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Gervinho marche à Londres
C'est officiel, l'Ivoirien de Lille portera désormais le maillot d'Arsenal. Une bonne nouvelle pour lui et les Gunners, un sale coup pour la Ligue 1.
Il paraît qu’Arsène Wenger est un bâtisseur sans égal. C’est curieux parce qu’on en arriverait presque à penser le contraire. A savoir que c’est un bousilleur de première. Car non content de condamner Arsenal à ne pas gagner le moindre trophée depuis 2005 en vertu d’une politique sportive qui touche clairement ses limites, le bougre continue saison après saison à piller la Ligue 1 des rares bonnes raisons de squatter Canal le dimanche soir. Car il faut bien le dire, en faisant signer Gervinho pour une douzaine de millions d’euros, Wenger a probablement choper l’attaquant le plus bandant du championnat de France. Evidemment, on force le trait et l’Alsacien n’a pas non plus mis une cagoule sur la tête de l’Ivoirien avant de le ligoter dans un van en direction de Londres. Le désormais ex-Lillois voulait clairement traverser le Channel: « C’est un super sentiment d’être joueur d’Arsenal. Je suis très heureux. J’ai toujours rêvé de jouer pour ce club. J’ai réalisé ce rêve désormais, c’est un des plus beaux jours de ma vie » . Sans doute oui, même si on peut imaginer que si Manchester United ou Chelsea s’étaient mis sur les rangs, le « club de ses rêves » aurait pu aller se faire voir. Mais bon, personne ne peut nier que pour Gervinho, ce passage sous la tunique rouge et blanche est une réelle progression. Car ce type est un talent rare au sens premier du terme.
Un pur ankle breaker
Dans son interview accordée à SoFoot en mai dernier, Rudi Garcia pointait la particularité et la valeur d’un garçon trop souvent mésestimé dans l’ombre d’un Eden Hazard pourtant très loin de lui en termes de rendement. « Gervinho est l’attaquant plus efficace de L1. Quinze buts et surtout dix passes décisives. Cette stat combinée n’est jamais mise en avant. Comme Eden Hazard, il sait éliminer en un contre un et c’est de moins en moins fréquent dans notre championnat. Et en plus, il appelle dans la profondeur. Ces deux caractéristiques chez un seul et même joueur, c’est franchement très rare. C’est quasiment le joueur le plus perforant de Ligue 1 et désormais très efficace » . Vrai. Longtemps, Gervais Yao Kouassi, de son vrai nom, pouvait passer, notamment quand il évoluait au Mans, pour un de ses tricoteurs de l’inutile, ces mecs de un contre un capable de désarticuler n’importe quel défenseur (un pur « ankle breaker » comme disent les Américains au basket) sans jamais bien finaliser ses arabesques. « Il doutait clairement devant le but » confie le Niçois Kafoumba Coulibaly, issu de la même promo dans l’inénarrable Académie de Jean-Marc Guillou en Côte d’Ivoire. Un manque de confiance naturelle qui peut plomber une carrière. Sauf que Gervais est un bosseur, un vrai. Le meilleur moyen d’augmenter sa réussite, selon le vieil adage du golfeur Nick Faldo : « Plus je travaille, plus j’ai de la chance » . Un des premiers entraîneurs de Gervinho, « coach Jean » , rappelle ainsi : « Je le levais à 5 heures du matin. Avant l’entraînement, il faisait trente minutes de footing, travaillait ses courses. Il était très motivé. Je l’ai même levé un 31 décembre aussi tôt. Il savait ce qu’il voulait » .
Gare au « syndrome Arsenal »
Aujourd’hui, tout ce travail a payé et Gervinho est donc un Gunner. Et déjà on peut se demander jusqu’où il peut aller. Pas sur sa valeur intrinsèque car son talent pur est beaucoup plus indiscutable que son style capillaire (mais comment diable peut-on avoir une implantation aussi bizarre, c’est un mystère ?). Alain Pascalou, recruteur au Mans et qui a bien connu le prodige lors de son passage dans la Sarthe, n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Il a un style incomparable qui fait de lui l’un des meilleurs ailiers attaquants dribbleurs d’Europe » . En ce sens, on peut comprendre que l’Ivoirien ait autant scotché sur la Premier League, son jeu vertical, ses duels, ses espaces, même si le néo-Canonnier a cerné qu’il allait vite lui falloir manger du biffin pour affronter les poètes d’outre-Manche : « Le dribble, je ne l’ai jamais beaucoup travaillé, c’est naturel mais je dois constamment bosser le physique car c’est ce qui nous a manqué avec Guillou. Quand tu la manques, même quand tu t’appelles Drogba, c’est difficile » .
Reste aussi à ne pas se laisser empoisonner par le « syndrome Arsenal » . En clair, finir par être étiqueté à l’image du club londonien comme un sympathique animateur du jeu, beau à voir mais inapte au plus haut niveau. On exagère ? La théorie n’est pas de nous mais glissée l’air de rien par Gaël Clichy passé récemment à Manchester City car, selon lui, la reconnaissance individuelle passait aussi par le succès collectif à l’image de Patrice Evra et Eric Abidal, heureux bénéficiaires des victoires de Manchester United et du Barça. Evidemment, Gervinho n’en est pas à ce type de raisonnement. Pour l’heure, il s’agit surtout de s’imposer dans son nouveau club et ce nouveau championnat qui semblent taillés pour lui. Avec une petite idée derrière la tête… ? « Je suis ravi d’avoir la chance de travailler avec Arsène Wenger car je pense qu’il peut m’aider à m’améliorer et à atteindre un autre niveau » . C’est marrant, on jurerait que Gervinho songe déjà à aller plus haut…
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