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Gabaski, le talisman de l’Égypte
Loin d'être indiscutable dans son club de Zamalek, Mohamed Abou Gabal Ali dit « Gabaski » ne l'était pas plus en sélection. Jusqu'à la blessure du titulaire Mohamed El-Shenawy contre la Côte d'Ivoire, qui lui a donné l'opportunité, enfin, de briller sous le maillot des Pharaons. Résultat : un seul but encaissé en 248 minutes de jeu (un penalty de Sofiane Boufal) et deux séances de tirs au but marquées de son empreinte. Éric Bailly, Harold Moukoudi et James Léa-Siliki pourront en témoigner : Gabaski était destiné à ne pas jouer, mais il n'est pas là pour rigoler.
Cette Coupe d’Afrique des nations devait être celle de Mohamed El-Shenawy. Celle de la panthéonisation d’un double vainqueur de la Ligue des champions, qui a raflé tous les trophées possibles en gardant les cages du tout puissant Al-Ahly SC. Ce dimanche, il décrochera peut-être le titre international derrière lequel il court depuis sa première cape en mars 2018. Mais en tant que second rôle. Trahi par ses ischio-jambiers lors du huitième de finale contre la Côte d’Ivoire, El-Shenawy a dû se résoudre à quitter le pré. Le moment de briller pour Mohamed Abou Gabal est arrivé. Heureusement pour l’Égypte : la doublure a la tête dure et les mains sûres.
Patrice Carteron en Père Noël
Le train aurait néanmoins très bien pu passer sous le nez d’Abou Gabal. La saison 2020-2021 n’est pas un long fleuve tranquille pour lui, Mahmoud Genesh s’invitant dans l’équation, ce qui réduit son temps de jeu. Rebelote cette saison avec Mohamed Awad. Le 5 novembre, Zamalek se fait humilier à domicile par le grand rival Al Ahly (3-5). Peu inspiré, au-delà même de son CSC, Gabaski restera remplaçant lors des quatre journées suivantes. Plus d’un mois sans jouer, pas de convocation pour la Coupe arabe de la FIFA, et la menace de voir la CAN s’envoler. Patrice Carteron le relance le 25 décembre face à Mahalla. Non pas parce qu’il veut bousculer la hiérarchie, Awad restant son premier choix, mais parce qu’il souhaite augmenter les chances de son portier de s’envoler pour le Cameroun. Le cadeau arrive à point nommé : Gabaski retrouve du rythme et signe un clean sheet, juste à temps pour figurer dans la liste du sélectionneur Carlos Queiroz.
Absent contre le Nigeria à la suite d’un test positif à la Covid-19, il suit les victoires acquises contre la Guinée et le Soudan depuis le banc. Il finira par en sortir à la 88e minute du huitième de finale face à la Côte d’Ivoire. « Avant le match, je lui ai dit que j’avais le sentiment qu’il participerait », racontera son frère Oussama à Al-Watan Sport. Et c’est parti pour le show. Gabaski assume son rôle de dernier rempart lors de la séance de tirs au but en s’opposant à Éric Bailly. En quarts, au lendemain de son 33e anniversaire, il empêche Nayef Aguerd de donner l’avantage au Maroc en claquant la tête du Rennais à la 81e… mais se blesse aux adducteurs sur l’action. Obligé de sortir en prolongation, il tient sa place tant bien que mal jeudi pour la demie. Heureusement pour son pays, qui bascule dans l’euphorie grâce à ses parades sur les tirs au but de Harold Moukoudi et James Léa-Siliki. Grâce, aussi, à « la bouteille de la victoire », dixit le légendaire Essam El-Hadary, sur laquelle le héros avait collé des antisèches.
زجاجة الإنتصار الحمد الله ?? pic.twitter.com/otrV5pF1MP
— Essam El-Hadary (@ElHadary) February 4, 2022
Spécialité TAB, mention TB
Absent des listes d’Héctor Cúper pour la CAN 2017 et la Coupe du monde 2018, non retenu par Javier Aguirre pour la CAN 2019, Gabaski connaît ici sa première compétition majeure en sélection. Belle occasion de se faire un nom. Ou un surnom, comme bon nombre de ses compatriotes. « Lorsque j’étais entraîneur, je rêvais que (mes joueurs) deviennent des stars internationales et je voulais les encourager à travailler dur en imitant des joueurs célèbres, expliquait Badr Ragab à l’AFP. J’ai donné à Karim Walid le surnom de « Nedvěd » car il ressemblait à Pavel Nedvěd de la Juventus, de même que Mahmoud Hassan, qui avait des traits de David Trezeguet de l’équipe de France. » Celui de Gabaski vient de Jesualdo Ferreira, son entraîneur en 2015 lors de son premier passage à Zamalek. Le Portugais galère à prononcer son nom, alors il se met à l’appeler Gabaski, en référence à un basketteur ibérique. Le gardien gardera l’appellation.
Ses performances au Cameroun le mettront en position de force à son retour en club pour la négociation de son contrat, lui qui sera bientôt libre. Surtout, elles n’ont fait que confirmer son statut de spécialiste des tirs au but. Gabaski a remporté chacune des six séances qu’il a disputées depuis le début de sa carrière à ENPPI, « le club du pétrole » . El Shorta (2011), El Mokawloon (2011) et Degla (2014) se sont tous pris un mur en Coupe d’Égypte, compétition que le portier a remportée à quatre reprises. En 2020, ses arrêts face à Mohamed Hany et Aliou Badji offrent la Supercoupe nationale à Zamalek aux dépens d’Al Ahly et de son concurrent El-Shenawy. En revanche, avant d’écœurer Ivoiriens et Camerounais, Gabaski n’avait encore jamais eu l’occasion de faire ses preuves dans cette configuration sous le maillot des Pharaons. S’il a débuté sous le maillot national le 3 septembre 2011 contre la Sierra Leone, le natif d’Asyut a attendu plus de dix ans avant d’honorer sa deuxième cape, le 30 septembre dernier, face au Liberia. La finale de dimanche marquera sa septième sélection. Une fois n’est pas coutume, El-Shenawy sera sur la touche, et Gabaski sur la pelouse. En espérant, une fois la rencontre achevée, pouvoir s’enlacer et savourer un moment d’éternité.
Par Quentin Ballue