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- 4e journée
- Getafe/Barcelone
Getafe, ce poil à gratter
Étymologiquement, Getafe désigne une « route longue » , un talus où la populace passe, mais ne s’arrête. Le Getafe Club de Fùtbol est de cette trempe : il n’attire pas les foules. C’est un fait. Son Coliseum Alfonso Pérez et ses presque 17 000 strates sonnent continuellement creux. Rien d’anormal pour une commune située à quelques encablures de Madrid, treize kilomètres exactement. Dans cette périphérie sudiste, l’industrie se taille la part du lion – ou en tout cas ce qu’il en reste – et l’université Carlos III accueille la jeunesse madrilène. Le ballon rond, quant à lui, demeure la propriété de la capitale du Royaume, puisqu’à Getafe, et ce, malgré plus de 165 000 âmes, il ne se passe rien. Nada. Un prototype de cité-dortoir. Ne dérogeant ô grand jamais à cet adage, la venue du grand voisin, et bon ami, du Real Madrid ne chamboule pas la quiétude getafense. Ce samedi, lors du prime time espagnole, le débarquement de l’escouade catalane ne changera pas la donne. Un préjudice pour l’essaim de Luis García Plaza qui s’est fait maître dans l’art d’enquiquiner les deux mastodontes ibériques.
Un petit coin madrilista
Justement, la dernière excursion merengue a viré au tourment. Dans ce dit Coliseum, désespérément vide, la liquette blanche s’est frottée à un onze banlieusard des plus coriaces. Un soliloque d’Abdelaziz Barrada, un revers dans l’escarmouche, une déclaration d’amour de Coentrão et un coup de gueule du Mou plus tard, l’immense Real se sent con. Con de s’être fourvoyé puérilement dans un stade tout acquis à sa cause. Car, à ne pas s’y tromper, El Geta est l’équipe-bis du grand Real. De sa tête pensante, Ángel Torres Sánchez, à ses petits fantassins du rectangle vert. Le bien nommé Ange se devait donc d’aimer le blanc, couleur céleste. Magnat de l’industrie, ce désormais soixantenaire a fait main basse sur Getafe. Tout d’abord par sa coopérative Nuevo Hogar dans les eighties, puis sur le ballon rond en 2002. Un monopole citadin qui n’a jamais étouffé son amour sempiternel pour le Real Madrid. Socio de la Casa Blanca, il a soutenu financièrement la première montée dans l’élite des Azulones en 2004, un temps appelé Peña Madrilista de Getafe. Ça ne s’invente pas.
Un statut biscornu qui lui a valu les foudres de la presse catalane. Chaque nouveau millésime venant, les mesurés Mundo Deportivo et Sport y vont de leurs suspicions. Légitimes ou non, les chiffres ne mentent, eux, que rarement. Ainsi, en 18 affrontements, le bilan catalan affiche une douzaine de succès pour trois petits revers. Côté Bernabéu, les 17 derbys fratricides ont accouché de dix victoires madrilènes contre moitié moins de réussites périphériques. Comme épreuve de soumission, le grand Real a trouvé pire tête de Turc. La dernière manche est bien là pour le rappeler. Lorsque l’orgueil blaugrana parle ainsi, c’est bien parce qu’il ne s’est pas remis de la douche froide du 26 novembre 2011. Toujours invaincu dans l’épreuve domestique, les vacives de Pep Guardiola s’étaient ramassées. Pourtant, un an auparavant, le divin chauve avait prévenu : « C’est toujours un stade compliqué où il est difficile de s’imposer. » Un discours alors diplomatique, mais des plus authentiques. Car aujourd’hui, peu d’écussons peuvent se targuer d’afficher à leur tableau de chasse six points face aux colosses en l’espace de douze mois.
Tout ça pour quoi ?
Ángel Torres Sánchez peut s’autocongratuler, au lendemain du 2-1, « d’avoir une belle équipe et un excellent effectif » . Seulement, pour quelle finalité ? Le maintien, bien sûr. Plutôt pas mal casé dans le ranking de la Liga l’an dernier, le gardien du temple Miguel Ángel Moyá relatait la frilosité ambiante : « On fait de belles performances et on pourrait entrer en Europe (…). On a une bonne équipe, mais le but de cette saison est bel et bien de rester en Première Division. » Les victoires face aux voisins de l’Atlético (3-2) et Valence (3-1) n’y changeront rien. Et cette cuvée 2012-2013 ne fera pas défaut à la règle. Rien de vraiment choquant à l’égard du budget de Getafe, l’un des petits Poucets espagnols. Et ce, malgré l’enrichissement de capitaux qataris, plutôt radins sur le coup. L’arrivage de Catalans prévenus de ce samedi se fera sous les hospices habituels. Sans tapage ni esbroufe, Getafe se prépare calmement. Quitte à répéter un nouvel exploit dans l’anonymat. Histoire de ne pas rompre avec la spécialité locale.
Par Robin Delorme, à Madrid