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General Elektriks : «Le foot et le rock sont plus proches qu’on ne le pense»
De retour d’une tournée brésilienne, Hervé Salters, leader du groupe General Elektriks, énumère les mutations qui touchent la ville de Rio et sa périphérie, à deux ans de la prochaine Coupe du monde, et revient sur l'évolution du soccer aux États-Unis.
Vous revenez du Brésil, qu’avez-vous vu là-bas ?
On a vu quelques matchs de poules à la télé. Et puis quelques autres rencontres locales, dont São Paulo contre Recife. Le niveau des gars est insensé. Ils semblent moins travailler la défense et tout miser sur l’attaque. Cela donne un jeu super artistique. J’ai trouvé ça dément.
Aussi dément que quoi ?
Je trouvais fantastique l’équipe de France de Platini. J’avais vraiment l’impression de voir une équipe qui jouait avec créativité et qui avait le feu sacré. Même s’il y avait énormément de technique, les joueurs ne paraissaient pas bridés par des règles. Quand je regarde certaines équipes aujourd’hui, j’ai l’impression qu’elles fonctionnent par ordre stratégique, ce qui empêche leur flamme de brûler.
Au Brésil, comment les habitants vivent-ils ces rencontres ?
Les gens étaient hystériques. Ils prennent ça très au sérieux. Je pense, autant au sérieux que les Français quand leur équipe joue bien. Tu sens que c’est très important pour eux. Ce n’est pas juste un style de vie, c’est vraiment une raison de vivre. Tu vois des kids jouer un peu partout au ballon. Sur la plage, tout le monde jongle, et ce n’est pas une parodie, c’est vraiment fou, soit avec de vrais ballons, soit avec des petites balles.
Comment évolue le pays en vue de la Coupe du monde 2014 ?
L’urbanisme se transforme, c’est évident. Dans les favelas, il y a eu une large pacification. On a fait un concert dans l’une d’entre elles, lors du festival Encendado, organisé par une quarantaine de familles d’une communauté rurale. Le but était de montrer qu’il était possible de créer des choses dans ces quartiers, que ce ne sont pas nécessairement des lieux dangereux.
Même constat pour la ville de Rio ?
C’est une ville désormais plus sûre et qui, de fait, semble s’embourgeoiser. Pour beaucoup de gens, c’est une très bonne chose, mais il faut faire attention à ne pas la mettre sous cloche. Il faut se rappeler que beaucoup de gens viennent à Rio pour son mélange de communautés, de milieux sociaux aussi. Il ne faudrait pas que cela devienne uniquement une ville de riches.
L’esprit Pelé plane-t-il toujours dans le pays ?
Oui, carrément. Il y avait un bar dans lequel on a bu un coup, dans le quartier de Villa Madalena, à São Paulo, où il y avait des maillots de Pelé signés… et encadrés !
Vous avez vécu aux États-Unis. Le football y trouve-t-il vraiment sa place ?
Il y a du foot aux États-Unis, plus qu’on ne le pense. Les gens s’y intéressent de plus en plus. Le soccer, comme ils appellent ça, s’est notamment développé dans les classes moyennes. Pour les parents, c’est une manière de faire pratiquer à leur enfant un sport moins violent que le football américain. Et puis, les Américains regardent l’Europe, ils trouvent notre continent assez sophistiqué et ils sont contents de voir leur enfant pratiquer un sport très européen. Ceci dit, contrairement à Rio, tu ne vois pas des ballons partout à Berkeley, Oakland ou San Francisco.
On en parle beaucoup dans les médias américains ?
A partir du moment où il y a une actualité pour leur équipe, ça fait les gros titres et ils en sont fiers. Ils sont très patriotes. Mais je pense qu’il va falloir encore une bonne génération avant que ça s’ancre de manière plus durable. Et puis l’arrivée de mecs comme Henry ou Beckham stimule un peu cet engouement.
Henry, Beckham… de nouvelles idoles ?
On a besoin d’idoles ! A une époque, c’était des cyclistes, au moment de l’explosion de la pop, tu voyais des pop stars dans tous les magazines, et puis après, des mecs comme Tiger Woods, qui s’est retrouvé partout quand il a déboulé. Des idoles, il y en aura toujours. Pourquoi pas des footballeurs ?
Et l’argent qui va avec ?
Ça me paraît abusé, mais ça me paraît abusé dans le rock’n’roll aussi. A partir du moment où tu évolues dans une discipline qui se retrouve sous les spotlights, ça attire les sponsors, la thune, l’attention et ça enfle la chose par rapport à ce qu’elle représente vraiment. Bien taper dans un ballon, c’est génial, mais ce n’est pas un savoir-faire beaucoup plus difficile que d’être menuisier et de faire un super beau meuble.
Le rock et le football, même combat ?
Il y a une part d’artistique dans les deux. Tout comme il y a des musiciens qui sont plus dans la technique ou l’efficacité et moins dans la représentation ou dans le fun, il y a des joueurs de football qui sont plus dans la technique et moins dans l’art de la chose. Je pense que le foot et le rock sont plus proches qu’on ne le pense. Ceci dit, il y a quelque chose de très différent entre les deux : dans le sport, il y a un résultat qui est clair et net, tu as gagné ou tu as perdu. L’art, c’est juste une histoire de goût.
General Elektriks, Parker Street, album disponible (Discograph)
En concert le 26 octobre à Paris (La Cigale)
Propos recueillis par Romain Lejeune