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« Willy Sagnol, c’est quand même quelqu’un »
Chroniqueur judiciaire et écrivain, Dimitri Rouchon-Borie a eu un coup de cœur pour Willy Sagnol. Et pas seulement parce qu’il vient d’étriper le Portugal de Cristiano : toute cette admiration est due aussi à un style.
« Willy Sagnol, c’est quand même quelqu’un. Euro 2024 : il pousse gentiment le Portugal sur la touche, tout en envoyant la sélection géorgienne dans l’histoire, et il fête ça avec la sobriété d’un assureur de collectivité territoriale qui viendrait d’épargner à sa boîte le remboursement d’une haie de thuyas. Mercredi soir, à la deuxième minute du temps de jeu, le champ géorgien s’élève pourtant d’un cran, avec la première moisson fertile d’un but éclair. Et lui, il ne moufte pas, dans son T-shirt blanc, là.
Le sosie officiel de Clovis Cornillac a boudé la team costard, sélect en sélection et raideur transversale, autant que la team survêt’ banc de touche, pour la touche de blanc d’un tricot de corps. Willy, il est ramassé dedans, à la limite de vexer la taille L, et il brave ce moment d’histoire du sport en montrant davantage de relief à l’extérieur que d’émotions à l’intérieur. Alors, tandis que le commentaire sportif appuie sur les phonèmes en « -azde » pour raconter le jeu géorgien, nous, on reste scotchés sur le vrai name du boss de la pelouse : Willy.
Un Français authentique, le patron, avec sa trogne à faire croire qu’il entraîne plutôt la mauvaise humeur. Quand il dit bonjour, déjà, on a l’impression qu’on va se faire engueuler. On le dirait tout droit sorti de Saint-Étienne, et, d’ailleurs, c’est le cas. Willy, c’est un peu le gars de 5e C qui a de la moustache depuis la primaire, et que personne ne fait suer, parce qu’il a l’air presque plus âgé que le prof d’histoire-géo.
Quand il jouait en équipe de France, au milieu des silhouettes hip-hop et longilignes, on l’imaginait déjà plutôt agripper du bleu de chauffe pour se la coller bonhomme en cas de divergence, et découper plus de tôle que d’attaquants. Et cet homme-là, improbable à sa façon dans l’étiquette du sport, il vient de réussir à faire chanter le peuple géorgien. Avant cela, il a fait gagner la France, et, aussi, le Bayern, en beau latéral, rude au travail, capable de brouter son couloir non stop, sans rechigner.
Ce mercredi soir, avec son tricot et sa mine à figurer dans un Pagnol, il a incarné encore ce quelque chose de différent, un peu fragile et un peu fou. La Kryptonite du marketing footballistique. Ce truc franc et simple qu’on apprécie dans une poignée de main, qui dit à quoi s’en tenir. Sous le maillot blanc, à deux doigts de la promo Kiabi, il y a de la résistance aux mirages du sport. Une exigence sans posture, connectée au jeu, rien de plus ? Willy, si tu vas en finale, remet le tricot ! »
Par Dimitri Rouchon-Borie