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Gaël Angoula : « Les arènes de Nîmes ? Je m’en tape. »
Après avoir retracé son parcours chaotique durant son adolescence, Gaël Angoula évoque le deuxième chapitre de sa vie, celle de son entrée dans le milieu du foot professionnel. Du folklore bastiais au match Angers-TFC la saison dernière en passant par sa relation au pognon, Angoula ouvre les vannes pour la seconde fois.
Malgré ton essai non concluant à Auxerre, tu finis tout de même à Pacy-sur-Eure en National. Et après deux bonnes saisons là-bas, les dirigeants bastiais viennent te chercher. Manque de pot, c’est l’année où le club se casse la gueule, c’est ça ? Ouais, en fait, je rencontre les dirigeants de Bastia très tôt lors de la deuxième partie de saison, dans un hôtel parisien, alors que le club est déjà à l’agonie au classement de L2, et ils me disent que mon profil les intéresse. Moi, perso, je ne connaissais pas plus que ça Bastia. Je ne vais pas mentir en disant que j’y suis allé pour les supporters, pour le stade Furiani, patati patata. J’étais devant ma télé pendant le drame survenu contre Marseille et c’est la seule chose que je savais vraiment à propos de ce club.
Bref, les dirigeants me proposent un contrat professionnel que j’accepte dès le mois de mars. Du coup, je termine la saison avec Pacy et là, on apprend que le Sporting est rétrogradé en CFA… Entre-temps, il y a d’autres clubs de Ligue 2 qui se présentent, mais j’avais donné ma parole aux dirigeants bastiais. Et en arrivant là-bas, je débarque dans un contexte de dingue. J’arrive, je signe mon contrat, sauf qu’à ce moment-là, on n’avait même pas de coach et il ne restait plus que six joueurs de l’effectif professionnel. L’hécatombe totale ! Là, je sors de la pièce et je tombe sur Frédéric Hantz qui était avec sa femme et qui visitait les installations. Il me demande si j’ai signé, je lui dis que oui, je lui retourne la question et il me dit qu’il allait bien voir. Du coup, on s’est dit : « Ben peut-être à bientôt ! » C’était énorme, du grand n’importe quoi ! (rires)
Et au final, Hantz signe. Ces mésaventures, ça a au moins le mérite de souder un groupe dans l’adversité. Carrément. Le premier match de Coupe de la Ligue, on arrive à Angers, on était en sous-effectif total et on se retrouve menés 2-0 à la mi-temps. Là, le coach nous demande juste d’éviter de prendre une branlée, sauf qu’à l’arrivée, on les tape 3-2 chez eux ! Grosse, grosse mise en confiance ! (rires)
Et à l’arrivée, vous faites une saison de tarés. Ouais c’est clair, on a marché sur le National. Notre force, ça a été de ne jamais sous-estimer les adversaires. Pire, on avait toujours la crainte de perdre. Je pense que c’est ça qui a fait qu’on a survolé le championnat en fait. Même en allant jouer, je sais pas, moi, à Gap, jamais je me suis dit qu’on allait les éclater. Et à l’arrivée, je crois qu’on les tape 5-0.
T’as bien fait d’être resté fidèle à ta parole. Oui, vraiment. Au final, on termine champion de National, c’était le feu, les supporters, l’ambiance, tout. (Il appuie.) C’était le feu total. Franchement, j’étais sur le cul. Tiens, ça me fait penser à une petite anecdote qui montre la folie du truc à Bastia cette saison-là.
Je venais d’arriver au club, les supporters de leur côté venaient d’apprendre qu’on était relégués en CFA sur une décision de la DNCG, et là je vais à la Poste pour déposer un colis et t’as la postière, une vieille dame, qui me dit : « Vous êtes un joueur du Sporting ? » Bon, déjà, je suis sur le cul, la vieille, elle me connaît alors que je viens à peine d’arriver… En fait, tout le monde suit le club là-bas. Bref, elle continue et elle me dit : « Oh putain, ces cons, ils nous ont mis en CFA, on va monter à Paris, on va tout faire péter ! » (Rires) Une vieille dame comme ça, mais tu vas péter quoi, mamie ? (Il éclate de rire.) Et après, t’as un politicien, un mec haut placé, qui se déplace en personne dans les vestiaires du club pour nous annoncer qu’on n’allait finalement pas aller en CFA. Ce que je veux dire par là, c’est que tu prends tout de suite conscience à quel point le Sporting est important dans la vie des Bastiais, c’est fou.
Et là, vous enchaînez par une deuxième montée consécutive et un second titre de champion. Ouais, là, pareil, on commence la saison en se disant : « Bon, on va voir comment ça va se passer » . Nous, on a un seul objectif, c’est le maintien. Sauf que tu vois vite que les choix qui ont été faits au niveau du recrutement sont très bons. D’instinct, je pense à un mec comme Jérôme Rothen. D’ailleurs, c’est à cause de lui que je me suis retrouvé arrière droit ! Jusque-là, je jouais en 6, mais vu qu’il n’avait plus les cannes pour jouer sur le côté, Hantz a décidé de le mettre dans l’axe. Sauf que dans l’axe, il y avait moi et Cahu. Et Cahu à Bastia, c’est la statue, tu n’y touches pas. Eh ben du coup, c’est moi qui ai bougé à droite ! (Rires) Bref, quand tu vois que Rothen est à fond, qu’il gère les temps forts et les temps faibles de l’équipe, et que tu regardes le reste des joueurs offensifs (Rothen, Sadio Diallo, Wabbi Khazri, David Suárez notamment, ndlr), tu te dis qu’il y a de quoi jouer mieux que le maintien. C’était le feu, un vrai régal à voir jouer de derrière.
Et vous terminez de nouveau champions. Tu dois rêver à ce moment-là, non ? Ouais, c’est clair.
Et pour la petite histoire, mon frère a été champion de National avec Évian un an avant moi, ensuite il a été champion de L2 encore une fois un an avant moi, et ensuite, on s’est retrouvés tous les deux en Ligue 1. C’est énorme. Et donc là, boum, Ligue 1. À trente ans. Mais qu’est-ce que je fous là, putain ? Là, tu te dis : « Merde, quel chemin parcouru depuis tout ce temps ! » (Il souffle) Inimaginable, impensable, incroyable, tous les superlatifs sont bons !
Surtout que ce n’est pas un truc après lequel tu courais… Mais carrément pas. Après l’échec à Auxerre, sincèrement ça m’avait fait ni chaud ni froid, rien, que dalle. Même quand j’ai signé mon contrat pro avec Bastia, je n’ai pas ressenti grand-chose, pas de champagne ni rien. Après voilà, c’est comme ça, je ne suis pas sensible à ces choses-là.
Et quand tu poses ton pied sur une pelouse de Ligue 1 pour la première fois de ta vie (Sochaux-Bastia), tu ne vas pas nous raconter que t’as rien ressenti, si ? Non là, franchement, ça fait quelque chose ! On entre dans un autre monde. T’arrives, il y a des fils partout, t’as les camions télé, t’es escorté, tu vois les gars de la télé, t’as Franck Sauzée. Ce n’est plus le même environnement, ce n’est plus de la Playstation. (Il réfléchit) Ouais, ça restera un super souvenir.
Toi qui as connu sur le tard le monde professionnel, comment tu jugerais le train-train quotidien du footballeur ? C’est pas un peu chiant ? Non, ça ne peut pas être chiant pour moi parce que je suis arrivé tellement tard que je ne suis pas usé par le système, par les préparations, les mises au vert. Au contraire, j’en redemande, j’ai envie d’en profiter au maximum.
Ton niveau de vie a forcément changé ces dernières années. Est-ce que c’est quelque chose que tu as réussi à bien gérer tout de suite ?
Ben, c’est vrai que déjà, quand j’étais dans le monde illégal entre guillemets, tu profites de ton argent. T’achètes une moto-cross, des quads, tu pars en vacances, tu flambes quoi. Et là, c’est vrai qu’avec l’argent du foot, au début je n’ai pas pris le bon chemin. Je m’achetais des sapes, tu vas chez Louis Vuitton, chez Dolce Gabbana, tu te prends pour un grand joueur, tu vois ce que je veux dire ? Tu veux te fondre dans le moule du milieu. La belle montre, la bagnole, etc. Et c’est là que ta femme et ton entourage jouent un rôle important. Moi, c’est clair qu’elle m’a aidé à calmer le jeu. Du coup, ce train de vie a duré un temps, pas long, mais ensuite, tu redescends vite sur terre parce qu’il ne faut pas oublier de préparer l’après-carrière.
On sait que de nombreux footballeurs qui ne gagnent pas le salaire de Zlatan se retrouvent souvent ruinés à cause justement de leur train de vie de pacha ou suite à des placements douteux. Oui, et puis il ne faut pas oublier les impôts. Moi, en Ligue 1, je me suis retrouvé dans une tranche forte, mais avec un salaire relativement bas, donc forcément, tu te sens un peu moins privilégié que les autres. Les impôts, je les ai sentis autant que dans ma vie d’avant en fait.
Et est-ce que toi aussi tu t’es retrouvé subitement à avoir un paquet de nouveaux amis ? Non pas forcément, j’ai toujours eu les mêmes potes. Après, ce qui est vrai, c’est que t’as beaucoup de gens qui te connaissent et que toi, tu ne connais pas. « Ah ouais t’inquiète, Gaël c’est mon poto » , et toi, t’es là : « Mais c’est qui ce mec, je ne le connais pas ! » (rires) Voilà, t’as pas mal de trucs comme ça, mais après, ça va. Je ne suis pas un joueur assez coté ni assez friqué au point que les gens viennent et se greffent à moi.
Je crois savoir que t’es pas un grand voyageur, voire même que tu es hyper casanier. En trois ans en Corse, tu n’as quasiment rien visité ?
Ouais… En même temps, moi, visiter l’île, c’était un peu compliqué puisque j’étais en froid avec la Corse du Sud vu que j’ai souvent participé aux bagarres avec les Acéistes (AC Ajaccio, ndlr). Mais sinon, c’est vrai que je ne suis pas du genre à visiter. Là, je suis à Nîmes et tout le monde parle des arènes, des remparts d’Aigues-Mortes, mais qu’est-ce que je m’en tape… Voilà, ni ma femme ni moi ne sommes fanas de ce genre de sortie. Moi, quand je sors, je préfère que ça soit utile.
Un petit mot sur Angers avant d’en finir. On sait que t’as vraiment accroché avec les gens là-bas. Aujourd’hui ça va, tu arrives à digérer ce départ sur le plan humain ? Ouais, petit à petit, mais c’est clair que les mecs me manquent. Je suis quelqu’un qui marche beaucoup à l’affectif et à partir du moment où j’apprécie quelqu’un, je suis capable d’aller au feu pour lui. Du coup, je ne vais pas te mentir, je suis parti de là-bas le cœur lourd et il y a certains mecs à Angers qui me manquent vraiment. Les gars, c’est (il réfléchit)… c’est comme ma famille, je les aime autant que mon frangin ou mes parents. C’étaient des gens qui rythmaient mon quotidien et se dire qu’aujourd’hui ils ne sont plus là… (Il souffle.) Mais bon, c’est ça la vie d’un footballeur. Et je serai leur premier supporter à Montpellier (l’entretien a été réalisé le vendredi 12 août, ndlr), j’irai les voir à l’hôtel et ça va me faire du bien.
À Angers, lors de la dernière journée, même si vous n’étiez pas concernés en premier lieu, vous avez quand même vécu une sacrée soirée avec le match contre le TFC. Tu peux nous en dire un mot ?Ouais, c’est clair. Après, je trouve qu’ils s’en sortent bien parce que franchement, à la mi-temps, jamais je ne les voyais gagner ce match.
Et quand Braithwaite a raté son péno, je me suis dit que c’était fini pour eux. Mais du coup, chapeau à eux, s’ils sont en Ligue 1 aujourd’hui, c’est qu’ils se sont sortis les doigts du cul. Parce que sincèrement, on n’a pas joué ce match à moitié, rien à voir avec le match de Lyon contre Reims. Nous, ce soir-là, je te promets que c’était pas Reims-Lyon hein, si les Toulousains ce sont maintenus, ce n’est pas pour rien, c’était un vrai combat et on a joué au taquet. Et quand je vois la branlée que va prendre Lyon à Reims… C’est moche, ça. Si le Téf était descendu à cause de ça, j’aurais compris qu’ils puissent avoir les boules. Du coup, pour avoir participé à ce match contre Toulouse, je peux te dire qu’ils peuvent être fiers, ils ont joué comme des bonhommes et ils sont allés chercher leur maintien au mérite.
Ils n’ont pas trop foutu le dawa dans les vestiaires après le match ? Non, ça va. Après, quand tu perds, t’es toujours un peu énervé, donc ça a un peu chauffé à la fin, mais c’est normal, on est des mauvais joueurs ! Après, certains nous ont reproché d’avoir joué à fond, mais ça veut dire quoi ça ? Au final, leur mérite est encore plus ample. J’étais déçu pour nous qu’on finisse mal devant notre public, mais content pour eux, car ils ont été méritants. Leur joie était incroyable, ils ne pouvaient pas se retenir, les mecs. Non, mais attend… le gamin qui marque le but sur coup franc (Yann Bodiger, ndlr), il frappe, il marque, il passe devant moi et il pleurait déjà ! C’est pour te dire la pression qu’il y avait dans le match. Le match n’était même pas fini, on pouvait encore égaliser, mais le mec, il pleurait déjà.
Pour terminer, un petit mot sur ton après-carrière. Tu y as déjà pensé ? Qu’est-ce qui te botterait une fois le foot terminé ?
J’ai commencé à me pencher sur mon avenir dès maintenant. Il faut s’y préparer le plus vite possible, car derrière, il faut continuer à faire vivre sa famille. Du coup, j’aimerais bien aller dans l’entrepreneuriat, puisque j’aime bien tout ce qui touche à la gestion et que ça colle à mon cursus scolaire. Et puis on va dire que la gestion, c’est un peu pareil qu’on soit dans le légal ou dans l’illégal ! (Rires) J’ai vraiment envie de créer ma petite boîte, et mes démarches vont dans ce sens. Je suis admiratif des mecs qui partent de zéro et qui te montent des entreprises de dingue, qui créent des emplois et font vivre des gens, je trouve ça énorme. Ça serait un vrai kiff de faire partie de ceux-là.
Propos recueillis par Aymeric Le Gall