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Gameiro, passé par la fenêtre
Avant le dernier rassemblement, Kevin Gameiro n'avait plus porté le maillot de l'équipe de France pendant près de cinq ans. Une éternité pour un joueur qui n'a jamais démérité et a dû batailler pour entrevoir l'once d'une opportunité en sélection.
« Et Gignac, vous le mettez à la poubelle ? » En conférence de presse, Didier Deschamps s’est voulu protecteur envers le buteur des Tigres. Il y a encore quelques semaines, à l’Euro, c’était lui la doublure d’Olivier Giroud, la logique aurait donc voulu que l’ancien Marseillais supplée un Gunner blessé et laissé à la maison par le sélectionneur pour affronter la Bulgarie. Mais ce vendredi, c’est Kevin Gameiro qui devrait épauler Antoine Griezmann, il faut donc ménager l’ego d’APG. Qui ne s’est pas seulement fait doubler dans la hiérarchie parce que l’ancien Merlu jouit d’une complicité nouvelle avec le leader offensif français – trois passes décisives en neuf matchs pour Grizou –, mais surtout parce que le nouveau Colchonero confirme depuis plus d’un an qu’il peut briller au plus haut niveau d’exigence.
Dans l’ombre de Zlatan et de Carlos Bacca
Un constat pas évident en juillet 2013, quand Kevin est obligé de quitter le PSG, où l’arrivée de Zlatan Ibrahimović l’a relégué à de la figuration. Difficile d’exister dans l’ombre du Suédois, malgré des statistiques honorables (huit buts en sept titularisations en Ligue 1). À vingt-six ans, il perd sa place de titulaire en club comme au sein du groupe France. L’Euro 2012 s’étant fait sans lui, il sait qu’il est l’heure d’arrêter les frais et que son futur n’est plus dans la capitale. Séville et la Liga, c’est une opportunité de rebond, et sous les ordres d’Unai Emery, il retrouve des couleurs – quinze buts pour son premier championnat espagnol, en seulement vingt titularisations – à défaut d’être titulaire indiscutable ou de retrouver les Bleus, pour lesquels Didier Deschamps a choisi d’autres hommes. Il a beau marquer son penalty décisif en finale de Ligue Europa 2014, Gameiro reste avant tout la doublure d’un Carlos Bacca qui marche sur l’eau.
Insensible au Barça
Mais les épreuves que traverse le joueur formé à Strasbourg – notamment un genou qui grince – ont au moins eu le mérite de mettre en valeur sa persévérance. Souvent dans l’ombre, certes, mais rarement inefficace quand il a l’opportunité de jouer, il saisit sa chance sans état d’âme quand Bacca plie bagage à l’été 2015. Seize buts en Liga, neuf de plus en compétition européenne dont l’un des trois de la finale de C3 contre Liverpool, l’attaquant de poche assoit sa réputation en Espagne, où son intelligence de jeu fait merveille. L’équipe de France ? Cité pendant les mois qui ont précédé l’Euro 2016 comme l’un des potentiels bénéficiaires de la mise à l’écart de Karim Benzema, il finit réserviste. On aurait pu se dire que le train était passé, que l’ancien Merlu allait répondre favorablement aux sirènes du FC Barcelone pour prendre un gros chèque et devenir la doublure de la MSN… Mais comme trois ans plus tôt, en choisissant Séville, l’avant-centre fait preuve de flair et choisi l’Atlético de Madrid. Il veut jouer, et ne pas regarder les autres le faire à sa place.
Premier choix en l’absence de Benzema ?
Choix gagnant, car moins glamour que le Barça, mais capable de le faire évoluer au même niveau d’exigence avec un temps de jeu autrement conséquent. À bientôt trente ans, Gameiro n’est désormais plus un second choix, mais un titulaire potentiel dans l’une des équipes de référence du Vieux Continent. Et, accessoirement, un partenaire privilégié du meilleur joueur français du moment et probablement le meilleur choix français au poste d’avant-centre en l’absence de Karim Benzema. Une situation difficilement imaginable cinq ans plus tôt, quand il venait de quitter son cocon lorientais et de relever le défi parisien. Encore plus improbable quand il en est reparti trois ans plus tard. Mais aujourd’hui, c’est surtout d’avoir attendu son retour aussi longtemps – près de cinq ans – qui paraît surprenant au vu des états de service du joueur de l’autre côté des Pyrénées. L’équipe de France ne lui a pas déroulé le tapis rouge, mais il a su forcer son passage. Ce qui rendra une réussite future encore plus savoureuse.
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Par Nicolas Jucha