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Frédéric Sammaritano : « Les joueurs n’avaient généralement pas envie de reprendre »
Clairement opposé à une reprise de la Ligue 1 depuis quelques jours, Frédéric Sammaritano s'accorde avec la décision prise mardi par le Premier ministre Édouard Philippe de stopper la saison 2019-2020. Soucieux des conséquences du coronavirus sur ses proches, le milieu offensif de 34 ans espère pouvoir rejouer au football quand les conditions sanitaires le permettront. Et pas certain que ce soit à Dijon.
Comment se passe ton confinement ?Ça devient un peu long… Au départ, ça faisait du bien, puisque ça nous permettait de nous reposer et de recharger les batteries. Mais c’est très vite devenu difficile. On a vu au fur et à mesure du temps le nombre de décès, et tout ce que ça engendrait. Mentalement, c’est devenu difficile.
Une journée type de Frédéric Sammaritano, ça ressemble à quoi ?J’ai deux semaines très différentes : une où je suis avec mes enfants et une autre où je suis avec ma copine.
Quand je suis avec les enfants, je n’ai pas besoin de mettre de réveil. (Rires.) Ensuite, on s’occupe comme on peut, on essaie de faire des jeux. Les devoirs prennent aussi beaucoup de temps, ce n’est vraiment pas évident. On a un petit jardin, donc on peut y faire de la trottinette électrique ou jouer au foot. J’ai même téléchargé Disney+ pour pouvoir regarder des dessins animés avec eux. Quand je suis avec ma copine, c’est différent. On ne met pas vraiment de réveil, on regarde des séries…
Comment ça se passe pour l’entretien physique ?Je vais courir quasiment tous les jours à un kilomètre de mon domicile comme c’est autorisé. Je fais aussi des circuits de renforcement puisque le club nous a donné des programmes. On essaie de rester en forme.
Tu parlais de tes enfants. Tu postes d’ailleurs pas mal de photos d’eux sur les réseaux sociaux. Ça tombe bien, l’une des questions majeures en ce moment concerne le retour en classe. Tu prévois de les remettre à l’école ?Mon choix n’est pas arrêté, mais à l’heure actuelle, je n’en ai pas envie. Leur maman peut faire du télétravail, et ma saison de foot est stoppée, donc nous pouvons nous en occuper. Honnêtement, je n’ai pas du tout envie de prendre de risques pour eux, mais aussi pour les autres enfants.
Tu as peur pour eux ?Complètement. D’ailleurs, aujourd’hui, on commence à parler de syndromes différents liés au coronavirus chez les enfants. C’est tout nouveau, donc peut-être une erreur, mais je me documente beaucoup là-dessus. Avec tous les morts qu’il y a eu, on se dit « Pourquoi pas nous ? » Ça n’arrive pas qu’aux autres.
On t’avait vu pousser un petit coup de gueule sur Twitter concernant les recommandations des médecins pour une reprise du championnat. On imagine que tu es satisfait depuis les annonces d’Edouard Philippe ? Je ne suis pas du genre à m’exprimer énormément sur Twitter ou à passer des coups de gueule, mais là, c’était une aberration de reprendre avec les protocoles qu’ils voulaient mettre en place. Le football est un sport de contact, avec des duels. Si c’est pour recommencer à s’entraîner un par un, chacun dans un coin du terrain, ça n’a aucun sens. Il s’agissait en plus de reprendre dans des stades vides, dans des conditions floues au niveau des déplacements, des hébergements… Ça n’avait aucun sens de reprendre dans ces conditions.
C’est insensé de proposer de telles inepties . Le football est un sport de contact . Si on ne peut pas être en contact , c’est simple on ne reprend pas ! Pensez aux victimes du #Covid_19 et à tous les soignants au contact de la maladie et vous trouverez vite les priorités ! https://t.co/85HlOQapvl
— Sammaritano Fred (@Sammaritano02) April 26, 2020
Qu’est-ce qui te dérangeait le plus dans toutes les mesures proposées ?
Déjà, je doute que l’on puisse tester tout le monde. Je ne vois pas pourquoi les footballeurs seraient privilégiés en ayant la chance d’être testés, quand d’autres ne peuvent pas l’être alors qu’ils en ont plus besoin. Je trouvais ça injuste. Ensuite, on a entendu qu’à partir de trois joueurs positifs dans un effectif, tout le groupe serait de nouveau en quarantaine. Ce sont des trucs qui dépassent la logique. Je joue au foot depuis que j’ai cinq ans et j’ai évidemment envie d’être sur les terrains. Mais pas à n’importe quel prix. Je ne voulais pas mettre en danger la santé d’autres gens à cause de nous.
Tu avais la crainte de reprendre ?Évidemment. Imaginons que j’attrape le coronavirus et que je le transmette à mes enfants… (Il réfléchit) Avant de penser à ma personne, je pense aux gens qui m’entourent. On voit que même des sportifs de haut niveau (il prend le cas du Montpelliérain Junior Sambia) dans la force de l’âge et avec une bonne hygiène de vie peuvent être atteints.
Tu as pu échanger sur le sujet avec différents joueurs de Ligue 1. Ton avis est majoritairement partagé ?Beaucoup d’avis diffèrent. Dans l’ensemble, les joueurs étaient plutôt d’avis de ne pas reprendre la saison. Encore une fois, le principal, c’est la santé. C’est-à-dire que dans tous les corps de métier, on va essayer de prendre des précautions qui permettent de travailler dans de bonnes conditions. Le football en revanche est un sport très particulier où nous sommes pertinemment en contact. Quel est l’intérêt de s’entraîner si c’est pour ne pas être en contact ?
Mais certains voulaient donc reprendre ?Oui. Certains en ont marre d’être chez eux. Ils ont envie de faire de l’exercice et de reprendre leur vie normale. Ils ne se sentent peut-être pas assez concernés par tout ce qui peut arriver… Ils se disent que ça ne peut pas leur tomber dessus puisqu’ils sont en bonne santé.
Dijon était 16e au soir de la 28e et dernière journée jouée. Quelle est la meilleure solution pour déterminer le classement final du championnat ? Ce n’est pas évident…
Je tiens à dire que mon avis d’arrêter la saison n’était pas conditionné par notre classement. En étant 19e ou 20e, j’aurais eu exactement le même discours. Je ne pense pas qu’une saison blanche soit la bonne solution, puisque 28 matchs ont été joués. Je suis favorable à ce qu’il y ait des descentes et des montées. Le système de barrages me semble compliqué… Donc il me paraîtrait juste qu’il y ait deux montées et deux descentes. Cela n’engage que moi.
Tu as 34 ans et tu es en fin de contrat cet été. Le coronavirus te fait peur pour la suite, dans l’optique d’une prolongation ou de la recherche d’un nouveau challenge ?Sur le plan purement sportif, cela aurait certainement été mieux pour moi que la saison se poursuive… Je jouais et je me sentais bien au moment où ça s’est arrêté. Je me retrouve aujourd’hui en fin de contrat, mais ma priorité n’est pas de penser à ça. Après, c’est sûr qu’il faut y réfléchir. J’ai envie de continuer de jouer, donc j’attends le retour des dirigeants dijonnais. Mon souhait est de rester ici. Mais si nous n’arrivons pas à trouver une issue favorable, j’irai essayer de trouver un contrat ailleurs pour poursuivre encore un ou deux ans. Je veux finir en prenant du plaisir. Ce ne sera évidemment pas facile, puisque beaucoup de joueurs sont en fin de contrat. Il y aura beaucoup de demandes, et les clubs vont certainement être restreints financièrement… Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais encore une fois, la priorité n’est pas là aujourd’hui.
On ne sait pas du tout quand le foot reprendra. Tu t’es déjà dit que tu avais peut-être déjà joué le dernier match de ta carrière ?Honnêtement non. Je me suis dit que j’avais peut-être joué mon dernier match sous le maillot du DFCO. Ça me laisserait un goût assez amer, car je suis au club depuis cinq ans. J’y ai vécu des grands moments et j’y suis très attaché. Je serais très déçu si l’aventure se finissait ainsi. Mais effectivement, j’ai peut-être joué mon dernier match en carrière…
Propos recueillis par Félix Barbé