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Comment Southgate est en train de retourner l’opinion
Dans la tourmente depuis le coup d’envoi de l’Euro 2024 en raison du piètre spectacle proposé par l’Angleterre, le sélectionneur des Three Lions a l’opportunité de réussir là où Didier Deschamps s’est planté cette année : faire gagner son pays, au mépris du reste.
Dans les rues de Dortmund à quelques heures du coup d’envoi de Pays-Bas-Angleterre, il y avait bien sûr une marée orange qui avait du mal à passer inaperçue. Mais malgré une infériorité numérique évidente, les fans des Three Lions ont réussi à se faire remarquer dans le bon sens du terme. Loin des affrontements entre hooligans, plutôt dans un domaine où ils excellent : le chant humoristique. Ainsi, ce policier allemand n’a pas vraiment compris tout ce qu’il se passait lorsqu’il a commencé à être entouré par un petit groupe qui a commencé à chanter en chœur : « Looking back on when we first met, I cannot escape and I cannot forget, Southgate, you’re the one, you still turn me on. » Des paroles tirées tout droit de leur désormais classique tube « Football’s Coming Home » et entonné pour la simple et bonne raison que ce gars des forces de l’ordre ressemble comme deux gouttes d’eau… à Gareth Southgate. Jusque-là, rien d’anormal. Mais le fait est quand même que personne n’aurait pensé voir ces images il y a encore quelques semaines, après le troisième et dernier match de poule de l’Angleterre face à la Slovénie, où certains Anglais balançaient des verres au visage de leur sélectionneur en guise de protestation face au jeu proposé. Mais depuis, l’Angleterre est de nouveau en finale de l’Euro, et de la bière a donc coulé sous les ponts.
No wonder England won’t win anything when Southgate double shifting as a German copper. pic.twitter.com/2Gw18xWbOF
— Rob (@robtoone) July 10, 2024
Résilience Evil
À commencer par cette avant-dernière marche gravie par une sélection anglaise qui, face aux Oranje, a très certainement joué sa meilleure partition depuis le début de l’Euro. Notamment en première période, en étouffant la majeure partie du temps la formation de Ronald Koeman, tout en se procurant un nombre important d’occasions. Puis, en seconde période où une nouvelle fois elle a affiché un visage beaucoup plus terne, la baraka de Southgate s’est affichée au grand jour, lors du double changement à la 81e minute où Harry Kane et Phil Foden ont laissé leur place à Ollie Watkins et Cole Palmer. La suite est connue, les deux entrants feront la différence une nouvelle fois dans le money time, une spécialité anglaise depuis le coup d’envoi de la compète.
Le ciseau de Jude Bellingham au buzzer face à la Slovaquie, l’égalisation de Bukayo Saka face à la Suisse et ce pion de Watkins démontrent une résilience, une capacité à ce que les hommes forts du secteur offensif anglais comme les seconds couteaux parviennent toujours à délivrer l’Angleterre de sa constante médiocrité dans le jeu. Tout ce que DD n’est pas parvenu à faire avec les Bleus cette année. « J’espère que les fans savourent quelques bières, glissait le coach dans un rare sourire au coup de sifflet final. Nous avons vécu des soirées incroyables au cours des 7 ou 8 dernières années. Ces matchs ont été dramatiques parce que les buts ont été marqués très tard. La seule raison pour laquelle j’ai accepté ce poste était d’essayer d’apporter le succès à l’Angleterre en tant que nation, et d’essayer d’améliorer le football anglais. » Aucune incitation ici à changer de chaîne si le football proposé ne plaît pas, et pourtant, Southgate a pris bien plus cher que son homologue tricolore.
« C’est un travail où vous êtes ridiculisé »
La relation conflictuelle entre les médias anglais – notamment via certains consultants et anciens joueurs comme Gary Lineker ou Alan Shearer – est allée loin et a laissé des traces chez le manager de 53 ans, qui vit quelque part ce qu’on appelle dans le jargon « une Jacquet ». « Je ne peux pas nier que lorsque les choses deviennent aussi personnelles qu’elles l’ont été, cela fait mal, glissait-il auprès de BBC Radio Live 5. C’est un travail où vous êtes ridiculisé, où vos capacités professionnelles sont remises en question au-delà de toute croyance, et je ne pense pas qu’il soit normal que l’on vous jette de la bière à la figure. Mais j’ai la chance que ma vie m’ait permis de développer ma résilience, ce qui m’a rendu plus déterminé, et je m’en sers comme d’un carburant. » Un carburant qui permet d’offrir à l’Angleterre sa première finale loin de Wembley de son histoire, car là aussi réside toute la différence avec les Bleus : l’Angleterre a certes inventé le football, mais cela fait 58 ans qu’elle ne sait plus comment faire pour gagner à son propre jeu.
Avec l’une des meilleures générations actuelles dans le monde, Southgate a donc une véritable pression : si les Three Lions ne gagnent pas quelque chose avec cette équipe-là, le poids de la disette pourrait encore s’alourdir de quelques kilos. Depuis huit ans et le début de son mandat, il ne lui manque plus que ça en matière de résultats, lui qui a toujours terminé dans le top 4 hormis au Qatar en 2022… face aux Bleus. Alors qu’il se murmure que le sélectionneur anglais pourrait raccrocher après l’Euro, fatigué, usé par le job, il lui reste désormais deux fins possibles : une première où il restera comme un sélectionneur régulier mais qui n’aura ni emballé, ni fait gagner une génération dorée ; et puis une autre où il serait anobli aux côtés du légendaire et bien seul Alf Ramsey. À quoi cela tient, un destin.
Par Andrea Chazy, à Dortmund