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- 22e journée
- Getafe/Real Madrid
Getafe, toujours si seul
Présent en Liga depuis le début des années 2000, Getafe n'a jamais réussi à enflammer les foules. La faute à la proximité des deux mastodontes que sont le Real et l'Atlético, mais pas que. Englué dans un marasme économique et dirigé par un socio merengue, le club de la banlieue sud de la capitale semble contraint à exister dans l'indifférence la plus totale.
Ce dimanche, à l’heure de la rencontre entre le curé et ses paroissiens, la paroisse de San Pablo de Getafe devra composer avec les derbys qui se profilent quelques dizaines de mètres plus loin. Pas de stress pour autant pour le prêtre des lieux : la double opposition entre Getafe et le Real Madrid ne devrait pas attirer les foules au Coliseum Alfonso Pérez. Alors que les deux équipes fanions se retrouvent à midi pour la dernière journée de la phase aller de Liga, les réserves se mesurent elles dans l’après-midi. Dans une ville qui vit au rythme des exploits du Santiago-Bernabéu et du Vicente-Calderón, le Getafe CF a fait de l’indifférence populaire son identité. Pourquoi ? En partie parce que « c’est une petite ville dont un tiers n’est composé que d’entrepôts ou d’entreprises » , dixit Robin Lafarge, recruté cet été par les Azulones. Cette explication, véridique, n’explique pourtant pas tout. Créé en 1983, présent en Liga depuis onze ans, le club de la banlieue sud madrilène était à son origine la « Peña Madridista de Getafe » . Forcément, lorsque l’on supporte un autre club, difficile d’aimer le sien…
Yoda : « Franchement, il n’y a pas beaucoup de supporters »
Ángel Torres Sánchez est un président qui aime la différence. À la tête du « Geta » depuis 2002 – suite aux demandes persistantes du maire de l’époque, Pedro Castro – cet entrepreneur espagnol a la particularité d’être socio du Real Madrid. Pas un souci pour Karim Yoda, arrivé l’été dernier : « Ça ne me dérange pas spécialement, mais c’est vrai que c’est un peu bizarre. Mais on ne va pas le changer, c’est lui qui nous paie. Et on ne peut pas lui enlever qu’il a réussi à pérenniser le club en Première Division. » Toujours dans l’ombre du mastodonte de Chamartin, le club vit des miettes de son voisin. « Il y a beaucoup de joueurs qui sont passés par le Real Madrid, souligne ce même Robin Lafarge. Que ce soit dans le groupe professionnel ou dans celui de la réserve, ils sont nombreux. De mémoire, je te dirais qu’ils sont au moins cinq. » En réalité, ils ne sont « que » trois dans l’effectif professionnel actuel – Pablo Sarabia, Jordi Codina et le fameux Pedro Léon – à avoir été formés dans la cantera merengue. « Ce qu’espèrent nos rares supporters, c’est que des jeunes issus du club puissent jouer en équipe première… » , évoque Robin Lafarge, qui fluctue entre groupe pro et match avec la réserve.
Justement, des supporters, Getafe en manque terriblement. « Franchement, il n’y a pas beaucoup de supporters à Getafe, avoue Karim Yoda. Pour voir si tu as de vrais supporters, il faut regarder ceux qui nous suivent en déplacement. Et en déplacement, personne ne nous suit. » À domicile non plus. Il semble d’ailleurs que le vide de ses tribunes ne gêne pas le moins du monde Ángel Torres Sánchez. Ainsi, la saison dernière, le président du Geta a décidé de gonfler le prix des entrées (de 60 à 110 euros) et des abonnements (de 360 à 580 euros annuels). Le Coliseum Alfonso Pérez ne fait ainsi jamais le plein, et les aficionados se terrent chez eux. Ces décisions difficilement compréhensibles permettent au club de vivre sans la moindre pression des supporters. Ce que ne nie pas Karim Yoda : « Quand tu as des supporters qui attendent beaucoup de toi, qui sont là à chaque match, à l’extérieur ou à domicile, tu n’as pas la même pression quand tu entres sur le terrain. » De même, lorsque l’entraîneur Cosmin Contra a pris le large vers la Chine bon gré mal gré, aucune critique n’est venu contrée la stratégie présidentielle…
Un marasme financier
Roi tout puissant et sans opposition, Miguel Angel Torres doit pourtant faire face à une situation économique catastrophique. L’été dernier, l’imbroglio Pedro Léon avait failli coûter sa place à Getafe en Première Division. Après s’être poursuivi jusqu’au milieu de l’automne, l’épisode s’était terminé par une autorisation délivrée par les juges madrilènes au joueur… Aujourd’hui, le club a dû baisser son budget à 36 millions d’euros. Salary cap et remboursement de la dette oblige, le président a donc décidé de vendre, pour un peu moins de cinq millions d’euros, son entraîneur et un joueur, Michel, au club chinois de Guangzhou. Avec une dette de 14 millions d’euros, il va falloir trouver des solutions rapidement. De ce total, la moitié correspond aux impayés envers ses propres joueurs, les sept millions restant étant le passif avec l’Hacienda – le fisc local. Optimiste utopiste, ou menteur professionnel, Miguel Angel Torres jure lui que « nous avons moins de dettes que l’argent que l’on nous doit » . Soit. De toute façon, si le club doit couler, il le fera comme il a existé : dans le silence.
Par Robin Delorme, à Madrid