succès au Bataclan. Forcément, on est tous un peu fiers.
Du coup, la seule chose qui manque désormais, c’est un club de foot de haut niveau.Si ça doit venir, ça viendra. Dans le football, tout est une question de mérite. Ce qui nous arrive en Coupe de France, c’est parce qu’on le mérite. Mais il y a dix mille autres clubs en France qui le méritent aussi. Donc nous, on se charge de mettre ces équipes-là en lumière, comme Quevilly ou Calais ont pu le faire par le passé. C’est grâce à des parcours comme le nôtre que les dirigeants peuvent espérer que cela arrive un jour chez eux aussi.
Est-ce que vous pensez mériter mieux que le National ?Je pense qu’à l’heure actuelle, on est à notre place. (Avranches est 13e à un point de la zone rouge, ndlr.) Vous savez, le plus difficile en National, c’est que tout le monde peut battre tout le monde. Mais c’est un championnat sympa, vous devriez faire plus d’articles dessus, pour le mettre en valeur. Je suis sérieux, il suffit de voir Canal + qui diffusera les matchs du samedi la saison prochaine. Certains matchs de National font de meilleures audiences que la Ligue 2. Le président Le Graët a promis d’agir dans le sens de la professionnalisation. J’espère que ce n’était pas une parole en l’air pour se faire élire.
Faire du National la troisième division professionnelle française, c’est votre objectif ?
Oui, car c’est un championnat encore trop sous-estimé, alors que plein de stars françaises sont passées par là : Rami, Giroud, Valbuena, Ribéry, Koscielny, Kanté, tous ces gars-là ont joué en National. Pour mener ce combat, on a monté une amicale, et j’insiste sur le terme, car ce n’est pas un syndicat, avec les autres présidents, en partenariat avec la Fédération. C’est moi qui la préside, mais je suis un peu inquiet, car mes deux vice-présidents sont ceux de Quevilly et Dunkerque, qui occupent les deux premières places du classement. Ils pourraient donc bientôt nous quitter, mais c’est tout le mal que je leur souhaite. Il y a une ambiance nouvelle entre nous, et elle est excellente.
Vivement la montée de l’US Granvillaise pour les remplacer alors.(Rires) Oui, ce serait bien, car on aurait un derby manchot. Mais la concurrence ne serait que sportive, car on ne picore pas dans le même panier. Ils ont leurs sponsors, on a les nôtres et il y a une règle non écrite qui interdit à l’un de piquer ceux de l’autre. La rivalité existe sur le terrain, un peu comme Lyon et Saint-Étienne, mais entre présidents, elle est saine. Les dirigeants de Granville seront d’ailleurs mes invités contre le PSG.
Propos recueillis par Julien Duez
Crédit photo : Jean-Louis Rault (Ouest-France) et usamsm.org