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Gameiro et la complainte du remplaçant français
Samedi à Troyes, Kevin Gameiro a réalisé sa meilleure action lors de son remplacement. Une frappe du gauche, sèche, dans une bouteille et des punchlines pour exprimer sa frustration d’être sorti si tôt. Un mal très symptomatique des joueurs français : ils ne supportent pas la concurrence et le font (trop) savoir.
« Y en a marre, c’est toujours la même chose ! Maintenant je m’en bats les couilles » . Visiblement, Kevin Gameiro n’a pas aimé être sorti à l’heure de jeu par son entraîneur. Peu de temps avant de se salir la bouche avec des gros mots, Gameiro avait déboîté une bouteille de flotte d’une frappe du coup de pied. Une heure plus tôt, il s’était raté face à Thuram dans un duel. Face caméra, l’ancien Lorientais a laissé exploser sa colère envers son entraîneur. Sa rage. Une haine d’être une nouvelle fois remplacé alors qu’il commence un match par mois. Plutôt que d’en faire des tonnes, le club a vite plié l’affaire. Par Carlo Ancelotti, d’abord, qui a été franc du collier en déclarant que lui aussi n’était pas content du match de son joueur. Puis, le directeur sportif Leonardo, le lendemain sur le plateau du Canal Football Club : « C’est une réaction normale. Il peut y avoir une mauvaise humeur, mais ça doit durer deux heures maximum après le match, pas plus… » . Bien entendu, pas de sanction de prévue. On règle ça publiquement et en toute transparence. Mais le problème est ailleurs.
D’autant que le rôle de Kevin Gameiro dans la saison du Paris SG est loin d’être anecdotique, il a rapporté neuf points au club en marquant les buts de la victoire contre Sochaux, Reims et Montpellier. Neuf points, c’est l’avance actuelle du club francilien. Devant, le Français doit faire avec Zlatan Ibrahimovic et Ezequiel Lavezzi. Alors pourquoi ce coup de gueule ? Parce que le joueur n’accepte plus d’être un bout de banc et une solution de rechange. Il le fait savoir. Haut et fort. Et ça, c’est une nouveauté pour un joueur qui a toujours travaillé en silence. Le problème, c’est que Gameiro embraye le pas d’un Mamadou Sakho, d’un Jérémy Ménez ou, à un degré moindre, d’un Clément Chantôme. À un moment de la saison, l’un de ces joueurs ou son agent a fait savoir, par voie de presse, qu’une place d’intermittent n’était pas concevable. Pis, on a prêté l’oreille à cette volonté d’être systématiquement aligné.
Le changement, c’est maintenant
Dernièrement, Mamadou Sakho s’est encore plaint dans la presse de sa situation personnelle : « Ça fait un an et demi que c’est délicat pour moi au Paris Saint-Germain. J’ai 23 ans et, pour continuer ma progression, il faut que je joue. Je sais que je suis troisième. J’ai fini par l’accepter même si je ne le comprends pas spécialement, surtout que je n’ai pas eu d’explication les yeux dans les yeux, ce qui me déçoit aussi » . Et voilà Kirikou qui fait son Caliméro. Dans les faits, rien ne le justifie (il a joué 22 matches de championnat, Alex 21). Mais c’est plus la manière qui énerve et cette absence permanente de remise en question. Seuls les joueurs français ont ouvert leur bouche sur leur situation au PSG. Tous ont un point commun : ils sont jeunes et n’acceptent pas autre chose qu’une place de titulaire indiscutable. Parce qu’à l’opposé, les Armand, Douchez ou Camara jouent le jeu. Pis, les étrangers, jeunes ou vieux, n’ont jamais fait entendre le son de leurs cordes vocales. Quand il était à la cave durant l’automne, Javier Pastore n’a jamais fait le malin. Van der Wiel encaisse les coups et ferme sa gueule. Même Diego Lugano, tricard 24/24, se la jouait grand professionnel. Et que dire à l’étranger où un Iker Casillas accepte sans broncher son nouveau rôle de doublure au Real. Sans parler d’un Javier Hernandez qui se contente de son rôle de remplaçant de luxe à United en claquant des pions.
A croire que mentalement, le jeune joueur français ne tient pas la route. Trop tôt dans la lumière sans doute. Récemment, Étienne Capoue a publiquement déclaré sa flamme au Paris SG. Sera-t-il capable de subir la concurrence d’un club qui souhaite jouer les premiers rôles en Europe ? On peut se poser la question. Et puis c’est quoi le projet ? Être le roi à Sunderland ou Newcastle ou s’inscrire dans le projet d’un club sur le moyen terme, quitte à ne pas y jouer le premier rôle ? Le dilemme n’est pas évident, c’est vrai. Mais il démontre à quel point la petite personne prime parfois sur le collectif. Pendant six mois, Jérémy Ménez a été dans ce cas-là.
Il ne pensait qu’à sa gueule. Se sentait intouchable. Seul. Unique. Puis Lucas Moura est arrivé et le Français a découvert une terre inconnue : le banc du Paris SG. Il n’a pas aimé. Notamment à Valence où son entrée de faignant n’a pas été appréciée. Derrière, il a pris une soufflante et une mise au point. Depuis, son discours officiel a changé : « Depuis que le coach est arrivé, il m’a repositionné devant. C’est un poste que j’affectionne, c’est là que je préfère jouer. Mais pour rendre service à l’équipe, je peux jouer aussi sur les côtés, surtout qu’en ce moment, je veux jouer donc je prends tout ce qu’il y a à prendre. Le groupe travaille sereinement, collectivement, et quand tout le monde se bat, ça montre un beau PSG. Il faut gagner sa place, accepter les décisions du coach. On vit quelque chose de beau, et laisser ça de côté » . Miracle.
L’exemple Ménez
Bien entendu, le discours est de façade mais il a le mérite d’être là. D’autant que son ancien coach, Antoine Kombouaré, lui avait sensiblement donné le même conseil sur les ondes de RMC peut de temps après Valence : « Jérémy, il faut qu’il apprenne. Avec moi, il était un titulaire indiscutable mais il ne comprend pas qu’il faut accepter la concurrence. De grands joueurs comme Lucas ou Lavezzi arrivent. C’est triste parce que c’est un grand joueur qui peut apporter à l’équipe. J’ai envie de lui dire : « Profite d’avoir des grands joueurs comme Beckham à tes côtés et apprend ». Beckham, lui, va accepter d’être sur le banc. S’il est capable de passer ce cap, ça va être un très grand joueur. Mais ce qui va le freiner, c’est son comportement qui n’est pas bon. Je suis surpris parce qu’il a joué à l’AS Rome. Je pensais que ça allait le faire grandir. Il a une attitude de petit con et je le dis avec beaucoup d’affection » .
En attendant, Carlo Ancelotti a décidé d’aligner Alex et Thiago Silva contre Evian Thonon. Chantôme est forfait, Menez, tout juste rétabli, devrait commencer sur le banc. Quant à Kevin Gameiro, il est en balance avec Lavezzi pour épauler Ibrahimovic. Preuve que l’Italien n’est pas rancunier. Au contraire du Français.
par Mathieu Faure