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Gaëtan Charbonnier, l’esthète incompris
Auteur d'un but magnifique contre Guingamp le week-end passé, Gaëtan Charbonnier n'a toujours pas, à 25 ans, confirmé tous les espoirs qu'il suscitait suite à son transfert à Montpellier en 2012. La faute, pour ceux qui le connaissent, à une comparaison malvenue avec Olivier Giroud, son prédécesseur dans l'Hérault.
Gaëtan Charbonnier n’avait pas encore marqué de la saison. Mais pour sa première réalisation, il a soigné la forme : un contrôle du gauche dos au but, une touche du droit pour se remettre face à la cage, et une frappe toujours du droit pour crucifier Lössl… Un tel but, marqué par Messi, Ronaldo ou Ibrahimović, aurait fait le tour du monde. Mais vu que c’est Charbonnier et que le Stade de Reims a malgré tout perdu à la maison contre Guingamp, tant pis pour la postérité. Toujours est-il que ce pion ouvre le compteur but de l’ancien Montpelliérain et égaie des statistiques timides (seulement deux passes décisives contre Paris et Bastia) et pourrait, un temps, faire taire les critiques à l’égard d’un joueur légèrement incompris, même par ses propres supporters.
« C’est injuste de le juger seulement sur son nombre de buts. Il aime jouer pour les autres, donc il faut aussi le juger sur le travail qu’il produit pour l’équipe, estime Malik Couturier, ancien partenaire de Charbonnier au SCO Angers entre 2009 et 2012, aujourd’hui à Laval. Le problème aujourd’hui dans le football pour les attaquants, c’est qu’on ne voit que leurs statistiques et pas le travail fourni à côté. C’est à double tranchant pour ces joueurs-là, car cela peut les pousser à être plus individualistes et à moins œuvrer pour leur équipe. » Pour le défenseur, l’attaquant rémois est malgré tout dans le vrai : « Gaëtan est selon moi sur le bon chemin, dans la bonne attitude. Faire jouer les joueurs autour de lui, c’est louable. »
« Son meilleur poste, c’est neuf et demi »
Cette incompréhension quant au profil du joueur, Olivier Pickeu l’attribue à son transfert à Montpellier : « C’est un excellent joueur pour un 4-3-3 en étant derrière la pointe ou en 4-4-2 avec un autre attaquant. Dans le système de René Girard, ils l’ont utilisé à la place d’Olivier Giroud, seul devant en pointe. C’est compliqué au vu de ses caractéristiques. Dans son rôle actuel de relais à Reims, je pense qu’il va continuer à passer des paliers. » Car pour le directeur sportif du SCO Angers, Charbonnier n’est pas « un buteur à proprement parler, même s’il a des qualités de buteur. Il a une qualité de transmission, de relais. Si on l’attend à 25-30 buts, on peut être déçu. C’est plus un lien en attaque, quelqu’un qui aide à faire remonter le bloc, qui fait bien jouer les autres autour de lui. »
Et qui partait donc battu d’avance dans le jeu d’une comparaison avec l’actuel Gunner. « Toutes les comparaisons ne sont jamais bonnes. Giroud, c’était Giroud ; Charbonnier, c’était Charbonnier » souligne Couturier, pour qui le numéro 10 de Reims est à « son meilleur poste en neuf et demi, avec un second attaquant. Ce n’est pas un attaquant de surface, il aime toucher le ballon, décrocher. C’est pour cela aussi qu’il ne marque pas 10-15 buts par saison. » Un jugement avec lequel Olivier Pickeu s’accorde : « On ne peut pas le comparer à Giroud, qui avait dépassé la barre des 20 buts quand il a signé à Montpellier, alors que Gaëtan sortait d’une saison à 12 buts. Les seuls points communs, c’est qu’ils sont tous les deux grands et élégants. Ce sont des joueurs très différents dans le jeu et dans leur utilisation sur le terrain. »
Une évolution logique
En termes de parcours également, les deux hommes diffèrent. Si Giroud a rapidement conquis la Ligue 1 et signé à Arsenal, Charbonnier reste sur deux saisons timides dans l’élite : 4 buts avec Montpellier en 2012-2013, 5 avec Reims la suivante. « Il est en train de passer un palier avec le Stade de Reims. Ce qu’il a fait avec la CFA de Paris, ce qu’il a ensuite fait chez nous puis à Montpellier et Reims, cela rentre dans une évolution logique. C’est un joueur qui n’est pas forcément en avance, mais qui passe les caps tranquillement » , analyse Pickeu. Couturier, lui, se veut plutôt optimiste : « Je pense qu’il a toutes les qualités pour continuer à progresser et finir dans un club de niveau européen. » Pour cela, le défenseur de Laval admet cependant que Charbonnier va devoir « apprendre aussi à marquer des buts de raccroc pour augmenter ses statistiques. » Cette tendance à marquer de beaux buts, Pickeu l’attribue à « des qualités techniques au-dessus de la moyenne » , mais abonde dans le sens de Couturier : « Étant un ancien attaquant, je peux vous dire que tous les buts sont beaux. Une pointe, cela suffit. » À Charbonnier de saisir le message et d’étoffer son registre, histoire de marquer plus sans oublier de faire briller les autres.
Par Nicola Jucha