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Gardien, buteur et libéro : Ceni, le révolutionnaire

Par William Pereira et Kevin Charnay
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Gardien, buteur et libéro : Ceni, le révolutionnaire

Rogério Ceni fait partie des rares brésiliens modernes à s’être fait un nom outre-Atlantique en marquant plus d’une centaine de buts tout au long de sa carrière. Derrière ce nombre affolant se cachent des heures d’entraînement et un entraîneur, Muricy Ramalho, qui a su exploiter les qualités techniques de son gardien pour faire évoluer le jeu, bien avant Manuel Neuer.

La scène se passe le 15 février 1997 dans l’Estadio Herminio Ometto, à Araras, dans l’État de São Paulo. On joue la première mi-temps quand Adriano (aucun lien) se fait faucher aux abords de la surface par un défenseur de l’União São João. L’arbitre ne bronche pas et signale la faute. Rogério Ceni remonte le terrain pour botter le coup franc. C’est la troisième fois qu’il tente sa chance depuis qu’il a pris la place du légendaire Zetti, parti à Santos. Le jeune gardien sait qu’on ne lui donnera pas éternellement le droit de frapper les coups de pied arrêtés et qu’un but rapide pourrait lui offrir la crédibilité qui lui manque alors. Mais il n’est pas plus crispé que cela. Entre le moment où l’arbitre décide de siffler et celui où Ceni déclenche sa frappe, il ne s’écoule que deux secondes. C’est que le bougre sait déjà quoi faire devant ce mur aussi mal placé que décousu. Et, d’un subtil enroulé presque à ras du sol, il trompe son homologue qui réussit tout de même à dévier légèrement le cuir. Insuffisant. La frappe est trop appuyée, trop travaillée, tout l’inverse de la célébration de Rogério, qui, tel un gosse, court dans tous les sens pour fêter le premier d’une longue liste de pions claqués (129) sous les couleurs du São Paulo FC. Sur le banc, un homme cache sa joie, mais n’en pense pas moins. Muricy Ramalho, présent sur le banc du Morumbi depuis 1994 en tant qu’adjoint, puis coach intérimaire, n’est autre que l’homme qui a fait confiance à « nosso Pelé » (notre Pelé), comme on l’appelle au SPFC. « Quand j’étais adjoint à São Paulo, j’avais remarqué que le seul joueur de l’effectif qui s’entraînait sérieusement à tirer les coups francs était Rogério Ceni. Il avait un ratio étonnamment élevé, pour un gardien et même un joueur de champ. » À ce moment-là, Zetti n’est toujours pas parti, et son successeur joue les remplaçants de luxe. Mais en 1997, tout change. « Quand j’ai été nommé entraîneur principal de l’équipe, j’ai promu Rogério au rang de titulaire. Et au moment de nommer les tireurs de coups de pied arrêtés, j’ai désigné Rogério comme tireur de coups francs. Tout le monde était surpris et me regardait l’air de dire « Mais il est fou ? » J’ai dû montrer aux autres les chiffres de Rogério à l’entraînement sur coups francs pour qu’ils acceptent ce choix » , ajoute Ramalho.

« Il mettait une chasuble dans l’angle du but et la visait »

Si personne d’autre à São Paulo ne s’exerce à botter les coups francs, le mythe, lui, s’entraîne comme personne. Que ce soit une heure avant ou après l’entraînement quotidien, il ne se passe pas un jour sans que le natif de Pato Branco traîne son gros sac de ballons derrière lui. Denilson se souvient avoir loupé quelques verres et pas mal de déjeuners à cause de son ancien coéquipier. « Parfois, il restait plus d’une heure après la séance, et moi, je lui disais : « Mec, viens, on sort un peu. Il y a un soleil fou, et toi, tu veux continuer à t’entraîner ? » On voyait l’un des terrains d’entraînement depuis le réfectoire… Pendant qu’on déjeunait, il tirait des coups francs. Il mettait une chasuble dans l’angle du but et la visait. Quand il ratait, il réessayait. Quand il réussissait, il remettait la chasuble en place et continuait. Tous ces buts, il les a mérités. »

Bon ou pas, buteur ou pas, le statut de tireur de Ceni est souvent remis en cause au cours de ses premières années en tant que titulaire dans les cages du Tricolor. Avec, toujours, la même rengaine. Il paraîtrait que ce serait trop risqué. Bernard Lama, qui a déjà planté deux ou trois coups francs en Guyane, n’est pas du tout de cet avis. « Regardez le pourcentage des tentatives de Rogério Ceni. Combien de coups francs réussis, combien de coups francs manqués qui ont abouti sur une contre-attaque ? Il n’y en a pas beaucoup. Au bout d’un moment, ce n’est plus une prise de risques. Au Brésil, il était même craint. C’est très important, l’aspect psychologique. Comme Platini avec la France. Sauf que là, c’est un gardien. Et le gardien est aussi un joueur de foot. »

Adaptation et révolution tactique

Si o M1TO ne concède que très peu de contre-attaques tout au long de son règne, c’est en grande partie grâce à la stratégie spécialement élaborée par Muricy Ramalho. « Quand il montait, on laissait un défenseur dans nos cages à sa place et surtout, on plaçait trois de nos joueurs dans le mur pour éviter les contres. Mais il était tellement précis dans ses frappes que nous n’avons que rarement encaissé des contres-attaques. À chaque fois qu’il frappait, c’était soit dedans, soit au-dessus, ou, quand il n’avait pas de chance, sur la barre. Mais très peu dans le mur » , explique celui-ci.

Surtout, Rogério Ceni est plus qu’un simple joker sur balle arrêtée. Habitué à jouer avec des joueurs de champ depuis son adolescence, le Brésilien a développé un jeu au pied à en faire pâlir bon nombre de défenseurs centraux. Soucieux de profiter de ses qualités de relance au pied, Ramalho réfléchit à une mise en place tactique qui donnerait la part belle à son protégé tout en restant avantageuse pour le collectif. Ainsi, le goleiro vient se loger entre les deux stoppeurs qui s’écartent et permettent aux latéraux de demander le ballon plus haut que dans une configuration classique. À la fin du XXe siècle, c’est quasiment révolutionnaire. « C’est très embarrassant pour l’équipe qui presse le porteur du ballon, car ce dernier à une solution de plus » , analyse Muricy, qui n’hésite pas à comparer son ami à Manuel Neuer sur le plan offensif. « Il y a deux différences entre Ceni et lui. La première, c’est que Neuer ne marque pas de buts. L’autre, c’est que son jeu long sous pression est moins bon que celui de Ceni, qui réussissait ses passes longues dans n’importe quelles circonstances. » Si le départ à la retraite du M1TO est avant tout celui d’un bon gardien – mais pas transcendant -, c’est aussi celui d’un portier offensif comme il en a rarement existé. Et comme il n’en existera plus ? Bernard Lama ne se veut pas aussi définitif. « Aujourd’hui, on commence à comprendre que les gardiens sont des joueurs de football. Il y a un début d’évolution. Peut-être qu’un jour, il n’y aura plus de gardien. Ce sera le dernier défenseur aux cages comme quand je joue sur la plage. » Rogério Ceni, le premier goal volant qui a fait carrière hors de la cour de récré.

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