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« Pour Lucas, le foot, c’est une communion »

Propos recueillis par Timothé Crépin
8 minutes

Appelé pour la première fois en équipe de France, Lucas Chevalier reçoit là une récompense logique d’un début de saison très consistant avec le LOSC. De là à parler d’une consécration pour Freddy son papa ? Pas franchement. Plutôt le résultat d’un état d’esprit.

«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Pour Lucas, le foot, c’est une communion<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Lucas Chevalier, votre fils, est appelé en équipe de France. Quand on vous dit ça, vous répondez quoi ?

On s’y attendait, quand même. On va dire qu’il n’y a pas de surprise. Vu ses prestations, ça nous renforçait dans le fait que ça allait arriver forcément. On est contents. Franchement, je vous parlerai différemment si un jour il est titulaire (en équipe de France). Mais, là, c’est une étape très importante. Il va devoir se fondre dans le groupe et apporter sa pierre à l’édifice. Aider l’équipe dans ce qu’il pourra faire aux séances d’entraînement, pousser le niveau des gardiens. Et si ça permet à tout le monde d’être encore plus performant…

Est-ce qu’on se dit : « Enfin » ?

Même pas. Il est jeune. La préoccupation, c’est surtout d’être performant en club. L’équipe de France, c’est le résultat du travail bien fait. Il avait fait une superbe prestation face au Real Madrid. Il fallait confirmer face à l’Atlético de Madrid et la Juventus. Sur ce niveau international, il a confirmé. Cette sélection, c’est un peu la suite logique des choses. Et c’est bien que ça arrive là. Il le mérite.

Il a eu 23 ans mercredi. C’est un beau cadeau…

Super cadeau ! Il l’espérait. Ça fait quelque temps qu’il aurait voulu être appelé. Mais pour lui, à mon avis, c’est son plus beau cadeau.

C’est un impatient, votre fils ?

Il a toujours été très impatient. Ces six derniers mois, il l’est un peu moins, avec un peu de maturité en plus, peut-être. Il commence à voir les choses un peu différemment. Je pense que ses performances l’aident à être plus tranquille. Cette année, c’est un peu charnière. Il découvre la Ligue des champions. On en avait parlé : « Ça va changer ton rythme de vie, tu vas jouer tous les trois jours. Les matchs de C1, en matière d’intensité, de pressions psychologique et physique, c’est d’un autre niveau… » Au départ, quand il n’a pas été sélectionné (en octobre 2024), je lui ai dit : « Tu sais, c’est peut-être pas plus mal. Ça te permet de souffler, de sortir de ce contexte de pression permanente. » Et j’avais ajouté : « Si tu renouvelles ces performances, tu vas y aller… »

On a l’impression qu’il joue à haut niveau depuis dix ans, alors que c’est sa troisième saison en Ligue 1.

Freddy Chevalier

Vous parliez d’année charnière. Diriez-vous qu’il s’est mis la pression en se disant : « C’est cette saison que je dois prouver » ?

Ça n’a jamais été son discours, ni le nôtre. Lucas est très déterminé depuis tout petit. Dans tout ce qu’il fait, c’est un travailleur. Il se concentre pour garder cette détermination, d’avoir l’envie de progresser… Je pense qu’il prend même du plaisir à jouer des matchs avec pression. Il a une grosse confiance en ses capacités de gardien. Au niveau technique, athlétique, il estime qu’il a un très bon niveau. Mais il sait aussi que pour être un très grand gardien, ça ne suffit pas.

Quand vous voyez la parade incroyable face à Dušan Vlahović mardi dernier face à la Juventus

Je vais vous paraître bizarre, mais c’est le genre d’arrêts où je n’ai aucun doute sur sa capacité à faire ça. C’est peut-être son point le plus fort. Jeune, tout le monde s’extasiait car il avait cette capacité de réactivité et de vitesse. Une explosivité un peu hors normes. Quand il jouait au foot à 8, il était petit, mais allait vous chercher les ballons dans la lucarne. Et il obtenait le titre de meilleur gardien du tournoi pour cet arrêt car personne n’était capable de ça. Mais pour en revenir à la Juventus, oui, c’est un arrêt de très grande qualité. Le temps de réaction est tellement rapide qu’il faut que le cerveau soit connecté. Il a ce temps d’avance aussi car, à la base, il est bien placé. Au moment du centre, il fait les petits pas qu’il faut pour se mettre dans la meilleure position pour intervenir. L’arrêt est extraordinaire, mais c’est grâce à ces petits pas. S’il est 80 centimètres plus à droite, il ne peut pas l’avoir.

Sur quel point vous impressionne-t-il le plus sur le terrain ?

Cette sérénité, cette tranquillité qu’il a. Son attitude corporelle est quand même très bonne. Il est à la fois dynamique et à la fois tranquille. Il sait imprimer un rythme et sait calmer. On a l’impression qu’il joue à haut niveau depuis dix ans, alors que c’est sa troisième saison en Ligue 1. Ça me laisse penser qu’il se sent bien sur le terrain. Il travaille avec un préparateur mental, qui a dû l’aider dans l’appréhension des événements. Il le voit moins ces derniers temps. Mais il voulait travailler avec non parce qu’il ne se sentait pas bien, mais pour se sentir encore mieux. Comme il a envie de toujours progresser, il a compris que l’aspect mental est fondamental. Donc s’il pouvait avoir des pistes pour améliorer cette fraîcheur mentale… Il a aussi à gérer la pression, les matchs… Contrairement à ce qu’on croit, oui, un gardien n’est pas forcément fatigué physiquement comme un joueur de champ, mais, mentalement, s’il est concentré tout le match, à la fin, il est très fatigué.

Vous pouvez aller chez lui à n’importe quelle heure, je peux vous dire que la maison est impeccable. Avant d’aller se coucher, il passe l’aspirateur.

Freddy Chevalier

Vous parliez d’attitude corporelle : quand on le regarde sur le terrain, à célébrer, ou face aux journalistes en zone mixte avec une certaine décontraction, on a l’impression qu’il croque dans ce qui lui arrive.

Je pense qu’il a conscience de la chance de faire un métier extraordinaire. Si vous regardez ses deux premières saisons en Ligue 1, elles sont bonnes. La première, il est même nommé dans les cinq meilleurs gardiens. À l’époque, j’avais dit : « Il faut comprendre que Lucas ne vit pas le foot comme un simple métier. » Il va plus loin. Il veut vivre des émotions, et surtout les partager avec le public, les supporters. Il a besoin de cette connexion. Cela permet aussi peut-être d’extérioriser, d’évacuer une pression… Pour lui, le foot, c’est une communion. C’est sa philosophie.

Dans cet enchaînement de bonnes performances, d’exposition, avec maintenant l’équipe de France, comment le sentez-vous ?

Je le trouve heureux. Bien dans ses baskets. Dans sa vie privée, il est très rigoureux. Vous pouvez aller chez lui à n’importe quelle heure, je peux vous dire que la maison est impeccable. Avant d’aller se coucher, il passe l’aspirateur. Si vous vous couchez à minuit, vous allez entendre l’aspirateur. C’est son tempérament, il aime que tout soit rangé. Il se sent mieux comme ça. Mais je le trouve épanoui, confiant. Sa vie est bien organisée.

Quand vous prenez un peu de recul face à cette convocation, que vous repensez à tout ce cheminement depuis Coquelles (sa ville d’enfance dans le Pas-de-Calais)… C’est dans ce genre de moments qu’on repense à tout cela ?

La dernière fois, j’en discutais avec des amis. Quand je vois ce parcours, qui est passé si vite… On ne prenait pas de vacances car on savait qu’il fallait les emmener (Lucas et ses frères, NDLR) au foot début juillet, être disponible les samedis et les dimanches pour faire 200 kilomètres aller, 200 kilomètres retour… À la fin, quand on arrive avec un résultat comme Lucas, on se dit que c’est aussi une récompense pour nous.

Un match en U16, 4 matchs en U18 : les Bleus lui ont rarement réussi en jeunes…

Il a une histoire un peu contrariée avec les équipes de France de jeunes. Il n’était pas forcément le numéro 1 dans sa catégorie en U16 et U17. Mais quand il y avait les listes qui arrivaient, lui disait : « J’espère que je vais y être ! » Quand il n’y était pas, il était déçu. L’équipe de France, ça a toujours été un objectif pour lui, dès les jeunes.

Si Lucas arrive en sélection aujourd’hui, on peut dire que c’est parce qu’il a eu la chance de côtoyer un gars comme Mike Maignan.

Freddy Chevalier

Pour un impatient comme lui, cela devait être dur…

Oui. Mais je minimisais la chose avec lui. Je lui disais : « Tu sais, les équipes de France de jeunes, plein y vont et font toutes les catégories jusqu’aux Espoirs, et ensuite, c’est fini. » Et il y a le contraire, à l’image de Mike Maignan. Mais quand il allait en sélection, il se sentait supérieur aux autres. En équipe de France U17, lui jouait en National 2, les deux autres en U17 ou U19 ,ationaux. Mais l’entraîneur des gardiens de la sélection ne savait même pas que Lucas jouait en N2 ! C’est pour vous dire… Dans ces catégories, au niveau des staffs, ils ne se renseignent pas assez sur les joueurs… C’est lors d’une discussion avec cet entraîneur qu’il lui demande : “Toi, tu joues à quel niveau ?” Quand Lucas lui répond : “En National 2.” Il lui dit : “Ah bon ?” À 16 ans, Lucas, pour son premier match, c’était contre l’Épinal de Jean-Philippe Krasso… Ça envoyait. Et il a performé tout de suite.

Vous en parliez : à Clairefontaine, Lucas Chevalier va retrouver Mike Maignan, qu’il a connu au LOSC. Et leur relation est spéciale.

Mike lui a fait voir différemment le foot et le poste de gardien. La vision que Lucas avait a changé au contact de Mike Maignan. Sur l’aspect préparation, mental, travail… Il a été capital et bénéfique. Si Lucas arrive en sélection aujourd’hui, on peut dire que c’est parce qu’il a eu la chance de côtoyer un gars comme Mike Maignan. Lucas a beaucoup apprécié qu’il ait de la considération pour lui. Maignan, c’est un monstre de travail, il est perfectionniste, au taquet tout le temps. Lucas, ça lui convenait, car lui était un peu avec ce caractère. Avoir un gars comme ça en modèle, c’était dire à Lucas : « Le poste de gardien, c’est ça. Cette voie-là, c’est la bonne. »

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