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Gattuso, par ici la sortie
Après une saison et demie à la tête du Milan, et un bilan comptable honorable à défaut d’être étincelant, Gennaro Gattuso a confié à La Repubblica ce mardi qu'il ne poserait plus son fessier sur le banc des Rossoneri la saison prochaine. Comme un mauvais présage pour le club lombard, dont la gestion comme le futur ne cessent décidément de soulever de nouvelles interrogations.
Les adieux seront donc brefs. Simples et hors caméra. Peu de mots, pas d’effusion lacrymale. Une accolade bourrue et puis c’est tout. Aux phrases alambiquées, Gennaro Gattuso a toujours préféré l’expression directe. Dimanche dernier, après la victoire du Milan face à la SPAL lors de l’ultime journée de la Serie A, Rino avait déjà tiré un premier bilan de la saison des siens : « Le problème avec ce club ? Tout d’abord, je pense qu’il faut féliciter les joueurs qui ont réussi à gagner 68 points cette saison. Mais nous ne sommes pas qualifiés pour la Ligue des champions. Et cela fait plusieurs années que nous ne le sommes pas… En fait, je pense que les attentes sont trop élevées. » Tout ça fait beaucoup, un peu trop même, pour le système nerveux pourtant solidement charpenté de Rino, et l’ex-milieu rossonero a décidé de dire stop, en accord avec sa direction : « Quitter le banc de Milan n’est pas facile. Mais c’est une décision que je devais prendre. Il n’y a pas eu un moment précis où je l’ai mûri : c’était la somme de ces dix-huit mois en tant qu’entraîneur d’une équipe qui ne sera jamais pour moi comme les autres… Mon choix est douloureux, mais réfléchi. »
Rino-pharyngite
De son propre aveu, Gattuso ne dit donc pas ciao au Milan sur un coup de tête, mais après avoir longuement cogité. Vient donc l’heure des comptes, celui de son bilan, où s’additionne une masse loin d’être inconséquente de points et de victoires. Intronisé comme nouveau mister rossonero le 27 novembre 2017 pour remplacer au pied levé Vincenzo Montella, Gattuso avait fini son premier exercice milanais avec 44 points en 24 matchs de Serie A (soit une moyenne plutôt flatteuse de près de deux points par match) et une sixième place synonyme de qualification pour la C3. La suite ? 68 unités engrangées en 2018-2019, le meilleur bilan pour un entraîneur du Milan depuis l’exercice 2012-2013, un nouveau billet direction la Ligue Europa et puis la porte de sortie donc, que Rino emprunte en connaissance de cause.
Milan n’a pas attrapé les millions de la Ligue des champions et voilà qui pourrait à lui seul résumer l’échec de Gattuso à la tête du club cette saison. Il serait réducteur d’y voir là la seule déception de son mandat, qui n’a pas marqué de rupture avec la déprime routinière qui s’est emparée du club lombard depuis plusieurs années maintenant. Relativement solide derrière, le Milan sauce Gattuso, organisé dans un 4-3-3 trop rigide, souvent réduit aux exploits individuels de Suso sur les ailes et de Piątek en pointe, n’a jamais trouvé son style, son expression collective. À cet égard, Gattuso n’a pas fait pire que ses prédécesseurs sur le banc de Milan depuis 2014, Clarence Seedorf, Filippo Inzaghi, Siniša Mihajlović, Cristian Brocchi et Vincenzo Montella, mais il n’a pas fait beaucoup mieux non plus. Mais si Rino n’a pas soigné les maux du Milan, peut-être n’avait-il aussi tout simplement pas les bons instruments pour permettre au club d’entrevoir un début de guérison.
Milan, c’est grave docteur
Si Gattuso quitte le club lombard, c’est probablement aussi car il sent que l’avenir immédiat du Milan a comme du plomb dans l’aile. Si la gestion sportive du Diavolo – comme en atteste le départ probable de son directeur sportif, Leonardo – manque certainement de cohérence et de vision à long terme, ce sont les finances des Rouge et Noir qui posent le plus question. Le fair-play financier continue en effet de planer au-dessus de la caboche des Rossoneri comme une terrifiante épée de Damoclès, alors que le club a clôturé l’exercice 2017-2018 (le dernier de la période de trois ans analysée par l’UEFA) avec une perte nette consolidée de 126 millions d’euros. Soit une hausse de 53 millions d’euros, comparé aux déjà 73 millions d’euros de pertes contractées l’année précédente.
Mi-décembre dernier, Milan s’était déjà vu infliger une amende de 12 millions d’euros par l’UEFA pour non-respect du FPF, doublée notamment d’une sommation de rentrer dans les clous de la réglementation financière de l’UEFA d’ici le 30 juin 2021. Compte tenu des finances désastreuses du club, une nouvelle exclusion de la prochaine C3 ne serait pas forcément surprenante, le Corriere Della Serra avançant même que le Diavolo pourrait se résoudre à son sort, en échange d’une année supplémentaire qui lui serait accordée par les instances européennes pour rééquilibrer plus sérieusement son budget. À l’heure de clôturer l’exercice 2018-2019, Milan, qui reste entre les griffes d’Elliott, un fonds d’investissement à la réputation sulfureuse, entrevoit donc peut-être une saison sans Coupe d’Europe, sans billets verts à dépenser sur le mercato et sans solide perspective d’avenir. Un bourbier dont Gennaro Gattuso a peut-être bien fait de s’extirper, probablement convaincu que cette histoire-là était décidément appelée à finir mal.
Par Adrien Candau
Tous propos issus de La Repubblica et la Gazzetta dello sport.