Galtier, sur des braises

Que faut-il retenir du prolongement donné à l’affaire Galtier par L’Équipe ce mardi ? Premier point, Christophe Galtier nie en bloc. Tout. Y compris d’éventuelles maladresses. Ses avocats M^e Olivier Martin et M^e Sébastien Schapira ont une fois de plus relayé sa ligne de défense auprès du quotidien sportif : « Il attend enfin ce débat public et contradictoire où il démontrera qu’il n’a évidemment jamais discriminé ou harcelé quiconque. Tout son parcours professionnel, sa réputation témoignent de sa personnalité irréprochable. » Les accusations de racisme et d’islamophobie qui étaient retombées sur l’ancien coach niçois, désormais aux commandes d’Al-Duhail au Qatar, avaient surpris au regard du personnage et de sa réputation. Beaucoup avaient voulu l’inscrire dans un simple règlement compte avec Julien Fournier, ancien directeur du football de l’OGC Nice. Dès septembre 2022, dans L’After Foot (RMC), ce dernier avait laissé filtrer le doute (« Très honnêtement, si j’explique les vraies raisons pour lesquelles, Christophe et moi, on s’est disputés – parce que c’est vraiment le mot –, Christophe ne rentrera plus dans un vestiaire ni en France, ni en Europe »), avant que la fuite d’un long mail interne d’Ineos ne précise les contours du conflit entre les deux hommes (trop de « noirs et d’Arabes » dans l’équipe, qui ne représenteraient pas suffisamment la ville et son identité politique, selon les propos prêtés à l’ancien champion de Ligue 1 avec le LOSC).

L’obsession de l’islam

Depuis, une enquête a été ouverte. Et d’autres polémiques ou problématiques (violences dans les stades, cris de singe, homophobies, etc.) avaient pris le relais dans l’actualité. Mais le procès approche, et donc les auditions de certains membres du staff et joueurs de l’époque ont également trouvé écho dans la presse. Le contenu de ce qui a été rendu public renforce le sentiment de malaise, pas des moindres au regard des personnalités concernées, mais l’inscrit finalement terriblement dans le contexte politique du moment en France, avec l’éternel débat sur la place légitime de l’Islam. Il se dessine ainsi le portrait d’un coach agacé ou obsédé par la question du ramadan, et de la religion musulmane. Christophe Galtier de son côté n’évoque que sa volonté de maintenir la performance maximale de l’équipe.

Frédéric Gioria, ancien entraîneur adjoint, souligne lors de son audition l’énervement de son supérieur devant l’arrivée de Billal Brahimi : « Encore un musulman, j’en veux pas, on en a assez. » Dans un registre similaire, Hachim Ali Mbaé, analyste vidéo de l’OGC Nice, aurait entendu son coach établir une étrange distinction entre Turcs, raisonnables, et Algériens, « trop dans l’extrême », sur la religion. Jean-Clair Todibo aurait fait part de pressions de Galtier pour l’obliger à rompre son jeûne. Avant d’ajouter l’exemple d’un match de préparation en juillet 2021, où après s’être emporté contre l’arbitre, il aurait été admonesté violemment : « Jamais vous faites ça ici, on n’est pas dans le 9-3. » Teddy Boulhendi, alors troisième gardien, a confié s’être senti contraint de manger les jours de match au risque d’être viré de la feuille de match. Pablo Rosario confirme avoir également dû rompre son jeûne pour les mêmes raisons. Fournier aurait relaté la réaction extrêmement négative de Christophe Galtier en découvrant que Didier Digard s’était converti, et son angoisse de le voir endoctriner les jeunes du centre de formation.

Cette dernière thématique, avec sa part d’instrumentalisation partisane, agite particulièrement le monde du sport, accusé souvent de servir, par « naïveté », de vecteur souterrain à la radicalisation. Certains autres joueurs affirment n’avoir rien vu ni entendu de cet ordre, tel Khéphren Thuram, par exemple. On comprend rapidement que la bataille d’avocats lors du procès va tourner autour d’une guerre de « paroles ». La « matérialité » des faits (le plus difficile à établir dans les affaires de discriminations, notamment dans le monde du travail), faute de traces écrites ou vidéos incriminant directement Christophe Galtier, va être au cœur des plaidoiries. Toutefois, ce cas éclaire encore une fois le rapport consubstantiel du foot français avec les enjeux cociétaux et politiques qui tourmentent le pays. Et on se doute qu’aujourd’hui, au regard du chèque que l’ex-technicien du PSG doit toucher au Qatar, le ramadan n’est plus un problème pour Christophe Galtier…