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« C'est un peu une honte qu'on ne connaisse pas tous Marinette Pichon »
Plus de six ans après avoir crevé l'écran dans Grave, l'actrice de 25 ans incarne Marinette Pichon, dans le biopic - en salles ce mercredi - que Virginie Verrier a consacré à la légende de l'équipe de France féminine. Un film qui porte beaucoup de messages, et rend hommage au parcours ainsi qu'à la carrière de l'attaquante.
Qu’est-ce qui t’a intéressée, dans ce projet ?
Ce qui m’a intéressée, c’est le parcours de vie de Marinette, tous les obstacles qu’elle a dû traverser pour vivre de sa passion, toute sa carrière professionnelle, les combats qu’elle a portés, les messages qu’elle a voulu faire passer. Toutes ces raisons, et le côté performance d’actrice, de devoir interpréter une grande sportive, me préparer et me transformer physiquement, c’était hyperintéressant.
Tu as beaucoup travaillé physiquement ?
Oui, je ne suis pas du tout footballeuse de base. J’ai dû me former avec des coachs pendant plusieurs mois, durant lesquels j’ai travaillé à avoir une attitude crédible de footballeuse sur le terrain. Et aussi travailler ma condition physique pour pouvoir tenir tout le tournage et préparer mon corps à ne pas se blesser. J’ai fait de la muscu, du renforcement musculaire, j’ai aussi beaucoup travaillé mon éveil footballistique, mes appels, les appuis, les changements de direction, le contrôle de balle. Des mini-détails très techniques qui font que si c’est mal effectué, on n’y croit pas.
Tu as fait toutes les scènes ?
Oui, je n’ai pas eu de doubleuse.
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Tu joues d’ailleurs dans une équipe associative, à côté de ça.
Le Gadji FC ! Depuis trois ans maintenant. C’est une amie peintre, Gaadjika, qui a créé cette association. Ça fait trois ans qu’on joue et qu’on fait grandir l’équipe d’année en année. On est une association, on n’est pas dans une ligue, pour l’instant en tout cas. On fait un entraînement sur terrain à sept tous les dimanches, et un match de five toutes les semaines aussi, où on invite des équipes en amical. Il n’y a que des meufs, beaucoup d’artistes, c’est très hétéroclite.
Vous avez galéré pour avoir accès à un terrain…
Complètement. On voit que dans le foot féminin, que ce soit en amateur ou à haut niveau, on est toujours confrontées aux mêmes inégalités. On a cherché un terrain pendant trois ans, on est allées dans toutes les mairies, et les retours qu’on avait, c’était : « Je préfère donner mon terrain à des squatteurs qu’à des meufs. » Ça n’est pas du tout acquis. La Team Autremonde, qui est une équipe de réfugiés, nous prête une moitié de terrain. Mais sinon, on n’aurait pas de créneau, alors qu’ils sont vides. C’est vraiment une volonté politique.
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Avant ça, tu n’avais jamais joué au foot ?
Non.
Mais tu avais tout de même un goût pour le foot.
J’ai un grand frère qui m’a transmis sa passion. Il m’a nourri à ça depuis que je suis petite. Lui est pour l’OM, mais moi, je suis pour Paris. Je suis le PSG, de plus en plus le PSG féminin, mais aussi les mecs. Je vais au stade voir les filles.
Avant le film, tu connaissais le parcours, l’histoire et la carrière de Marinette ?
Je la connaissais de nom, parce que je connaissais son record de buts en équipe de France (81, dépassé par Eugénie Le Sommer depuis, NDLR). Mais je ne connaissais pas du tout son parcours de vie, son contexte familial, même son parcours professionnel. C’est le problème avec les femmes dans le sport et les femmes en général : elles sont invisibilisées. Ça n’arriverait jamais avec un profil comme Zidane. On connaît tous Zidane, et c’est un peu une honte qu’on ne connaisse pas tous Marinette.
Marinette parle notamment d’homosexualité, d’homophobie, de sexisme, de sororité, de PMA, de violences conjugales et parentales… C’était aussi le fait de pouvoir évoquer tous ces sujets-là qui t’intéressaient ?
Bien sûr, c’est hyperimportant de défendre tous ces messages-là, car ils restent actuels. La professionnalisation des femmes dans le sport et dans le football, elle n’est toujours pas là. Les violences faites aux femmes, il y en a de plus en plus. Concernant l’homosexualité, j’ai regardé il y a deux jours le docu Homos en France en me disant : « Comment on peut encore avoir besoin de faire des docus là-dessus ? », et en le regardant, je me suis rendu compte qu’évidemment, les jeunes et même les plus âgés souffraient encore énormément de l’homophobie. Ce sont des sujets qu’il faut continuer de défendre et de porter au cinéma, mais dans sa vie aussi. C’est important d’avoir des représentations.
Il y a des aspects du parcours de Marinette dans lesquels tu te reconnais ?
Bien sûr, ses combats politiques menés pour plus d’égalité. Je me reconnais aussi dans sa dualité, car c’est quelqu’un d’à la fois très sensible et en même temps très déterminé. Ça m’a beaucoup aidé pour jouer le personnage.
Pour rentrer dans ce personnage, tu as eu des échanges avec Marinette Pichon.
Elle est venue en plein milieu du tournage. Elle était au Canada, donc elle ne pouvait pas être là avant. C’était incroyable. J’étais hyperstressée au début, car j’avais peur qu’elle se dise que j’étais à côté de la plaque. Mais elle a été d’une bienveillance incroyable avec moi, elle m’échauffait tous les matins. On avait vraiment eu une connexion qui m’a donné encore plus envie de tout donner pour lui faire honneur.
Il n’y a pas beaucoup d’images d’elle sur Internet…
Ça aurait été plus simple de faire un biopic sur Zidane ! C’est sûr que j’aurais eu de la matière. Là, je me suis battue avec trois vidéos : il y avait notamment l’INA et un reportage de France Télévisions. Ça raconte beaucoup, finalement.
Lors des scènes de foot, tu étais filmée par un robot, c’est ça ?
J’étais filmée par un robot téléguidé. C’est très compliqué à mettre en place, les scènes de foot, parce qu’on a parfois l’impression qu’une action va donner quelque chose de bien et finalement pas du tout à l’image. Il suffit que le ballon ne soit pas parfaitement donné dans la profondeur, ou n’arrive pas complètement dans les pieds au bon moment, et on est obligés de refaire la prise. C’est beaucoup de logistique, et c’est assez compliqué. Mais c’était génial, car toutes les figurantes étaient de vraies footballeuses de haut niveau, ou qui l’avaient été, ou voulaient le devenir. Je crois qu’on a fait tous les clubs des Hauts-de-France. Il y avait une énergie qui faisait que toutes, ensemble, on avait envie de porter le film le plus haut ensemble. Les messages que le film porte, c’est pour la nouvelle génération. C’est pour elles qu’on se bat, pour qu’elles puissent avoir des droits et des conditions juste optimales.
Cette difficulté de filmer le foot, de manière générale, c’est quelque chose qui t’a fait douter avant de t’engager dans ce film ?
Non, je l’ai pris comme un challenge, et je me suis préparée en conséquence. Je savais que ça faisait partie du jeu.
Tu avais déjà joué un rôle en rapport avec le football.
C’était H24, une série pour Arte. Vingt-quatre heures dans la vie d’une femme, une sorte de manifeste contre les violences faites aux femmes. J’interprétai le rôle d’une chef d’équipe qui s’était fait agresser sur un terrain.
Pour finir, tu vas suivre la Coupe du monde féminine cet été ?
J’espère, j’espère qu’elle pourra être diffusée ! J’ai vu que les ministres avaient lancé un appel, mais il n’y a toujours rien.
Qui se fait une séance avec nous demain ? 🎬 https://t.co/s52haAZc8u
— SO FOOT (@sofoot) June 6, 2023
Propos recueillis par Jérémie Baron, à Paris
Marinette de Virginie Verrier, avec Garance Marillier, Émilie Dequenne, Alban Lenoir, Sylvie Testud et Fred Testot, sortie ce 7 juin 2023.
Pour assister à la projection dont So Foot est partenaire, c'est ici : https://bit.ly/MarinetteBastille