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Génération 2018 et Qatar : Les Bleus, résistants de la dernière heure ?
L’équipe de France décolle vers Doha. Avant de monter dans l’avion, la « Génération 2018 » a publié une lettre pour annoncer son soutien aux « ONG qui œuvrent pour la protection des droits humains ». Une prise de position qui est sûrement censée clore le débat autour de la position pour le moins nonchalante de la FFF et des Bleus sur ces questions. Seul problème : il faudra tenir ces promesses.
Les joueurs sont enfin sortis du bois. Depuis le temps que Raphaël Varane et Hugo Lloris annonçaient à demi-mot une réaction, voire une action, on craignait que le point de non-retour chronologique ne soit franchi. Le contexte s’avérait certes loin d’être serein. Les propos empreints de mépris de Noël Le Graët sur le sort des travailleurs migrants avaient jeté une ombre décevante sur l’image de la France, nation des droits de l’homme. La sortie d’Hugo Lloris affirmant qu’il ne porterait finalement pas de brassard contre les discriminations, notamment envers les personnes LGBT, par « respect » pour le pays hôte, avait de son coté désarçonné et déçu au-delà du cercle des antiMondial. Même si personne n’était dupe devant le coup de com’ que constituait ce bout de tissu. Pire que tout, sa justification sentait le rance : « En France, quand on accueille des étrangers, on a envie qu’ils se prêtent à nos règles, à notre culture. Et j’en ferai de même au Qatar. » Une phrase qui a fait le bonheur de l’extrême droite et de ses trolls sur les réseaux sociaux.
Varane en chef de file
Il fallait rattraper le coup. Le capitaine des Bleus avait d’ailleurs annoncé : « Quelque chose sera mis en place. On ne peut pas rester insensibles à ces sujets-là. » Ce « quelque chose » est donc d’abord une lettre, un texte commun, approuvé normalement par tous les capés des deux derniers Mondiaux (2018 et 2022). « Dans le contexte troublé de cette Coupe du monde, nous voulons, par cette lettre collective, rappeler notre attachement au respect des droits humains et notre refus de toutes formes de discrimination. » « Troublé » ? La langue française reste la patrie de l’euphémisme. Pour résumer, le fonds de dotation créé par les champions du monde en Russie, Génération 2018, avec le soutien de l’actuelle équipe, sera à la manœuvre de la bonne conscience nationale – il nous est même servi un petit passage sur les belles valeurs de la République : « Liberté, égalité, fraternité ». Ainsi, il est expliqué : « Depuis plusieurs semaines, nous avons entendu les alertes des ONG et associations et nous y sommes sensibles. Notre passion ne doit pas être le malheur de certains. Après réflexion collective, nous avons décidé de soutenir les ONG qui œuvrent pour la protection des droits humains. »
« On ne veut pas en parler à chaque interview, on est avant tout là pour jouer au foot, notre rôle n’est pas de régler des problèmes diplomatiques ou politiques, mais on voulait faire quelque chose, nous confiait Olivier Giroud ce mardi. C’est une initiative qui vient de nous, des joueurs, Rapha(Varane)a porté le sujet et l’a mis sur notre groupe commun, et tout le monde a suivi. C’était important. » Les ONG en question, en revanche, ne sont pas citées. S’agit-il d’Amnesty international qui réclame que la FIFA redistribue une part de ses immenses profits à destination des familles dont les proches sont morts pour que le spectacle continue ? On notera en outre que jamais le nom de l’émirat n’est cité. Une sage décision peut-être : les Danois se sont vus refuser par la FIFA un simple tee-shirt d’entraînement « Droits de l’homme pour tous ».
S’il y a bien des problèmes en matière d’atteintes aux droits humains ou envers la planète, pas de coupables ni de fautifs. Les Bleus rappellent enfin la primauté du football et leur volonté de « donner du plaisir à notre public et à toutes celles et ceux qui aiment ce jeu ». Cette annonce reste donc finalement encadrée dans des limites très strictes de realpolitik, et vise d’abord à éteindre l’incendie, et clore le débat. Arrivée sur le tard, elle n’a pour l’instant aucune continuité concrète. On se demande surtout comment elle sera appliquée durant la compétition. Surtout, et enfin, cette lettre ne dédouane toujours pas la FFF de son manque total d’implication dans ce dossier, à l’image de la réaction de Didier Deschamps ce mercredi au micro de RTL : « C’est leur décision, ce n’est pas moi qui les ai incités. Le sportif, le footballeur, quel qu’il soit, il n’a pas la capacité et le pouvoir de résoudre les problèmes sociaux, les problèmes du quotidien. Je n’ai jamais interdit à un joueur de parler d’un sujet. »
Par Nicolas Kssis-Martov
Propos d'Olivier Giroud recueillis par MB et MR, à Clairefontaine