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- Retraite de Steven Gerrard
Gerrard, pour l’éternité
Après des semaines de doutes, Steven Gerrard a finalement annoncé la fin de sa carrière sportive jeudi, à l’heure du déjeuner. Histoire de boucler la symphonie sur 213 patates, un peu moins de 900 matchs et des larmes. Mais surtout de revenir là où tout aurait dû se terminer, enfin.
Une putain de gifle. Un uppercut dont on ne se relève pas ou avec la gueule défaite. Au fond, ça ne devait pas se terminer comme ça. Pas par des mois de silence à faire le touriste à Los Angeles. On aurait aimé, tellement aimé, que tout s’arrête ainsi : devant plus de 44 000 personnes, à Anfield, un après-midi de mai où on s’en branlait du résultat. Il y avait ses larmes, une forme de sincérité aussi, mais aussi cette impression que rien ne serait plus comme avant, déjà. Steven Gerrard n’aurait jamais dû partir de Liverpool. Liverpool était dans son sang, c’était sa raison d’être, sa raison de vivre et, aussi, une espèce de truc indissociable au milieu de la cathédrale qu’est Anfield. Intérieurement, il a souvent été habité par les doutes, ceux du haut niveau, ceux de l’insécurité intérieure, mais aussi ceux des héros qui doivent porter un symbole.
Gerrard était au cœur ce que Carragher était à l’esprit. Gerrard était au foot ce que définit la notion de fidélité. Si les supporters de Liverpool ont cru qu’il ne partirait jamais, c’est aussi par sa faute, à coups de déclarations d’amour, comme lors de cette nuit à Istanbul où il avait été clair : « Comment pourrais-je quitter le club après une soirée comme celle-ci ? » Mais il l’a fait, pour boucler une carrière longue de dix-huit ans. Et au fond, on ne peut pas lui en vouloir, car il n’a fait que prolonger le plaisir et étirer un arrêt qu’on sentait arriver. L’histoire retiendra donc que Steven Gerrard nous a dit au revoir un 24 novembre, à l’heure du déjeuner.
« Merci pour tous ces moments »
Comme ça, sur un communiqué, histoire de mettre fin à toutes les rumeurs qui entouraient son cas. Sous sa plume, Stevie a refermé le dernier chapitre de sa carrière de joueur en remerciant le monde « pour tous les instants » . Ceux qu’il nous a offerts ? Il a trop d’humilité pour le faire lui-même. Alors, on va se permettre : merci. Putain, merci ! Merci pour cette rage, ce que tu as inventé, écrit. Merci pour ces patates, pour cette nuit que l’on n’oubliera jamais, pour ce que tu représentais, pour ce sourire et ce caractère, pour cet amour et ces larmes. Merci aussi pour cette glissade, car elle raconte finalement beaucoup trop d’une carrière qui ne devait se terminer qu’ainsi. Tu n’avais pas le droit de glisser, mais tu l’as fait.
Tu l’as fait, car ton destin a voulu que tu en chies jusqu’au bout, que tes moments de bonheur soient incomplets, que tu laisses derrière toi ce goût d’inachevé qui nous fait chier, souvent, au moment de faire les comptes. Mais on s’en fiche des chiffres, ce qui restera à la fin de ta carrière sur ton CV nous importe peu, car c’est plutôt l’héritage que l’on regardera. Celui de la mémoire de Jon-Paul, celui d’une certaine notion du temps, celui de l’homme que tu as été depuis tout ce temps sur un simple terrain de foot, mais aussi en dehors. Tu as mis quelques patates aussi, mais on a envie de t’excuser, et la justice l’a fait pour nous. Tu étais simplement un monument, un mec qui peut regarder dans les yeux Scholes, Lampard, Ferdinand, Terry, des mecs avec qui tu aurais dû gagner quelque chose, mais comme ton pays est maudit et que personne ne sait quoi en faire, la vie en a décidé autrement.
Le début de la nostalgie
Ce départ, on s’y était préparé, car on sait que, quelques fois, un bon coup de latte dans la gueule ne peut pas nous faire de mal. Mieux, ça nous fait du bien. Parce qu’on peut se souvenir. Se souvenir du jour où Gérard Houllier t’a pris sous son aile, alors que tu étais « maigre comme un clou » et t’a ensuite nommé capitaine. Se souvenir aussi qu’Anfield sera toujours ta maison et que tu es appelé à y revenir bientôt. Jürgen Klopp ne cesse de répéter qu’il y aura toujours de la place pour toi et, si tu as refusé de t’asseoir aussi tôt sur le banc de MK Dons il y a quelques jours, ce n’est pas pour te regarder dans le miroir. Oui, Steven Gerrard va probablement revenir à Liverpool dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Oui, il enfilera probablement un jour un costume d’entraîneur, comme ceux qui ont veillé sur lui un jour l’ont toujours pensé. Il aura aussi un jour sa statue pour tenir chaud à Bill Shankly, mais, pour le moment, il veut apprendre.
Apprendre ? Oui, apprendre pour un nouveau rôle. C’est peut-être le moment parfait, celui où Liverpool retrouve la patate avec Klopp dans une dimension peut-être un poil supérieure au moment où tout s’était effondré sur les derniers tours d’horloge. Il devait revenir et il va revenir. Reste à savoir quand. Quand il va remettre les pieds dans ce qu’il décrit comme « son monde » . Alors, en attendant, profitons et souvenons-nous que le football vient de perdre l’une de ses plus belles pièces sur ces notes indélébiles : « Steve Gerrard, Gerrard… He’ll pass the ball 40 yards… He’s big and he’s fucking hard… Steve Gerrard, Gerrard… » Steven Gerrard a donc pris sa retraite au pays des pré-retraités. Et le prochain s’appellera Frank Lampard ou Andrea Pirlo. Ce n’est donc que le début de la nostalgie.
Par Maxime Brigand