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Giampiero Boniperti, l’époux de la Vieille Dame
Joueur symbole du club, puis dirigeant et enfin président. On lui doit même la maxime du club : « Gagner n'est pas important, c'est la seule chose qui compte. » Giampiero Boniperti a aujourd'hui 87 ans et a consacré toute sa vie à la Juventus.
Hors des frontières italiennes, Giampiero Boniperti est finalement peu connu malgré son statut de légende absolue de la Juventus. Où le mettre entre Sivori, Platini, Baggio ou Del Piero qui lui ont succédé ? « Il faut avoir au moins 65/70 ans pour l’avoir vu jouer, c’est peut-être pour ça » réplique Sergio Brio, ancien stoppeur des Bianconeri de 1978 à 1990. Effectivement, les débuts du natif de Barengo, dans la province de Novare, à 15 km d’Agrate Conturbia, village natal d’un certain Aldo Platini, datent de mars 1947. On lui affuble alors l’étrange surnom de « Marisa » à cause de ses bouclettes blondes. Pas le meilleur moyen d’être pris au sérieux, mais qu’importe, cela changera très vite.
Noces de cristal
Alessandro Del Piero en a marqué, des buts décisifs dans sa carrière, mais le plus important restera peut-être son triplé contre la Fiorentina en Coupe d’Italie un 10 janvier 2006. Pinturicchio décroche alors Giampiero Boniperti et devient seul meilleur buteur de l’histoire du club toutes compétitions confondues. Le record précédent aura donc duré 45 ans, soit depuis 1961 et la date de la retraite de son désormais ex-détenteur. Une retraite prise relativement jeune, à tout juste 33 ans « parce que je voulais couper net, j’ai retiré mes crampons et les ai donnés au magasinier, je n’en ai plus rechaussé depuis, je hais d’ailleurs les matchs entre vieilles gloires » , déclarait-il dans son autobiographie. Aussi parce que les stoppeurs de l’époque lui avaient ruiné les chevilles.
Lors de la première partie de sa carrière cependant, il joue avant-centre. En effet, après 9 ans à ce poste, Boniperti descend d’un cran et devient un genre de regista pour servir ses néo-coéquipiers John Charles et Omar Sivori et former le « Trio Magico » . Bilan : 5 Scudetti, 2 Coupes d’Italie et un titre de meilleur buteur de Serie A en 1947-48. De son premier amical avec la Juve où il marque l’intégralité des buts d’une rencontre conclue sur le score de 7-0 à un 9-1 contre l’Inter qui avait aligné ses gamins en guise de protestation. Parmi eux, Sandro Mazzola, fils de Valentino, mythe du Grande Torino disparu lors de la tragédie de Superga. L’ancienne gloire interista révéla : « Mes jambes tremblaient, Boniperti m’a pris sous son aile pour me rassurer et me parla de mon père… J’ai un énorme respect pour lui. » La transversalité, c’est à cela que l’on reconnaît les très grands.
Noces d’émeraude
Après une carrière de joueur qui l’a également vu disputer deux Coupes du monde avec la Nazionale, le blondinet de Barengo se recycle comme dirigeant au sein du club turinois et en devient même président dès 1971. Un règne qui va durer plus de 20 ans : « Un dirigeant extraordinaire, tous ceux qui l’ont côtoyé vous le diront. Il était compétent, mais aussi dur, lorsqu’il s’agissait de renouveler le contrat chaque année, personne ne pipait mot, il fallait signer et c’est tout » , se souvient Sergio Brio. Surtout lorsque le club n’avait pas remporté de titre à la fin de la saison.
En 1976, la Juve perd un mano a mano contre le Toro. Au moment de rempiler, les joueurs défilent traditionnellement dans le bureau de leur président, Boniperti leur montre à chaque fois une photo de la défaite décisive à Pérouse qui a couté le titre : « Tu y étais, non ? » Et là, inutile de tenter de revoir l’offre à la hausse. Sa nomination au poste suprême porte d’ailleurs ses fruits. Depuis sa retraite sportive, la Juve n’a gagné qu’un Scudetto. Trophée qu’elle remporte dès la saison 71-72. Suivront huit autres, ainsi que tous les titres internationaux durant son règne, qui dure jusqu’en 1994.
Noces de platine ?
Mais quel genre de président était-il ? « Il faisait tout, c’est lui qui choisissait les joueurs grâce à un réseau d’informateurs très complet et convaincant. Puis ensuite, il s’occupait de la partie administrative, le club était extrêmement bien géré. » Et son rapport avec les entraîneurs et notamment Trapattoni ? « Il pouvait paraître envahissant, car il se confrontait souvent avec eux, mais il pouvait se le permettre, car il avait les compétences techniques. Ce n’est pas comme aujourd’hui où de nombreux présidents ne comprennent rien au foot et essaye de mettre leur nez dans la composition de la formation » , poursuit Brio, « même à nous les joueurs, il n’hésitait pas à donner des conseils. En fait, il voulait des choses très simples, bons contrôles, précision de la frappe. L’essence du foot, quoi ! »
Exigent, mais aussi sensible : « Je me suis pété le genou, et tout le monde disait que j’étais fini à 23 ans. Lui m’a prolongé mon contrat les yeux fermés et m’a attendu. Je peux vous dire que c’était rare à l’époque. » Les années passent et Boniperti continue d’incarner parfaitement la juventinità. « Je ne suis pas d’accord, il incarne tout simplement la Juve ! » , tient à préciser son ancien poulain. Son petit-fils Filippo a tenté de prendre la succession, mais s’est vite perdu dans les divisions inférieures après avoir débuté en pro avec les Bianconeri. Mais à 87 ans, que peut-on lui souhaiter ? « Gare à vous si vous oubliez de l’appeler pour lui souhaiter son anniversaire, car il y tient tout particulièrement. Personnellement, j’aimerais qu’il me dise où je peux signer le contrat pour avoir sa longévité » , conclut Brio, avec brio. À tel point qu’on se demande qui de Boniperti et la Juve finira veuf avant l’autre.
Par Valentin Pauluzzi