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Gênes en flammes
Ce soir, Gênes se tait. Le stade Luigi Ferraris accueille l'un des derbys les plus importants des dernières décennies. La Sampdoria est au bord de la relégation. Et le Genoa adorerait la pousser dans le dos.
La peur. Voilà ce que l’on peut lire dans les yeux des joueurs et des supporters de la Sampdoria depuis le début de la semaine. Dimanche dernier, les Génois se sauvaient à la dernière minute face à Brescia (3-3), grappillant ce petit point qui lui permet d’avoir une moitié de nez hors de l’eau. Néanmoins, pas suffisant pour éloigner les fantômes. Le spectre de la Serie B est là, tout prêt, à un petit point. Il murmure à l’oreille. Et la grande faucheuse porte cette fois-ci un maillot rouge et bleu. Celui de l’ennemi juré, le Genoa. Mettre le coup de grâce à un ennemi déjà à terre et l’envoyer en enfer : quelle jouissance plus grande pour un tifoso ? Aucune. Oui, ce derby là a un goût tout particulier. Le goût de la revanche. Car l’an dernier, pendant que la Sampdoria se pavanait avec sa quatrième place qualificative pour le tour préliminaire de la C1 (qu’elle ne passera pas), le Genoa effectuait une saison anonyme, terminée dans le ventre mou du classement. Et les supporters de la Sampdoria, avec leurs 16 points d’avance à la fin du championnat, ne se sont pas gênés pour chambrer. Cruel retour de bâton. Aujourd’hui, le peuple génois, rive rouge et bleu, n’attend qu’une seule chose : que la Sampdoria aille se faire les dents à l’étage inférieur.
A l’évidence, ce derby compte plus pour la Sampdoria que pour le Genoa. L’équipe de Ballardini, avec ses 45 points, a totalement assuré son maintien. Mais d’autre part, les 11 points de retard sur la Juventus, 7ème, ne lui permettent plus d’espérer une place européenne. En résumé, les joueurs sont déjà en vacances. Tout l’inverse de la Sampdoria, qui va devoir prendre au minimum 4 points lors des trois dernières journées si elle veut éviter de jouer contre Sassuolo ou Crotone l’an prochain. Or, sachant que la bande de Cavasin va devoir affronter, outre le derby, Palerme et la Roma, le maintien est encore loin. Face à ce tableau noir, une chose est certaine : les trois points du derby fileraient un sacré coup de pouce aux doriani. C’est ce que le maire de Gênes, madame Marta Vincenzi, a tenté de suggérer à demi-mots. « Allez les garçons, c’est important d’y croire. Je pense que Gênes doit démontrer son soutien à une équipe en difficulté, et pas seulement ceux qui supportent la Sampdoria. Se priver de la joie du derby serait dommage pour tous. Il faut avoir deux équipes en Serie A, c’est important » a-t-elle affirmé. Comprendre entre les lignes : « Si le Genoa pouvait laisser gagner la Sampdoria, sans que cela ne se voit trop, ce serait vraiment sympa » . Petite précision : madame la mairesse est supportrice de la Samp. Étonnant.
« Envoyons-les en Serie B »
En revanche, s’il y en a un qui n’est pas supporter de la Sampdoria, c’est bien Enrico Preziosi. Le fougueux président du Genoa, qui adorerait faire un sale croche-patte aux cousins, n’a pas vraiment apprécié la sortie de Marta Vincenzi. « Dans un match de foot, la solidarité n’existe pas. Nous avons déjà fait notre devoir, et le ferons encore dimanche. Mes joueurs vont tout donner, penser l’inverse est absurde. Attention à ceux qui n’honoreront pas le maillot » prévient-il aux micros de Radio Radio. Un message repris en chœur par les 2000 supporters qui, hier au centre d’entraînement, ont exposé des banderoles allant du simple « Le derby ne s’offre pas » au plus cynique « Envoyons-les en Serie B » . Même son de cloche chez l’entraîneur, Davide Ballardini, qui compte bien aligner son meilleur onze de départ pour ce dernier grand rendez-vous de la saison. Pas de résultat « solidaire » en vue, donc. Pourtant, qu’il le veuille ou non, le Genoa, en battant Lecce il y a deux semaines, a permis à la Samp abhorrée de sortir de la zone de relégation. Pour se prendre le luxe de l’y repousser cruellement?
Paradoxe total, la Sampdoria, malgré sa position désastreuse, a pris plus de points que le Genoa sur les deux dernières journées. Quatre points glanés contre Bari et Brescia (les deux derniers du classement, pas une gloire), contre les trois du Genoa pris justement face à Lecce. C’est sur cette statistique un brin bancale que l’entraîneur, Alberto Cavasin, va tenter de s’appuyer. « Les deux derniers matches ont été les meilleurs depuis que je suis arrivé. Certes, contre Brescia, j’aurais préféré gagner, mais au moins, j’en retiens l’excellente prestation, qui doit nous faire prendre conscience de notre force » a-t-il déclaré en conférence de presse. Pourtant, le coach (qui n’a pris que 5 points en 8 matches depuis son arrivée) a plus d’un problème à régler avant ce derby de la dernière chance. En trois sous-parties. D’une, son gardien, Curci, est en perte de confiance totale et les supporters réclament la titularisation du portier remplaçant, Da Costa. De deux, sa défense, pourtant pratiquement la même que l’an dernier, ne lui donne guère d’assurance. Et de trois, son attaque s’avère être la deuxième pire de Serie A, après Bari. Le retour de Pozzi (deux buts en deux matches) pourrait être salutaire. Car miser tous ses espoirs sur le sens du but de Maccarone, c’est beaucoup trop triste. Presqu’autant que de voir le plus beau maillot du monde croupir en deuxième division.
Eric Maggiori
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