Galtier, le mail est fait

Depuis 24 heures, nous vivons au rythme des réactions autour de la mise sur la place publique, et pour tout dire médiatique, d’un mail, vieux d’un an, prétendument envoyé en fin de saison dernière par Julien Fournier⁽¹⁾, alors directeur sportif des Aiglons, à Dave Brailsford, représentant du propriétaire du club Ineos, concernant son différend, voire son opposition avec le coach niçois d’alors, Christophe Galtier. D’abord révélé par le journaliste indépendant Romain Molina, ce document a ensuite été divulgué et commenté dans L’After Foot sur RMC par Daniel Riolo, qui avait également été destinataire de ce mail transféré. Y serait notamment relaté un échange qui aurait eu lieu entre les deux hommes durant lequel l’actuel entraîneur du PSG aurait expliqué qu’« on ne pouvait pas avoir autant de noirs et de musulmans dans l’équipe ». Un constat fondé sur une vision singulière de la cité de la Baie des Anges. « Julien, tu dois réaliser dans quelle ville nous sommes, nous sommes dans la ville de Jacques Médecin (ancien maire de Nice, NDLR), et notre équipe ne correspond pas à ce que veulent les gens, comme elle ne me correspond pas », aurait rapporté Fournier dans son courriel. Bref, Nice résumée de manière caricaturale à une ville d’extrême droite, réalité qui, si elle peut parfois se retrouver dans les tribunes, est bien loin de celle décrite dans les polars de Michèle Pedinielli.

La succession dans la journée des prises de position ou des réactions a donné tout son sens à la formule « au moment où nous écrivons ces lignes ». Julien Fournier, sans nier être l’auteur de ce message, s’est défaussé dans une réponse auprès de Nice-Matin et a même tenté une belle diversion complotiste à 48 heures d’un quart de finale de C4 : « Je ne suis en aucun cas à l’origine de la diffusion de ces informations internes vieilles d’un an au moment de mon départ du club, assure celui qui a quitté en février son poste de directeur sportif à Parme. Je n’ai jamais tiré sur une ambulance, malgré tous nos différends avec Christophe Galtier et j’ai surtout trop de respect pour l’OGC Nice […] et les gens en place, qui préparent en ce moment l’un des rendez-vous les plus importants de leur histoire en Coupe d’Europe. Le timing de ces révélations me révolte tout autant que leur contenu. »

Version contre version

Le PSG était informé de ces rumeurs depuis les premiers échos relayés en septembre par L’Équipe, en partie après des allusions insistantes de Julien Fournier, qui évoquait déjà le cas de la gestion du ramadan et de la « sociologie » du vestiaire. Le club aurait décidé d’ouvrir une enquête interne tout en garantissant une protection personnelle à son entraîneur, objet désormais de nombreuses menaces, notamment sur son téléphone, dont le numéro a fuité sur les réseaux sociaux. L’OGC Nice botte en touche pour sa part, alors que si les faits étaient avérés, sa responsabilité serait forcément engagée. Le technicien parisien a enfin démenti, via un communiqué auprès de l’AFP, les « propos injurieux et diffamants », tandis que son avocat, M^e Olivier Martin, promettait des « poursuites judiciaires ».

Entre-temps, la bataille des pour et des contre commence déjà, et chaque camp serre les rangs, y compris dans la presse et chez les commentateurs. Les supporters parisiens du CUP Paris ont indiqué, dans une période par ailleurs tendue avec la direction du club, que « si les faits qui lui sont reprochés sont avérés, il n’est pas acceptable que cette personne reste dans l’organigramme du club ». En face, l’attaquant turc Burak Yilmaz, qui a évolué sous les ordres de Galtier à Lille, lui manifeste son soutien : « J’ai travaillé avec Galtier et je n’ai jamais senti le moindre comportement négatif de sa part à cause de ma religion ou de ma nationalité. C’est un entraîneur fantastique autant qu’une personne fantastique. » Le feuilleton n’en est sûrement qu’à son épisode inaugural. Le football est malheureusement bien davantage qu’un sport. Et les effets de cette affaire, de ce qu’elle peut révéler de la prégnance du racisme dans le petit monde du ballon rond, dépasseront sûrement le cas des personnes concernées, puisque les sujets, et les mots utilisés, racontent bien autre chose que le profil d’un effectif.