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- 12e journée
- AS Monaco/Reims
Germain le généreux
Un nom sorti d'une pièce de Molière, un minois de Petit Prince, un léger cheveu sur la langue à la Christophe Lemaître, mais surtout une intelligence dans le jeu peu banale pour un joueur de son âge et évoluant à son poste. Personnage indispensable dans le collectif retrouvé de Monaco, Valère Germain mérite bien quelques secondes d'attention.
Claudio Ranieri est un entraîneur intraitable et un homme exigeant. Pas question pour lui de confier le brassard de capitaine à n’importe quel garçon, surtout si le garçon en question n’a que 21 ans et joue attaquant. Si le technicien italien a entrepris ce choix audacieux à plusieurs reprises lors de la saison 2012-2013 – la saison de la remontée en L1 -, c’est probablement que la maturité du gamin lui avait tapé dans l’œil. Quand les autres attaquants de son âge visent l’exploit personnel, le dribble et le but pour se faire un nom, Valère Germain compose sur un autre registre. « Valère est un attaquant atypique » , commente son père Bruno, poids lourd de la Ligue 1 passé par l’OM et le PSG au début des années 90, avant d’ajouter : « Au lieu d’attendre le ballon dans l’axe comme beaucoup ou d’essayer d’enchaîner les grigris, il a toujours privilégié le geste juste, la passe réussie, le bon appel. Depuis ses débuts, il a toujours eu cette simplicité et cette maturité. » Formé au club comme Layvin Kurzawa, le petit Valère a gravi pas à pas les échelons de l’ASM. Champion de France des réserves pro en 2008 aux côtés de lascars qui se sont fait un nom comme Nkoulou, le natif de Marseille (papa jouait là-bas à l’époque) a goûté ses premiers instants en pro quand Monaco affrontait la descente en Ligue 2. Pièce maîtresse de la remontée en Ligue 1 malgré la concurrence des premières recrues de l’ère Rybolovlev, le gamin enchaîne les matchs (39), empile les buts (14), entasse les passes décisives (7), récupère le brassard de temps à autre et termine nommé pour le titre de meilleur joueur de L2.
Capitaine de Ranieri à 21 ans
Placé sur ce piédestal, Germain voit arriver pendant l’été les stars arrachées à coups de millions pour démontrer les ambitions d’hégémonie européenne de l’ASM. La concurrence à son poste a beau quadrupler en quelques semaines, le petit blondinet n’est pas effrayé pour un sou. Le paternel se souvient : « Valère était excité par le projet du club, il pensait que les recrues prestigieuses allaient permettre de d’évoluer dans un autre univers, mais il n’était pas particulièrement angoissé. Il avait une bonne relation avec Ranieri et l’envie de se défoncer pour prouver qu’il pouvait avoir une place de choix dans ce groupe. Le problème a été cette blessure dans la phase de préparation… » Un genou qui pète et c’est toute la préparation qui saute et le train de l’équipe qui part sans lui. Manu Rivière flambe aux côtés de Falcao pendant que le minot passe de l’infirmerie au banc de touche. Germain traîne aussi la réputation de n’être pas assez tueur pour un attaquant. Un tendre parfois un peu trop altruiste. « C’est un joueur efficace dans le sens où il est utile pour l’équipe. Peut-être qu’il aurait parfois intérêt à être plus égoïste pour gonfler sa ligne de statistiques » , reconnaît Bruno Germain. Après presque une décennie dans les couloirs du club, Valère est poussé vers la sortie. En bon homme d’équipe, il s’accroche sans broncher ni faire de vagues. Une stratégie qui finit par payer, car le jeune homme retrouve un peu de temps de jeu et de bonnes sensations en deuxième partie d’exercice.
L’huile dans les rouages de l’équipe
Vécus comme une série de séismes par les supporters, les départs en cascade des principales valeurs marchandes de l’équipe lors du dernier mercato ont au moins eu le mérite de faire de la place dans le groupe. Le projet clinquant d’une ASM concurrente des cadors européens a pris du plomb dans l’aile. Bon an mal an et après quelques semaines de flottement, il a laissé place à une stratégie à plus long terme basée sur la détection et la maturation de jeunes talents. Martial, Ferreira Carrasco, Ocampos et consorts ont une carte immense à jouer et disposent d’un peu plus de temps et de patience sous l’ère Jardim que sous celle de Ranieri. « Ces garçons ont un talent fou. Cette saison, il y a un peu moins de pression autour de l’ASM. S’ils parviennent à jouer ensemble pour l’équipe, ils peuvent vraiment faire de grandes choses » , analyse Bruno Germain. Dans cette animation offensive juvénile, Valère fait office de point d’ancrage. Intelligent dans ses appels, dans son replacement défensif comme dans son utilisation du ballon, c’est un rouage indispensable pour huiler le système de jeu d’une équipe. De l’avis de tous ses coéquipiers, jouer à côté de Valère, c’est un vrai régal. Une nouvelle fois capitaine contre Bastia, son entente avec un Ferreira Carrasco des grands soirs a été à l’origine du premier match séduisant — dans l’animation offensive — de Monaco cette saison. Opportuniste, il a même ouvert la marque dès la cinquième minute. Une Valère sûre.
Par Pablo Garcia-Fons