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Fumis à Nantes : Sala suffit !

Par Nicolas Kssis-Martov
4 minutes
Fumis à Nantes : Sala suffit !

La LFP a sanctionné le Football Club de Nantes pour l’usage de fumigènes lors de l’hommage à Emiliano Sala le 30 janvier dernier à La Beaujoire. Ce n’est ni une info du Gorafi ni une erreur du community manager de son compte Twitter. On est évidemment partagé entre consternation et effarement. Sauf que la Ligue s’en moque. On ne construit pas le foot pro avec des sentiments paraît-il...

Oui, bien sûr, la question des fumis reste l’un des principaux points d’achoppement qui bloquent tout progrès en ce qui concerne la gestion des supporters. Les ultras surtout y voient à juste titre un élément essentiel de leur culture et de leur capacité à animer les tribunes, un quasi-objet de culte. En face, les autorités, et surtout la LFP, refusent toute concession, que ce soit au nom de la sécurité – prétexte fallacieux ou facile à résoudre – ou du respect des règlements européens. Les termes du débat sont connus depuis longtemps. L’un des outils de pression pour pousser les clubs à faire le sale boulot est d’ailleurs l’usage des huis clos et des pénalités financières. Le décor est posé. Seulement, voilà, parfois, les larmes partent en fumée dans les stades, et elles n’ont pas de prix.

Le tiroir-caisse ne connaît pas la honte

Cependant, la sanction de la LFP concernant le magnifique hommage de la Tribune Loire à Emiliano Sala dévoile finalement encore un peu plus l’ampleur du fossé qui sépare la ligue, non seulement du monde des gradins, mais presque de tout ce qui peut relier le football à son environnement et plus globalement à la société. Les critiques sont fréquentes envers cette instance du foot pro qui la réduisent à un simple tiroir-caisse, qui récolte amendes et droits télé, sans même réfléchir à ce que peut représenter son produit phare : le ballon rond. Au-delà de la somme dont va devoir s’acquitter le FCN (16 500 euros) dont on aimerait savoir à quoi ou qui elle va bien servir, c’est surtout le mécanisme et l’automatisme qui interrogent et pour tout dire, souligne amèrement cette gigantesque aporie dans laquelle se fracasse aujourd’hui le foot moderne (osons pour une fois une expression si galvaudée).

Personne ne demande de statut d’exception ni de traitement de faveur. Néanmoins, il faut franchement s’être tenu loin des réseaux sociaux, de toute télé, n’avoir lu aucun article ni même suivi notre championnat depuis des années pour ne pas avoir saisi la raison de l’écho si fort et puissant de la disparation du joueur argentin. L’identification autour de ce drame ne s’est jamais résumée à la seule et triste nouvelle du décès d’Emilano Sala. Symbole, peut-être exagéré, mais sincère, d’un foot pro encore à dimension humaine, d’une Ligue 1 de proximité, d’un sport qui appartient encore un peu à ceux qui l’aiment autant qu’à ceux qui le paient, l’hommage et le choc qui ont entouré ce drame ne relevaient en rien du culte imbécile d’une star à crampons ou d’un réflexe grégaire ou chauvin. L’émotion était sincère, trop grande pour être insignifiante, elle renvoyait à la facette populaire d’un foot dont les héros ne sont pas forcément des ballons d’or ou des idoles. Le tifo et les fumis ne constituaient pas une provocation. Juste la seule et meilleure façon de témoigner de cette communion, vue des tribunes.

Or, la Ligue n’en a cure. Elle n’y songe même pas. Elle doit regarder ce remue-ménage comme on décrypte les courses de chars dans le Constantinople de l’empire byzantin. Administration, la LFP compte, enregistre, remplit des formulaires. Le foot n’est plus une culture qu’il faut savoir vendre – oui cela on l’avait bien compris, rien de plus normal dans le capitalisme occidental –, mais un centre commercial qu’il ne faut plus dégrader. Si dans ces instants rares où le foot sait être à sa place sans autre prétention, mais avec malgré tout le droit d’exister et de pleurer, la seule réponse et attitude « d’en haut » se conjugue avec une âme de comptable, on peut légitiment éprouver de la colère, voire du dégoût. Il faudrait arrêter de chanter les vertus du football, le lien social, etc. L’hypocrisie a ses limites. Les supporters nantais, le football au sens large et national ont su toucher le pays lors de cet instant grave. Sans abus ni excès. Dommage pour la LFP, ce type de plus-value sociale ne se calcule pas en euros.

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