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Frédéric Brillant : « Il y a pas mal de show autour de la MLS »
Alors que la plupart des championnats européens ont effectué leur rentrée des classes, la MLS, elle, bat son plein. Arrivé en janvier dernier au New York City FC, Frédéric Brillant savoure pleinement cette expérience américaine. Une réussite autant qu’une revanche personnelle pour le défenseur français dont la carrière a été émaillée de quelques mésaventures.
Voilà bientôt huit mois que tu as posé tes bagages aux États-Unis et débuté ton « American Dream » . Alors, heureux ? Je prends vraiment un maximum de plaisir ici. C’est totalement différent, cela n’a rien à voir avec ce que j’ai pu connaître auparavant. Et cela concerne tout. Que ce soit la vie ici, la ville de New York, le football. Tout est différent, l’approche du football notamment. Mais je kiffe pas mal et on essaye de profiter au maximum de chaque instant.
À trente et un ans, vis-tu cette expérience comme la plus belle opportunité de ta carrière ?Comme je dis souvent, j’avance sans me poser trop de questions. Je ne sais pas si c’est ma dernière grosse expérience, mais je prends un maximum de plaisir ici. Je me dis qu’on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve, donc je profite. Je donne le meilleur de moi-même et j’avance. Comme je l’ai toujours fait.
Quelles ont été tes premières impressions quant au niveau de la MLS ?Ça reste un championnat en plein développement. Notre équipe, par exemple, est en pleine construction et n’est pas vieille du tout. Elle va avoir trois ans maintenant. En Europe, tout le monde pense que le niveau du championnat est faible ici, que c’est pour les retraités parce qu’il y a pas mal de joueurs âgés qui viennent.
Mais il faut se faire une autre image de la MLS parce que ça joue vraiment de mieux en mieux. Je dirais même que ça joue pas mal, il y a de très bonnes équipes. La MLS commence à prendre beaucoup d’ampleur. Et je pense que dans les années futures, on en parlera encore plus. Il y a beaucoup d’efforts qui ont été faits pour ce championnat. Ce qui m’a frappé aussi, c’est qu’il y a beaucoup de show. Avant chaque match, il y a l’hymne national américain. Ce n’est pas quelque chose que j’avais connu en Belgique par exemple, je ne me rappelle pas avoir écouté la Brabançonne avant une rencontre… (rires) Parfois, on peut même voir des feux d’artifices. Il y a pas mal de show autour des matchs et de monde dans les stades qui sont d’ailleurs très beaux.
Tu évoques l’hymne américain. Ce sentiment patriotique viscéral des Américains, tu le ressens au quotidien ?Complètement. Là où j’habite, par exemple, je n’ai qu’à regarder par ma fenêtre pour voir des drapeaux un peu partout. C’est clair que ça change de la Belgique ou de la France. Quand l’hymne national retentit, on doit tous se tourner vers le drapeau américain. Je trouve ça sympa comme approche.
Au New York City, tu évolues avec un autre Français que tu as connu à Beerschot, Maxime Chanot, mais surtout au milieu de stars telles que Lampard, Pirlo ou encore David Villa. Qu’est-ce qui t’a frappé d’entrée après avoir effectué tes premiers entraînements avec eux ?
Au départ, forcément, on a une autre approche avec ces joueurs-là. Je me souviens de cette fois où je regardais la Coupe du monde en famille et il y avait Andrea qui jouait. Jamais, à ce moment-là, je me serais dit que je jouerais avec lui un jour à l’âge que j’avais. Mais ça reste des personnes très simples. Ce qui m’a le plus surpris quand je suis arrivé ici, c’est de voir leur générosité dans l’effort. Malgré ce qu’ils ont connu avant et tout ce qu’ils ont gagné, ils sont toujours à travailler, à essayer de faire progresser les autres. C’est vraiment ça qui m’a le plus marqué. David Villa, c’est pareil. C’est quelqu’un de très généreux, qui bouge beaucoup et il a une finition incroyable. On sent tout de suite que c’est le genre de joueur qui a évolué à un certain niveau. Il trouve des angles de frappes… Des choses qu’on ne peut même pas imaginer. C’est toujours plus simple de jouer avec des joueurs aussi forts techniquement.
Ton coach n’est pas non plus n’importe qui, puisque c’est Patrick Vieira. Pour ses premiers pas comme manager d’une équipe première, comment décrirais-tu sa philosophie et son management ?Il est arrivé avec tout son staff après avoir coaché les jeunes de Manchester City. Lui aussi, c’est quelqu’un de très simple. Il travaille énormément la tactique. Quand il a une idée derrière la tête, il a du mal à la changer. Parce qu’au début du championnat, on a eu pas mal de difficultés. Mais il a gardé sa tactique et sa façon de faire. On a bossé là-dessus et maintenant ça fonctionne. Il travaille beaucoup et je crois que, tactiquement, il est plutôt bien calé. L’équipe joue en 4-1-2-3. Il a ses idées en tête et il veut créer quelque chose avec ça. Ça marche plutôt bien puisqu’on est en tête de notre Conférence.
Vous êtes leaders de la conférence Est, mais également une équipe paradoxale (interview réalisée le 17 août, ndlr). Parce que si vous vous présentez comme l’équipe la plus prolifique (43 buts inscrits), vous affichez également l’une des pires défenses (43 pions encaissés)… On est amenés à se créer beaucoup d’occasions et on laisse de temps en temps des brèches. Pour un défenseur, c’est vrai que ça fait mal. On essaye toujours d’être la meilleure défense du championnat. Donc savoir qu’on a encaissé autant de buts, ça ne fait pas plaisir. On est une équipe qui joue vraiment au ballon, pas une équipe qui rentre dedans ou va au charbon. Et de temps en temps, ça nous met en difficulté. On a fait quelques clean sheets, mais aussi pris quelques revers, notamment contre les Red Bulls à domicile (0-7, 21 mai 2016, ndlr). On avait pris la plupart des buts sur coups de pied arrêtés, on a eu quelques défaillances dans ce domaine. Maintenant, on a plus de taille. Maxime est arrivé, on est plus solides. Comme dit le coach, l’important est d’être en haut. Pour l’instant, on y est…
À titre personnel, tu as d’ailleurs rencontré des difficultés à ton arrivée. Tu as notamment assuré avoir disputé le pire match de ta carrière face à Chicago Fire lors de la première journée de MLS (3-4, 6 mars 2016)… C’est toujours difficile. J’ai vraiment disputé deux matchs catastrophiques cette saison. Contre les New York Red Bulls et Chicago.
Contre Chicago, c’était lors de la première journée. Quand j’étais arrivé ici, j’avais un petit coup de bambou. J’ai eu un gros coup de fatigue, j’avais pas mal de choses à gérer dont le déménagement. Je pense que je n’étais pas prêt, pas prêt du tout. Je n’aurais pas dû jouer et j’ai complètement chié ce match-là. Après cela, ça a été dur de se relever, car c’est la première image qu’on donne au public et à nos supporters. Quand tu arrives dans un nouveau championnat et que tu rates ton premier match, ce n’est pas évident… Mais j’ai relevé la tête et je pense qu’ils sont désormais contents de moi. (Frédéric a joué 23 matchs de MLS en tant que titulaire et les a tous disputés dans leur intégralité, ndlr.)
En dehors des terrains, est-ce que tu t’es bien adapté à la vie très rythmée new-yorkaise ?Oui, ça a été. C’est vrai que ça change pas mal de la Belgique où on vivait dans un coin très tranquille. C’est différent, mais on apprécie tout autant avec ma famille. On est à White Plains qui est tout près du centre d’entraînement du club. On a fait le choix de ne pas aller à Manhattan où il y a beaucoup plus de monde. Là, c’est un peu plus calme. Ma femme est enceinte et attend une deuxième fille. On s’est bien acclimatés à tous les changements, notamment en ce qui concerne la nourriture et la façon de vivre ici. Tout est payant par exemple ! Ça, c’est vraiment les États-Unis. Quand j’avais des jours de libre, on a vraiment essayé de profiter pour aller visiter un peu. Comme il y a tellement de choses à faire, on a essayé de voir le maximum de choses. On est allés voir la statue de la Liberté et tout ce qu’il y a à voir ici. La grossesse de ma femme arrive à son terme, donc ça va devenir plus compliqué là en revanche. (Sourire)
Ce nouveau décor ne t’a pas trop dépaysé par rapport à ce que tu as connu dans les Ardennes, là où tu as débuté avec Sedan ?C’est clair que c’est tout autre chose. Ça n’a rien à voir, c’est un autre monde. Mais on y vit bien quand même hein ! (Rires) Je garde de bons souvenirs de Sedan. Je suis resté là-bas de mes six ans jusqu’à mes dix-neuf ans. C’était sympa, j’étais proche de la famille et je jouais avec de nombreux amis. J’ai toujours été surclassé et capitaine. Là-bas, j’ai notamment côtoyé des joueurs comme Amalfitano, Chris Samba qui ont fait des belles carrières. Ça reste de belles années, car on était jeunes, insouciants, on ne se posait pas de questions. C’était que du plaisir. Cela s’est toujours bien passé, sauf le revers que j’ai connu à la fin… Je devais signer pro, mais il y a eu des choses qui ont été faites dans mon dos et je me suis finalement retrouvé sans rien. C’est difficile quand on est jeune. Mais j’ai continué de travailler et je m’en suis quand même pas trop mal sorti.
Ça reste un regret pour toi de ne pas avoir réussi à se hisser jusqu’en équipe professionnelle ?
À la fin, je m’entraînais avec eux. J’avais dix-neuf ans. Il y avait une date prévue pour que je signe mon contrat professionnel. Mais finalement, ce jour-là, on m’a dit que ce n’était plus possible parce qu’il y avait trop de joueurs de retour de prêt. Ça a été un sacré coup sur la tête. C’était difficile de se relever après ça, car cela a été mal fait. Si on m’avait dit dès le départ que je ne devais pas signer, je l’aurais accepté. Mais le fait qu’on fixe une date pour la signature et qu’on te dit que ce n’est plus possible, c’est dur à encaisser. Ça reste un regret, car Sedan est un club que j’apprécie et qui m’a formé. Cet épisode a forgé mon caractère et fait ce que je suis à l’heure actuelle. C’est comme ça, c’est le destin.
Après Sedan, tu as connu une période de flottement où tu as effectué plusieurs essais en National avant d’arrêter le foot pour reprendre tes études et passer ton brevet d’éducateur sportif…J’avais fait des essais concluants avec les équipes de National, mais je voulais viser plus haut. J’estimais que je pouvais aller plus haut. Mais je me suis finalement retrouvé sans rien parce que j’ai refusé les offres. Puis je me suis donc dit : « Tant pis, le foot c’est terminé. » C’est pourquoi j’ai repris mes études, je voulais en quelque sorte assurer mes arrières. J’ai fait aussi d’autres boulots pour gagner mon pain. C’était une grosse déception pour moi. Je suis allé ensuite à Bertrix, en quatrième division belge. Le président du club, qui connaissait ma situation, était venu toquer à ma porte et avait rencontré mes parents. Ça s’est fait comme ça. Je me suis entraîné avec eux et j’ai pris du plaisir. Ça n’a pas été facile au départ, car c’est totalement différent du monde professionnel.
Au club de Bertrix pour lequel tu as évolué entre 2008 et 2011, tout n’a pas été simple non plus. Au terme de ton premier exercice, tu es sur le point de t’engager avec Liège, mais ça ne se fait pas. Du coup, tu te retrouves obligé d’enchaîner les petits boulots…J’avais eu des contacts avec des clubs de seconde division belge, notamment Liège. J’avais aussi retrouvé un emploi et j’étais commercial à Intersport.
Ma femme, elle, travaillait aussi à Sedan. Je lui avais dit qu’on allait se préparer pour aller à Liège. Une semaine avant de partir, je donne ma démission à Intersport, mais le club m’appelle pour me dire qu’il arrête tout. Je croyais que c’était un ami qui me faisait une blague, donc j’ai rigolé au téléphone. Sauf que c’était vrai. Il y a eu apparemment des problèmes d’argent entre les deux clubs. Et moi, finalement, je me suis retrouvé une fois de plus sans rien. Sans club. Sans boulot. Avec ma femme, on avait également donné le préavis de départ de notre appartement… C’est clair que ce n’était pas une situation simple. Là, je me suis dit que j’étais bien à Bertrix dans un club de copains où on gagne des matchs et prend du bon temps. Il a fallu que je retrouve un emploi, ce qui était loin d’être simple. Mais Bertrix a accepté de me reprendre. Durant mon passage là-bas, je recevais chaque année des offres de D2. Je refusais parce que je ne voulais pas revivre ma mésaventure précédente. J’étais clairement dégoûté de ça.
Tu as ensuite étiré ton expérience en Belgique jusqu’en janvier 2016 avec des passages à Oostende et Beerschot en Jupiler Pro League. Que retiens-tu de ces années ?Je me suis dit que la vie était courte, donc j’ai finalement tenté ma chance à Oostende, en D2. On a tenté l’expérience avec ma femme. On touchait beaucoup moins d’argent. Au bout de six mois là-bas, j’ai eu des contacts avec des clubs de première division. Le pari a fonctionné et c’est ce qui fait que je suis allé après à Beesrchot. Mais, là encore, il y a une sacrée histoire. Le club a fait faillite au bout de six mois. Ça se passait pourtant bien pour moi, je jouais chaque match. Tout le monde me disait que j’avais les qualités pour évoluer en première division, même à Bertrix déjà. Dès que j’ai mis le pied à l’étrier et que j’ai eu l’occasion de me montrer, cela a été beaucoup plus simple pour moi. La Belgique, c’est petit et tu peux rapidement te faire un nom. Ça reste des expériences enrichissantes.
Il y a quelques années, tu as brutalement perdu ton père et révélé que cela avait en quelque sorte constitué un déclic dans ta vie. Dans ton parcours de footballeur, comment dirais-tu que cela s’est traduit ?Le déclic a été simple. C’est quand j’étais en Belgique et que je recevais des offres. Comme j’avais déjà eu deux revers, je les refusais. Je n’allais pas prendre un nouveau risque pour rien. On était bien dans notre petite ville avec ma femme. Mais après le décès de mon père, je me suis dit que la vie était courte. Je ne voulais pas avoir des regrets toute ma vie. J’avais des collègues qui évoluaient en première et seconde division. Je souhaitais moi aussi tenter ma chance. Mon père ne suivait pas particulièrement ma carrière. J’ai toujours avancé seul, mais avec le soutien de ma famille. Ils n’ont jamais interféré dans mes choix.
Propos recueillis par Romain Duchâteau