- Barrages Euro 2016
- Hongrie-Norvège
Gábor Király, le centenaire en jogging
Ce dimanche contre la Norvège, la Hongrie peut valider son ticket pour l'Euro. Et ainsi retrouver une grande compétition pour la première fois depuis 1986. Son vétéran Gábor Király, gardien de but en jogging gris de 39 ans, devrait jouer un rôle déterminant. Portrait.
Jeudi contre la Norvège, Gábor Király a honoré sa 100e cape sous les couleurs de la Hongrie. Avec, dès la 3e minute, un arrêt de grande classe de la main gauche sur une frappe à bout portant de Per Ciljan Skjelbred. La preuve qu’à 39 ans – il sera quadra le 1er avril 2016 – l’ancien gardien du Hertha Berlin, de Crystal Palace ou encore de Fulham en a sous la semelle. « Je m’arrêterai quand mon corps le dira, mais pas maintenant » avait-il confié avant le barrage aller contre la Norvège. Bien que populaire dans son pays, le fait que Bernd Storck le préfère à Bogdan de Liverpool suscitait quelques interrogations. Balayées avec la sublime claquette du portier au look de papy dégarni en jogging coton gris, qui, avec plus de 20 ans de carrière, était déjà là avant l’arrêt Bosman.
Une autre époque, « où l’on pouvait prendre à la main des passes en retrait » , se souvient le gardien nostalgique. Nostalgique mais aussi pragmatique : « Le plus important, c’est de se pousser à rendre la meilleure performance possible. Après ça, il faut être prêt à s’adapter aux situations nouvelles et rester ouvert aux changements. » Pour le vétéran qui évolue désormais au Szombathelyi Haladás, son club formateur, 3e en championnat hongrois, le principal changement récent, c’est de voir la Hongrie aux portes d’un grand tournoi international pour la première fois depuis 1986 et le Mondial mexicain. Fan de Gyula Grosics, le gardien de la légendaire génération 1950, Gábor Király y joue un rôle central, étant redevenu le numéro 1 dans les buts sous les ordres de Pál Dárdai, puis aujourd’hui Storck.
Jogging en coton gris
Une belle histoire pour celui dont l’apogée se situe entre 1998 et 2004, sous les couleurs du Hertha Berlin. Dans la capitale allemande, Király connaît les joies du haut de tableau en Bundesliga, la Ligue des champions – 10 matchs – et l’honneur d’être considéré sur place comme l’un des meilleurs gardiens de l’histoire du club. Pour le reste, il a alterné entre rôle de doublure (Aston Villa, Leverkusen, Fulham) et celui de vedette dans des clubs de seconde zone comme Crystal Palace, Munich 1860 ou encore Burnley. En prenant le soin, malgré tout, de se faire accepter par les supporters de chaque équipe pour son style particulier.
Mais si le vieux gardien hongrois est aujourd’hui l’un des personnages les plus hauts en couleur du football mondial, il le doit aussi à son style vestimentaire. Quand la plupart des portiers adoptent shorts ou pantalons moulants en veillant à avoir un minimum de style, Király opte depuis bientôt 20 ans pour un jogging en coton épais de couleur grise. Idéal si l’objectif est d’avoir l’air crade après un plongeon sur une pelouse humide. Pour l’intéressé, il s’agit surtout « d’une question de confort. J’ai joué sur de la terre ou de l’herbe qui étaient gelées en hiver. Cela blesse les jambes à chaque chute, donc porter un pantalon de jogging me semble une évidence. » Et peu importent les canons de la mode footballistique, Király prend toujours « une taille au-dessus, histoire de faciliter mes mouvements » .
« Il disait qu’il arrêtait plus de ballons avec ce pantalon »
Ce n’est pas faute d’avoir essayé les shorts en Allemagne et en Angleterre, mais « cela ne m’allait pas » assure le Hongrois. « À la fin, c’est le résultat qui compte, pas l’apparence. » D’autant que, comme il l’a affirmé avant d’affronter la Norvège jeudi, il est « gardien de but, pas mannequin » . Ancien coéquipier de Király à Berlin, l’ancienne gloire norvégienne Kjetil Rekdall a discuté des habitudes vestimentaires avec son gardien. Et ce dernier aurait livré une explication très technique : « Il disait qu’il arrêtait plus de ballons avec ce type de pantalons d’entraînement, car cette matière peut ralentir, voire stopper les ballons qui passent entre ses jambes. »
Mais derrière toutes ces explications plus ou moins crédibles se cache surtout une histoire de superstitions : là où Frank Lebœuf gardait le même slip pour assurer des séries de victoires, Gábor Király a lui sacrifié sa touche glamour. « Je joue en jogging depuis 1996 à Szombathely. Un jour, les pantalons noirs habituels pour les matchs n’avaient pas été lavés, j’ai été obligé de prendre un gris. On a enchaîné sur une série de 8 ou 9 matchs sans perdre, et on a ainsi évité la relégation. Donc où que j’aille depuis, ces pantalons sont mon porte-bonheur. Et je ne vais pas changer ça maintenant ! » Surtout pas avant un match retour ce dimanche que la Hongrie disputera en position de force. En cas de qualification, Gábor Király aura alors le privilège de disputer l’Euro à 40 balais.
Par Nicolas Jucha
Propos issus du Journal francophone de Budapest et de FIFA.com