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Gênes, la lanterne ne brille plus

Eric Maggiori
6 minutes
Gênes, la lanterne ne brille plus

Ce soir, c’est le grand derby de la Lanterne, entre la Sampdoria et le Genoa. Oui, sauf que, depuis quelques saisons, ce derby a surtout pour but de déterminer qui va lutter pour le maintien et qui va se caler dans le ventre mou du classement. Pas très sexy, tout ça.

Cela s’est passé hier, au centre d’entraînement de la Sampdoria. Delio Rossi, le coach de la Samp, avait décidé de réaliser un entraînement à huis clos, en mode bunker, pour préparer le derby contre le Genoa. Mais au cours de l’entraînement, un homme est répéré dans les bois, en tenue de camouflage, à quelques mètres du terrain. Il s’agit de Luca De Prà, l’entraîneur des gardiens de la Primavera du Genoa, qui était venu espionner les tactiques de la Sampdoria. L’homme a été pris en photo en flagrant délit et la photo a fait le tour des médias italiens. La Samp a publié un texte sur son site Internet accompagnant la photo, dont le titre est : « Espionnage à Bogliasco : un Rambo du Genoa pris sur le fait. » Ça, c’est le genre d’histoire de derby que l’on aime. Tout comme on avait souri devant l’enterrement de la Sampdoria organisé par les supporters du Genoa après un derby qui avait envoyé la Samp en Serie B. Car au final, ces « sfottò » , ces chambrages, ces prises de bec, sont pratiquement tout ce qu’il reste de vraiment palpitant dans ce derby génois. Un derby qui conserve une dimension historique forte, entre deux anciens champions d’Italie, mais qui a clairement perdu de sa superbe. Et le début de saison confirme cette tendance : le Genoa est déjà dernier, avec deux défaites en deux rencontres, la Samp fait un tout petit mieux avec un point, glané in extremis il y a deux semaines sur la pelouse de Bologne. Loin des sommets.

Milito, Thiago Motta, Pazzini, Cassano, autre temps

Pendant de nombreuses années, le Genoa et la Sampdoria ont joué au chat et à la souris : quand l’un tourne à plein régime, l’autre n’avance pas. Un exemple typique : lors des saisons 2008-09 et 2009-10. Lors de la première, le Genoa réalise une saison énorme (avec un Milito en feu) et se positionne à la 5e position, passant à un but de la qualification en Ligue des champions. La Samp, elle, réalise un championnat anonyme et termine à la 13e place. La saison suivante, inversion de tendance. Avec Delneri, la Sampdoria est métamorphosée et se qualifie pour le tour préliminaire de la Ligue des champions (4e), tout ça pendant que le Genoa, orphelin de Milito et Thiago Motta, termine à une bien décevante 9e place. Mais ça, c’était avant. Car depuis, ce sont les deux équipes qui galèrent en même temps. La Sampdoria a d’abord été reléguée en Serie B, est remontée immédiatement, puis est parvenue à se maintenir pour son retour parmi l’élite. Pendant ce temps-là, le Genoa, qui a fanfaronné lors de la descente de son ennemie intime, n’a pas franchement eu de quoi se pavaner : 10e en 2010/11, 17e en 2011/12 (maintien obtenu à la toute dernière journée) et 17e, encore, en 2012/13. Autant dire : une vraie équipe de bas de tableau. Ça, c’est le constat. Reste maintenant la question : pourquoi ?

Pourquoi deux équipes si prestigieuses, avec des fans parmi les plus fervents d’Italie (remettez-vous donc les images de Palombo qui pleure devant les tifosi après la relégation pour comprendre l’amour des supporters doriani envers leur équipe) et avec, a priori, des moyens économiques raisonnables, galèrent autant à obtenir un peu de stabilité ? Plusieurs réponses, mais pas vraiment de réponse évidente qui permettrait de résoudre tous les problèmes. À la base, ce sont, des deux côtés, de vraies erreurs de gestion qui sont à l’origine des maux. Enrico Preziosi, le président du Genoa, est parvenu à ramener le club en Serie A au cours des années 2000, à redorer le blason, mais s’est ensuite laissé prendre à son propre jeu. Sa folie des grandeurs lui a fait faire des achats déraisonnables, et bien souvent incohérents. Car, non, monsieur Précieux, on ne peut pas construire une équipe stable en changeant pratiquement 11 joueurs chaque été. Idem du côté de la Samp, où la vraie erreur a été l’été 2010. Au lieu de ne pratiquement rien changer après la qualif’ pour le tour préliminaire de la C1, tout a été chamboulé : changement de coach (Delneri out, Di Carlo in), de directeur sportif (Marotta out, Gasparin in) et, quelques semaines plus tard, de joueurs (Pazzini et Cassano, les deux locomotives de l’équipe, se tirent). L’équipe ne s’en est jamais remise. Trois ans après, le poids de ces changements pèse encore.

En 4 ans, la Juve a sorti de sa poche 38 fois plus d’argent que la Samp

Ensuite, il y a le problème que traversent tous les clubs italiens, et qui est mieux géré par certains que par d’autres : la crise. Depuis quelques années, le Genoa et la Sampdoria n’arrivent pas à conserver leurs meilleurs éléments. Dès qu’un joueur explose, il est immédiatement revendu dans un grand club, comme un petit club de province le ferait. Cela a été le cas avec Mauro Icardi (acheté 400 000 euros, revendu 6 millions à l’Inter), avec Mattia Destro (acheté 6 millions, revendu 15) ou encore avec Rodrigo Palacio, acheté 4,9, revendu 10,5. Le but : faire des plus-values, des plus-values et encore des plus-values. Oui, sauf que les plus-values, c’est bien. Cela permet de respecter le fair-play financier, d’avoir des comptes propres et de ne pas être dans le rouge. Mais sportivement parlant, c’est une autre histoire.

En football, c’est désormais la même règle pour tout le monde : pour gagner, il faut investir. Et d’autant plus en Italie. L’Inter avait investi pour dominer la Botte, Milan avait investi pour reprendre son trône, la Juve a investi pour régner à nouveau. Or, les chiffres sont explicites. Sur les quatre dernières saisons, la Sampdoria a sorti de sa propre poche 3,7 millions d’euros sur le marché des transferts (différence entre somme dépensée et somme encaissée par les ventes), le Genoa a pour sa part carrément fait un bénéfice de 13 millions d’euros. Sur la même période, la Juve, elle, a sorti de ses propres caisses 140,5 millions d’euros (251,5 millions d’achats, 111 millions de ventes), soit 38 fois plus que la Samp. Platini serait certainement plus fier des deux équipes génoises (clap clap clap), mais en attendant, c’est la Juve qui rafle tout.

Enfin, le dernier point, c’est le coach. La Sampdoria semble enfin avoir trouvé un point fixe en la personne de Delio Rossi, après avoir utilisé six coachs depuis Delneri en 2010 (aucun n’a fait une saison entière). Côté Genoa, en revanche, c’est toujours le trou noir. Depuis le regretté Gasperini, l’homme des miracles, personne n’a réussi à proposer quelque chose de concret. Ballardini (deux fois), Malesani (deux fois aussi), Marino, De Canio, Delneri : tous se sont cassé la gueule, et le dernier venu, Fabio Liverani, semble bien parti pour suivre le même chemin. Ce soir, c’est donc le derby de Gênes. Un derby de la Lanterne qui, encore une fois, va plutôt enfoncer le perdant vers les profondeurs, que catapulter le gagnant vers les sommets. Bon courage aux 22 acteurs.

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