- C1
- Quarts
- Bayern Munich-Real Madrid
Génération Ribéry
Sans faire de bruit et à 34 ans, Franck Ribéry s'apprête à vivre une fin de saison excitante. Après avoir retrouvé ses jambes de 27 ans face à Dortmund samedi dernier (4-1), le milieu offensif du Bayern Munich a donné rendez-vous au Real Madrid de Benzema et Zidane.
Régine Cavagnoud et Daniel Balavoine ne le sauront jamais, mais avoir 34 ans est une belle saloperie : pas assez vieux pour être regardé avec les yeux du respect, pas assez jeune pour être abordé avec ceux du désir, Franck Ribéry fait les frais de cet âge atroce, mais a l’air de bien le vivre.
Un flashback de 74 minutes
Les 75 000 veinards présents à l’Allianz Arena samedi dernier ont pu le constater. Oui, Francky, qui avait soufflé toutes ces bougies-là la veille, traverse sa dixième saison en Bavière et le sablier fragilise fatalement chaque jour un peu plus son temps de jeu. Qu’importe. Ce week-end, lors de la victoire face à Dortmund (4-1), le Pas-de-Calaisien était titulaire et a mis quatre minutes pour ouvrir le score et rappeler à la planète Terre qu’il n’était pas encore bon pour la casse. Dans son couloir gauche, le milieu offensif du Bayern Munich s’est occupé des reins de Felix Passlack, de Mattias Ginter et de n’importe quel autre candidat au don d’organe. La démonstration du Français a validé le choix de Carlo Ancelotti de le titulariser pour ce grand rendez-vous et confirmé qu’il serait prêt pour la double confrontation face au Real Madrid. Certes, les accélérations et les dribbles sont moins clinquants qu’à la belle époque. Mais la vérité, c’est que pendant 74 minutes, on a revu par séquences celui qui, alors âgé de 18 ans, faisait bugger l’an 2000 avec l’US Boulogne Côte d’Opale en CFA. Celui qui cartonnait à Brest, Metz, Istanbul et Marseille. Celui qui était jeune et joli.
Les balafres qui décorent le visage de Franck Ribéry ont un avantage : elles camouflent bien les rides. Si bien que pendant toute la rencontre face au Borussia, on n’a franchement pas vu que les jambes du Boulonnais avaient quinze ans de plus que celles de l’ailier gauche du camp d’en face : Ousmane Dembélé. Au moment de noter les joueurs, Kicker n’a d’ailleurs pas hésité à attribuer un 5 à celui qui découvre la Bundesliga (les notes allant de 1 à 6, la meilleure étant 1), Ribéry récoltant un 1,5, soit la deuxième meilleure évaluation du match derrière le 1 d’Arjen Robben, à qui Bilal a d’ailleurs livré une passe décisive.
Le bisou d’Ancelotti
Et puis il y a eu cette 74e minute : entrée de Douglas Costa, sortie de Franck Ribéry. Au micro de beIN Sports, Jean-Charles Sabattier a d’abord donné l’impression de trahir sa vraie langue en lâchant un « Applause ! » suivi d’un « Standing ovation ! » Il avait en fait dit « Applaus ! » – à l’allemande donc –, ce qui signifie quand même qu’il en a perdu la moitié de son latin. L’essentiel était ailleurs : Kaiser Franck était redevenu Kaiser Franck, et la sortie qui allait ponctuer sa journée était digne du début de l’histoire. Il était 20h02 quand Ribéry a grimacé, secoué ses mains et haussé les épaules avant de glisser à son entraîneur : « Qu’est-ce qu’il y a coach ? » Bisou d’Ancelotti sur la joue gauche de son poulain – soit pas loin du chiffre 7 gravé à la tondeuse sur la tempe – puis un petit mot à l’oreille : « Tu as 27 ans. » La plus belle des déclarations d’amour. À cet âge-là, Régine Cavagnoud faisait briller les couleurs de l’équipe de France de ski alpin en bouclant pour la première fois de sa carrière une saison de Coupe du monde en se classant cinq fois dans le top 10. De son côté, Daniel Balavoine sortait Face amour / Face amère – son quatrième album solo – et, lassé de ringardiser ses collègues de Starmania, réfléchissait déjà à comment crier le mal de sa génération aux oreilles du candidat François Mitterrand. Il y a bien longtemps que représenter son drapeau ou sa génération n’est plus un poids pour Franck Ribéry. Et c’est très bien comme ça.
La vidéo du bisou entre Ribéry et Ancelotti à visualiser ici
Par Matthieu Pécot