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Gignac : El goleador
Auteur d'un doublé plein de classe, André-Pierre Gignac a largement contribué à la qualification des siens dans un match couperet, sur le terrain de Cruz Azul. Pour la première fois, le Français termine la saison régulière de LigaMX comme meilleur buteur.
D’une sacoche, André-Pierre Gignac a mis tout le monde d’accord. Un missile envoyé dans une position excentrée, depuis l’entrée de la surface, qui a terminé sa trajectoire dans la lucarne opposée. Les « golazo » et « no mames » ( « incroyable » ) ont alors fusé dans la tribune de presse, pendant que les 25 000 fans de Cruz Azul s’éteignaient au cœur d’un après-midi brûlant : plus de 30 degrés au soleil à plus de 2000 mètres d’altitude, et une pollution à l’indice si fort qu’il avait conduit les autorités de Mexico à prendre des mesures d’urgence les jours précédents. De quoi donner un rythme mid-tempo à cette rencontre où les deux équipes jouaient pourtant gros.
Un une-deux avec Sóbis
Pour ce dernier match de la saison régulière, Tigres comme Cruz Azul voulaient arracher leur place pour la Liguilla, les play-offs qui concluent la LigaMX. Neuvième, le champion en titre se devait de l’emporter. Quant à Cruz Azul, l’un des quatre grands du football mexicain, huitième au coup d’envoi, il pouvait se contenter d’un nul, pour conserver la dernière place qualificative. Le Gignac des cementeros (les cimentiers : le club porte le nom de la marque de matériaux de construction, Cruz Azul) se nomme Víctor Vázquez, produit de la Masía et meilleur joueur de la Jupiler League 2015, avec le Club Bruges. Samedi, l’Espagnol ne s’est pas montré à son avantage, à l’inverse du Français.
Avec ce golazo inscrit à la 23e minute, Gignac a permis aux siens de faire le break, et a ouvert grand le col des Tigres, qui respiraient enfin à leur aise, après une deuxième moitié de championnat calamiteuse. Plus tôt, l’ex de l’OM avait déjà largement contribué à l’ouverture du score. Après un superbe contrôle orienté pour se mettre dans le sens du but, Dédé avait déboulé dans la profondeur, demandé le une-deux au Brésilien Rafael Sóbis, qui avait profité de l’appel du Français pour s’ouvrir l’espace, et placé depuis l’entrée de la surface une frappe à ras de terre imparable. Les 2000 supporters des Tigres, dont certains s’étaient farci près de 1000 kilomètres en car pour rallier la mégalopole mexicaine, pouvaient jubiler.
APG et Ali G
Malgré son effectif millionnaire, Tigres n’a pas été loin de terminer la saison en désoeuvré. Le 27 avril, le club de Gignac avait ainsi connu une grosse désillusion en perdant la finale de la Ligue des champions de la CONCACAF, face à l’América, autre club de Mexico. Tigres tenait particulièrement à remporter ce tournoi au niveau général médiocre, mais qui a la vertu de donner un billet pour le Mondial des clubs. Une participation à cette compétition aurait renforcé le processus d’internationalisation du club, auquel l’arrivée de Gignac a participé. Mais les Auriazules ont finalement réussi à se reprendre, au bord du précipice. En fin de match, APG, qui profitait de chaque pause pour s’hydrater abondamment, y allait ainsi de son doublé d’une subtile frappe croisée (0-3). Lors de sa célébration, le public local, furieux, faisait pleuvoir en sa direction un paquet de verres en plastique. Au terme de la rencontre, des supportrices y allaient même de leur petite larme.
Avec 13 buts en 16 matchs joués, le Français est l’indiscutable goleador du championnat, quatre unités devant ses dauphins (Peralta, Benítez, et Boselli). Il devient le premier joueur de l’histoire des Tigres à dominer seul le classement des buteurs. Plus que jamais, APG est la tête de gondole de la LigaMX. Un joueur pour lequel on paie son billet. Au mois de février, ils
étaient ainsi près de 25 000 à avoir garni les tribunes du stade de Puebla, pour un match sur terrain neutre, entre Jaguares Chiapas et Tigres. Samedi, devant les portes du stade Azul, on croise Olivier, Français de 43 ans, qui arbore un maillot de la sélection de rugby. « Je suis plutôt rugby que foot, mais je suis venu pour Gignac, nous dit ce professeur installé depuis 23 ans à Mexico. Même les fans de Cruz Azul avec qui j’ai parlé l’apprécie. » « Avec Gignac, je suis plus ou moins devenu supporter des Tigres, même si je ne suis pas spécialement le championnat mexicain » , ajoute ce quadragénaire, qui supportait le PSG avant l’arrivée des Qataris. Aux alentours du stade Azul, de nombreux maillots floqués du nom du Français garnissaient les étalages des boutiques pirates qui pullulent. On pouvait aussi tomber sur des poupées à l’effigie d’APG, dont le visage, à la ressemblance douteuse, avait de faux airs d’Ali G…
Dédé peut encore se montrer à DD
Si Tigres ne l’avait pas emporté samedi, Gignac aurait alors joué son dernier match avant l’Euro. Mais au lieu de boucler la saison sur un constat d’échec, l’ex-Marseillais, avec son doublé, a clairement marqué des points pour intégrer la liste des 23, alors qu’il restait sur une prestation peu convaincante face à Veracruz (0-0). Désormais se présente devant lui une semaine exaltante, puisque Tigres affrontera en quarts de finale de LigaMX ses rivaux locaux, les Rayados Monterrey, leaders de la saison régulière. Le match aller se jouera en milieu de semaine, au Volcan, le stade des Tigres (45 000 places), le retour, le week-end prochain, dans l’enceinte flambant neuve des Rayados, l’une des plus modernes d’Amérique latine (53 000 places). Ce Clásico regiomontano va faire s’embraser l’agglomération de plus de 4 millions d’habitants. Rescapé, Tigres y croit. Car son onze est sans doute le meilleur du pays, avec celui des Rayados, mais aussi, car en LigaMX, championnat particulièrement homogène et imprévisible, il est courant que le leader de la saison régulière se fasse taper dès les quarts de finale. On appelle cela la malédiction du leader. Tigres, qui paraissait éreinté par l’enchaînement des compétitions (Copa Libertadores, Torneo Apertura 2015, Ligue des champions de la CONCACAF, Torneo Apertura 2016), ambitionne désormais le doublé. Quoi qu’il en soit, APG disposera d’une dernière opportunité de se montrer à Didier Deschamps. Si besoin était…
Par Thomas Goubin, à Mexico