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Frédéric Antonetti, mon sorcier bien-aimé
À l'entendre, Frédéric Antonetti ne serait pas apprécié. L'entraîneur du FC Metz a donné une conférence de presse animée, vendredi soir après le 0-0 contre Lille, match au cours duquel il a reçu un carton rouge pour s'être chauffé avec Sylvain Armand. Avec le Corse, la forme n'y est pas tout le temps. Mais contrairement à ce qu'il a pu dire au stade Pierre-Mauroy, il n'est pas le mal-aimé décrit par Claude François. Mieux que ça : on peut dire qu'Antonetti est apprécié et, à quelques coups de sang près, qu'il fait du bien à la Ligue 1.
Les volcans en activité sur le territoire français se comptent sur les doigts d’une main. En outre-mer, la Soufrière, la montagne Pelée et le Piton de la Fournaise. En métropole, le vulcanu de Venzolasca, plus connu sous le nom de Frédéric Antonetti. On ne compte plus le nombre de fois où le Corse est entré en éruption, dans un vacarme parfois assourdissant. Certains s’y sont brûlé les doigts. Dernier en date : le coordinateur sportif lillois Sylvain Armand, avec qui il s’est fritté vendredi. S’en est suivi un coup de gueule 100% « antonettesque » en conférence de presse : « Il y a une échauffourée derrière moi, et je ne dois rien dire. Je dois rester calme, je dois faire le beauf de service parce que vous n’aimez que ça. Vous aimez les entraîneurs BCBG, vous les adorez. Je ne suis pas un BCBG, je ne le serai jamais. Jusqu’à la fin. Je ne suis pas bon chic bon genre. Quand on m’agresse, je réponds. Vous n’aimez que les BCBG en France. Vous n’aimez pas les gars qui ont un peu de tempérament. Je le sais, je ne suis pas aimé, ce n’est pas grave. » Vraiment ?
Et alors, mais qu’est-ce que ça te fait ?
Il faut de tout pour faire un monde. De l’eau, mais aussi du feu. Dire qu’Antonetti se rapporte plutôt au second est un euphémisme. Quand le Corse a quelque chose à dire, il ne s’en prive pas. Quitte à passer pour le râleur de service. « À Lyon, il faut savoir qu’il y a une pression terrible sur tout le monde. C’est l’endroit où je me suis fait le plus voler en 30 ans, lâchait-il en décembre dernier après un nul en terres lyonnaises (1-1). Il nous manque des points, par notre faute par moments, et nous travaillons pour essayer de corriger cela, et il nous manque des points à cause de ce football circus qui est insupportable. Si cela avait été de l’autre côté, on aurait tout entendu pendant une semaine. Ce n’est pas juste, mais rien n’est juste en football. C’est dommage, car c’est un très beau sport. »
Personne n’échappe aux coulées de lave, pas même ses propres joueurs. « Il aimait gueuler, et ça partait un peu dans tous les sens », témoignait dans nos colonnes Florent Balmont. Marama Vahirua, lui non plus, n’a pas oublié la soufflante poussée par son coach au Moustoir un jour de mars 2007 : « Tu te fous de la gueule de qui, là ? On est où là, Marama ? Faut bloquer les côtés ! Maintenant, ça suffit. J’en ai plein le cul ! » De rage, le Tahitien quittera la pelouse en jetant son maillot aux pieds de son coach, après un dernier « Regarde-moi ce merdeux ! » de son entraîneur. Parfois, ça dérape, comme quand il envoie des « ferme ta gueule » ou des « espèce de con » en pleine figure de supporters situés juste devant lui. Son empoignade avec Sylvain Armand sera sans doute sanctionnée, et c’est totalement justifié. Rien ne saurait justifier un tel comportement. Pour le reste, des entraîneurs aux tempéraments différents, c’est un championnat plus vivant, moins monotone et monocorde. Antonetti n’est pas parfait, mais personne ne l’est, et il fait aujourd’hui figure d’OVNI dans un football français dont l’immense majorité des acteurs pèse le moindre mot. Tant mieux.
7 – Il y a eu 7 cartons rouges reçus par des entraîneurs en Ligue 1 cette saison, dont 3 à l’encontre de celui de Metz Frédéric Antonetti (v Reims en août, v Paris en septembre et v Lille ce soir). Tempête. #LOSCFCM pic.twitter.com/Pcev406Mqq
— OptaJean (@OptaJean) February 18, 2022
Sanguin, mais humain
Lors de sa présentation à Lille en 2016, Anto’ avait évoqué sa façon d’entraîner : « Je manage avec passion. Parfois, ma passion m’a fait faire des excès. J’espère qu’avec l’âge ça disparaîtra, mais il ne faut pas rêver non plus. » Chassez le naturel, il revient au galop. « J’ai 60 ans, je n’ai pas envie qu’on me parle mal, rejouait l’entraîneur messin vendredi. La surface, elle m’appartient pendant le match. Est-ce que le président de Lille et le coordinateur sportif doivent être là à la 85e minute ? Je sais que j’ai raison sur le fond. Le reste, je m’en fous. » Le franc-parler d’un homme sincère et passionné, qui vit le football à fond. La méthode a fait quelques pots cassés, mais elle s’est avérée efficace sur la durée.
Le Corse s’est imposé comme un personnage incontournable dans le paysage footballistique français depuis les années 1990. Ce qui l’a mené à deux titres de champion de France de Ligue 2, avec Saint-Étienne (2004) et Metz (2019), une Coupe Intertoto avec Bastia (1997), et quatre finales de Coupe de la Ligue. Bastia (1995), Nice (2006), Rennes (2013) et Lille (2016) ont tous été au Stade de France grâce à lui. Antonetti affiche 603 matchs de Ligue 1 au compteur. Devant lui, seuls Guy Roux (895 rencontres), Kader Firoud (782), Albert Batteux (658), José Arribas (654) et Claude Puel (652). « Je suis content de mon parcours et je suis content d’avoir duré. Ce n’est pas simple dans ce métier-là, confiait-il récemment à Europe 1. Je dois avoir quelques qualités pour avoir duré aussi longtemps. » Et du caractère. Parfois trop, mais on ne refera pas Anto’. Il ne sera jamais BCBG, et alors ? Il faut de temps en temps taper dans la fourmilière, et le Corse n’hésite pas à le faire. Ça ne plaît pas forcément à tout le monde. Mais si l’on parle autant de la Ligue des talents, c’est aussi en partie pour les hommes qui la font vivre depuis le banc.
Par Quentin Ballue