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G.I. Gio : Mission Feyenoord
Giovanni van Bronckhorst, quarante ans et entraîneur novice, a été nommé à la tête du Feyenoord en mai dernier. S'il a pu se faire la main sur quelques matchs l'année dernière, il entre définitivement dans l'arène cette saison. Un choix qui prouve que le club rotterdamois veut conjuguer le succès au futur grâce à sa jeunesse et jouer avec les mêmes arguments que ses rivaux du PSV et de l'Ajax.
Giovanni van Bronckhorst est un enfant de Rotterdam, un vrai. Au point d’être le héros d’une vidéo complètement folle en janvier 2013 destinée à soutenir le zoo Blijdorp, élément indissociable du paysage rotterdamois en proie à des difficultés financières. Près de deux ans plus tard, c’est un autre animal en danger et symbole de la ville que « Gio » va tenter de secourir : le Feyenoord. Attention, les joueurs de la Trot van Zuid ne sont pas aux portes de la relégation comme ils l’avaient été longtemps lors de la saison 2010-2011. Mais ils ne seraient pas contre renouer avec le lustre qui étaient le leur il y a maintenant bien longtemps : huit ans que le club n’a plus conquis un titre, depuis une Coupe des Pays-Bas remportée le 27 avril 2008 face à Roda JC. Pis, le dernier titre en Eredivisie du Feyenoord date du… XXe siècle, lors de la saison 1998-99. Forcément, du côté du Kuip, on commence à trouver le temps long. Or, c’est maintenant ou jamais pour le club rotterdamois. En Eredivisie, les cartes semblent pour la première fois véritablement redistribuées avec un effectif du PSV bientôt décimé, un Ajax plus aussi performant que les saisons précédentes et des outsiders (AZ Alkmaar, Vitesse, voire Heerenveen) capables de faire vaciller le big 3 néerlandais. Le Feyenoord en sait quelque chose, dépossédé en mai par l’AZ de la troisième place directement qualificative pour la Ligue Europa dans les derniers mètres de la saison. Et cette saison sera l’occasion pour Giovanni van Bronckhorst de montrer ce qu’il a dans le ventre en tant que coach après une carrière à bouffer de la craie et à envoyer des chiches incroyables.
Un baptême du feu casse-gueule
À dire vrai, le football néerlandais a déjà eu un aperçu de l’ancien joueur d’Arsenal et Barcelone sur un banc de touche. Comme assistant, d’abord. Après une courte pige comme bras droit de Cor Pot, alors à la tête des Oranje U21, GvB est revenu sur ses terres pour continuer à apprendre le football, aux côtés de Ronald Koeman cette fois-ci. Pendant deux saisons, il assiste l’actuel entraîneur de Southampton avant que Fred Rutten ne prenne sa place l’année dernière. Incapable de s’entendre avec ses dirigeants et redresser la barre, il était prévu de longue date que Rutten quitterait le navire rouge et blanc en fin de saison.
Mais une énième défaite face à PEC Zwolle a précipité la nomination de Van Bronckhorst à la tête de Feyenoord… au moment où l’équipe s’apprêtait à affronter Heerenveen en barrages d’accession à la Ligue Europa en mai dernier. À quitte ou double : soit le club rotterdamois profite du fameux « choc psychologique » inhérent à un changement d’entraîneur, soit une qualification européenne lui échappe alors qu’elle était largement à sa portée quelques semaines auparavant. Avec un effectif qui n’a plus gagné depuis cinq matchs et qui n’attend plus que la trêve, GVB ne fait pas de miracles : défaite 1-0 à l’aller, nul 2-2 au retour. À très court terme, ce n’est pas forcément dramatique pour le Feyenoord qui se passera d’Europe et jettera toutes ses forces dans le championnat. Surtout, le président Dick van Well sait que la nomination de l’ancien défenseur batave est un investissement sur l’avenir si l’essai est concluant.
Le rafraîchissant Van Bronckhorst
Depuis plusieurs années, les équipes d’Eredivisie ont pris l’habitude de promouvoir des entraîneurs à l’expérience professionnelle toute relative, mais dont le passé glorieux et les idées en matière de football plaident pour eux. C’est le cas de Frank de Boer à l’Ajax depuis 2011 (quatre championnats d’affilée), de Phillip Cocu au PSV depuis 2013 (champion cette année) et de Peter Bosz au Vitesse depuis 2013 également, voire Erwin van de Looi qui vient de rapporter au FC Groningue le premier titre de son histoire après seulement deux années passées comme entraîneur. Le Feyenoord, avec Koeman et Rutten, ressemblait à un club passéiste plus tenté par l’expérience que par la jeunesse. Or, la jeunesse, c’est ce qui attend le Feyenoord pour de longues années encore.
Le club rotterdamois a été élu meilleur centre de formation des Pays-Bas entre 2010 et 2014, seulement détrôné cette année par l’AZ. Ça tombe bien, GVB a décidé de rajeunir considérablement l’effectif rouge et blanc, déjà bien décimé au sortir de la Coupe du monde l’été dernier avec les pas forcément remplacés Janmaat, De Vrij, Martins Indi et Pellè. Exit donc les défenseurs vieillissants Mathijssen et Boulahrouz, laissés libres en juin. En lieu et place, « Gio » a d’ores et déjà intégré à la préparation du groupe les minots Jari Schuurman et Stef Gronsveld, dix-neuf ans tous deux, ainsi que les récents majeurs Bart Nieuwkoop, Kamil Miazek et Calvin Verdonk. Sans oublier le retour de prêt du FC Eindhoven de Joey Sleegers, vingt ans, qui espère bien se faire une place en équipe première.
Kuyt, Wouters, Vejinov : un GvB qui sait s’entourer
Pour autant, Van Bronckhorst ne fait pas dans le jeunisme aveuglément. D’une part, il vient d’abandonner la piste John Guidetti, qui avait pourtant fait ses preuves il y a deux ans en plantant 20 buts en 23 matchs pour les Rouge et Blanc. La gourmandise du meilleur ennemi de Kurzawa, ainsi qu’une certaine tendance à avoir la tête qui enfle, auraient joué en sa défaveur. D’autre part, l’une des premières signatures du Feyenoord fut celle de Dirk Kuyt, trente-quatre piges, revenu dans un club qu’il avait quitté il y a neuf ans, dans le but d’encadrer la jeune garde. Expérience toujours, GVB s’est doté d’un adjoint au CV trois étoiles pour l’aider dans sa tâche : Jan Wouters, ancien assistant de McLeish aux Rangers entre 2001 et 2006, puis entraîneur du FC Utrecht entre 2011 et 2014. Si l’on ajoute Jean-Paul van Gastel, présent au sein des équipes de jeunes du Feyenoord depuis 2005, le trio est paré pour affronter l’Eredivisie saison 2015-2016.
Une inconnue demeure : la présence de Jordy Clasie dans l’effectif, que l’on annonce à Fenerbahçe ou la Lazio. Partira, partira pas ? De toute façon, GVB a déjà signé son remplaçant : le Néerlando-Serbe Marko Vejinović, auteur d’une saison pleine au Vitesse (35 matchs, 12 buts). Avant, peut-être, de récupérer le meneur du BF Häcken Simon Gustafson. En attendant, GvB se prépare. Et prévenait en conférence de presse cette semaine : « Je peux naturellement rêver d’un jeu à la hollandaise avec des ailiers. Il y aura forcément un moment où je modifierais le jeu pour que l’on se crée plus d’occasions et batte l’adversaire. Mais je ne vais pas pour autant changer du tout au tout notre système. » Comprendre : le Feyenoord sera toujours une équipe chiante à jouer, notamment au Kuip. Promesse d’un homme qui était connu sur tous les terrains du monde entier pour « jouer 90 minutes, si ce n’est plus, mais jamais moins » . En mai dernier, et malgré un premier échec dans sa carrière d’entraîneur, Van Bronckhorst se montrait déjà confiant et ambitieux : « Avec un bon football, on peut remettre Feyenoord à nouveau sur la carte du football néerlandais. » Welcome to the jungle, Giovanni.
Par Matthieu Rostac, à Amsterdam