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George Weah : «Je dois ma carrière à Wenger»
La semaine dernière, George Weah est entré au Salon de la Fama, le Hall of Fame du football, situé à Pachuca (Mexique), en compagnie de ses ex-coéquipiers Franco Baresi et Paolo Maldini. L'occasion d'échanger rapidement avec l'homme politique et Ballon d'Or 1995.
Que représente pour vous cette entrée au Salon de la Fama ?
J’ai été très ému par cette reconnaissance. C’est le genre de moment où tu mesures le chemin parcouru. Moi je viens des ghettos de Monrovia, de la rue, et là j’entre au Hall of Fame, c’est un honneur. Quand j’ai commencé à jouer au foot, personne dans mon pays ne voyait cela comme une manière de réussir dans la vie. Un joueur de foot ne pouvait aider à construire le futur d’un pays. Mon entrée est un événement historique pour le Liberia. Je suis aussi très honoré d’entrer au Salon de la Fama au même moment que d’autres joueurs du Milan, comme Franco Baresi (présent à Pachuca, ndlr) et Paolo Maldini (il s’agissait de la troisième génération d’honorés au Salon de la Fama, créé en 2011, ndlr). Ça montre que le Milan a marqué son époque.
Quand avez-vous commencé à penser que vous feriez du football votre profession ?
Au Liberia, il n’y avait pas d’espoir, mais j’ai voulu m’inventer un avenir pour moi et mes proches. Mon pays était en guerre, et dans la rue, il n’y avait pas de valeurs. Mais moi j’y croyais et je travaillais dur chaque jour. J’ai aussi été inspiré par le roi Pelé, son histoire. Je regardais ses cassettes vidéo et je voulais l’imiter.
Lors de votre conférence de presse, vous avez remercié Arsène Wenger. En quoi a-t-il compté dans votre carrière ?
Quand je suis arrivé à Monaco, j’étais le troisième étranger, je savais donc que je disposerais de peu d’opportunités de me montrer. Mais quand Mark Hateley s’est blessé, Wenger n’a pas douté et m’a titularisé. Il m’a dit : « J’ai confiance en toi, si tu travailles, tu seras un grand joueur, une référence mondiale » . Et puis, Wenger ne m’a pas seulement considéré comme un joueur mais comme un véritable fils. Il me donnait beaucoup de conseils, notamment sur la manière de gérer ma vie quotidienne. Je lui dois ma carrière. Il faut aussi se rappeler que quand Monaco me recrute, j’évoluais comme ailier. C’était mon poste au Tonnerre Yaoundé. Wenger m’a dit qu’avec ma capacité de pénétration et ma technique, j’avais tout pour devenir un grand avant-centre.
Vous suivez toujours les résultats de l’ASM ?
Oui. J’étais peiné par leur descente en L2, et je suis heureux de voir qu’ils investissent aujourd’hui pour attirer les meilleurs joueurs. Falcao, tout le monde voudrait l’avoir. Monaco a tout pour être un grand. C’est une très belle ville, et aujourd’hui, ils disposent de ressources pour construire une grande équipe.
Vous avez été le premier Africain à obtenir le Ballon d’Or, mais aussi le dernier. Estimez-vous que d’autres joueurs du continent auraient mérité cette récompense ?
Oui. Sans aucun doute. Des joueurs comme Drogba ou Eto’o. Après, le Ballon d’Or est une compétition. Même si tu as brillé, il suffit qu’une personne soit meilleure que toi, pour qu’il t’échappe. Il faut vraiment être consistant, et on dépend aussi des gens qui jugent. J’espère vraiment avoir un successeur en Afrique.
Quelle place occupe aujourd’hui la politique dans votre quotidien ?
Je suis toujours le leader de notre parti (Congrès pour le changement démocratique, ndlr), le plus important du Liberia. Je suis aussi chef du Comité pour la paix et la réconciliation au Liberia. J’œuvre pour que la paix se maintienne et que notre pays soit stable. On espère que notre parti va gagner un jour les élections.
Vos activités politiques au sein d’un pays traumatisé par une terrible guerre civile ne vous font-elles pas considérer aujourd’hui le football comme quelque chose de dérisoire ?
La vérité, c’est que même si je suis président du Liberia demain, je vais mener une politique favorable au sport. C’est grâce au sport que je suis aujourd’hui qui je suis. Cela montre que le sport peut être un formidable outil de formation personnelle, je ne peux pas l’oublier. Et puis le football représente un facteur d’unité pour un pays. C’est un sport qui donne beaucoup d’espoir aux jeunes. Au pays, les gens m’aiment beaucoup, grâce au football. Le football, c’est aussi un secteur économique. On voit l’argent que charrie le football aujourd’hui. Pourquoi cet argent n’arriverait pas aussi en Afrique, au Liberia ?
Le dernier Mondial U17 a été marqué par des suspicions sur l’âge des joueurs nigérians. Pensez-vous qu’il existe un contrôle fiable de l’âge des footballeurs en Afrique ?
En Afrique, on joue dans la rue. La compétition est présente dès le plus jeune âge, et cela nous fait mûrir rapidement, mentalement et physiquement. La robustesse de jeunes Africains peut engendrer des questionnements sur leur âge quand ils évoluent dans des tournois internationaux, mais quand l’Afrique n’obtenait pas de résultats, je n’entendais pas tous ces questionnements. Je ne crois pas qu’il existe de fraudes aujourd’hui. Je prends l’exemple de mon enfant. Il a 13 ans, il mesure plus d’un mètre soixante-dix, et sa carrure indiquerait qu’il est majeur. Peut-être que s’il jouait un tournoi international, on douterait aussi de son âge.
Que pensez-vous du choix du Qatar pour organiser la Coupe du Monde 2022, alors que des travailleurs immigrés meurent sur les chantiers et que leurs conditions de travail sont déplorables ?
J’ignore ces problèmes et je ne veux pas juger le Qatar car je manque d’informations. Évidemment, toute mort est dramatique, et je suis peiné pour les familles des défunts. Pour moi, chaque zone du globe mérite une Coupe du Monde. Le nom de l’épreuve indique que cela concerne toute la planète. En 2010, l’Afrique a connu son premier Mondial alors que personne pensait que ce continent serait capable d’organiser une telle épreuve. Pour moi, le Qatar est préparé pour le Mondial, c’est un bon choix, je le soutiens (Mister Geroge collabore avec Al-Jazeera et connaît personnellement Nasser El-Khelaifi, ndlr). Je suis certain que la FIFA et le Qatar vont travailler ensemble pour progresser à tous les niveaux.
Propos recueillis par Thomas Goubin, à Pachuca