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Gagner… puis savourer
Pour Corinne Diacre, le match face au Brésil n’est rien de plus qu’« un huitième de finale ». Vraiment ? La sélectionneuse a en tout cas pris le parti de laisser l’émotion de côté, ce qui peut faire tache dans un rendez-vous aussi important que la Coupe du monde. Mais cela n’enlève rien à la détermination des Françaises à aller jusqu’au bout. Peu importe la manière.
C’est vrai qu’il faisait chaud au Havre, mais la salle de presse du stade Océane était déjà bien climatisée. Pas besoin de remettre un coup de froid. C’est pourtant ce qu’a choisi de faire Corinne Diacre lors de la conférence d’avant-match, pour laquelle nombreux étaient les journalistes – pas seulement français – à avoir fait le déplacement. Difficile en effet de ne pas avoir des étoiles dans les yeux, au vu d’une affiche dont le seul intitulé suffit à en faire rêver plus d’un : France-Brésil.
On peut d’ailleurs le répéter à l’infini : France-Brésil, France-Brésil, France-Brésil… L’évocation de cette confrontation s’accompagne de ce petit quelque chose de magique que bien peu de nations arrivent à provoquer, dans l’Hexagone. Mais pas chez Corinne Diacre : « Ce France-Brésil est tout simplement un huitième de finale. Rien de plus, rien de moins. » Ambiance.
Pas de place pour les émotions
On commence à connaître le personnage, dont les conférences de presse sont loin d’être l’exercice préféré. Mais ce samedi, Corinne Diacre s’est enfermée dans la peau de son personnage froid et insensible. À mille lieues de l’engouement qui habite le public nouvellement conquis par cette équipe de France féminine. À la question de savoir quel sentiment elle retirait de son séjour havrais, la sélectionneuse a réchauffé sa réponse lâchée dix jours plus tôt à Nice : « Notre quotidien, il se résume à notre chambre d’hôtel et au terrain d’entraînement. Il n’y a pas de terrasse, de transat ou de piscine. Même la fête de la musique, on ne l’a pas entendue, c’était trop loin. On est dans notre bulle, l’hôtel le permet vraiment très bien. »
Alors, un coup de bluff psychologique, cette fermeture émotionnelle ? Corinne Diacre n’a en tout cas pas voulu dévier du volet sportif, notamment à l’évocation du match qu’elle a disputé face à la Seleção en 2003 (1-1) lors de la phase de poules de la première Coupe du monde disputée par les Bleues : « Je suis désolée, mais je ne regarde absolument pas dans le rétroviseur et encore moins aussi loin. Ça ne m’intéresse pas de revenir quinze ans en arrière, le foot féminin a tellement évolué… » Pour les émotions, il fallait se tourner vers Amandine Henry. Laquelle a timidement confié ce que lui évoquait le fait de rencontrer le Brésil, elle dont la victoire des garçons en 1998 compte parmi les premiers souvenirs de ballon rond : « Je pense que j’étais chez moi avec mon père, en train de le regarder et de le fêter avec les petits voisins. C’est un très beau souvenir en tant que supportrice, mais j’ai envie d’avoir un très bon souvenir en tant que joueuse. »
Le changement, problème ou dilemme ?
Là où tout le monde accorde ses violons, c’est pour dire qu’une nouvelle compétition a déjà commencé avec ce huitième de finale. Et face au Brésil, la France part favorite. En tout cas sur le papier. En huit affrontements, les Bleues ont battu trois fois la Seleção et partagé cinq fois l’enjeu. La dernière fois, c’était à Nice au mois de novembre dernier et les Françaises l’avaient facilement emporté 3-1. Un match que se rappelle bien Aïssatou Tounkara, titulaire ce soir-là : « C’était une équipe solide, et offensivement, ça allait très vite. On retient notre victoire, mais il leur manquait aussi des joueuses comme Marta ou Cristiane. Donc je pense que ça va être un tout autre match, et on va bien se préparer pour pouvoir répondre présentes dimanche. » Un tout autre match également sur le plan tactique. À l’Allianz Riviera, les Bleues avaient évolué en 3-4-3. Et non en 4-2-3-1, comme c’est le cas depuis le début du tournoi. « On travaille depuis un moment avec une défense à quatre, les filles ont très bien défendu contre le Nigeria. Donc, je ne vois pas pourquoi je changerais » , a rappelé Corinne Diacre. Non sans ajouter : « Il me reste une nuit pour y réfléchir.. »
Faut-il y voir une réponse aux difficultés rencontrées par les Bleues face au but ? La sélectionneuse ne nie pas le problème : « Le manque d’efficacité est certain, mais on a quand même gagné trois matchs. Très sincèrement, le ratio, je peux m’en satisfaire. » Nouveau coup de bluff ? Encore une fois, seule la vérité du terrain donnera la réponse. « On a l’ambition d’aller plus loin, mais l’ambition ne fait pas gagner. On a d’abord ce huitième à jouer. Si on ne gagne pas, on rentre à la maison. C’est la loi du sport. » Tant pis si Corinne Diacre a choisi de reléguer les émotions au second plan, au profit de l’efficacité à tout prix. En cas de sacre final, les supporters auront quatre ans pour savourer la première étoile.
Par Julien Duez, au Havre