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Fred, une idole à la retraite

Par Alexandre Berthaud, à Rio de Janeiro
5 minutes
Fred, une idole à la retraite

Samedi soir, le stade Maracanã était blindé à Rio De Janeiro, pour une affiche plutôt moyenne. Fluminense a battu Ceará (2-1), lors de la 16e journée de championnat. Les spectateurs n'étaient pas venus pour l’affiche, mais pour un homme de 38 ans : Fred. C’était l’événement sportif du week-end au Brésil, les adieux émouvants d’un des footballeurs les plus populaires du pays.

Vu de France, Fred est un joueur qui n’a joué « que » 4 saisons en Europe, un peu en équipe nationale brésilienne, un bon attaquant de pointe. Au Brésil, Frederico Chaves Guedes, 38 ans, est un ídolo. Comment reconnaît-on une idole ? Déjà, à la manière dont on lui dit au revoir. Samedi soir, 63 707 spectateurs sont venus assister aux adieux de Fred, dans une ambiance grandiose. Depuis qu’ils connaissaient la date, les supporters avaient tous coché le 9 juillet comme un « Jour de Fred » . Le club avait préparé le terrain sur les réseaux sociaux avec un hashtag Etern9, le 9 éternel. Au Maracanã, on ne comptait pas les masques de Fred, les verres à l’effigie de l’idole et puis ce tifo flottant représentant le joueur et suspendu au toit de la tribune.

Ariane, 29 ans et 10 maillots du Flu dans le dressing, se souviendra de cette soirée d’adieu toute sa vie. « Tout le monde était heureux, tout le monde chantait, c’était un mélange de tristesse et de joie, beaucoup d’émotions. » Toute sa semaine a été dédiée à Fred, son idole, la place qu’il occupe dans son esprit étant proportionnelle à celle qu’il occupe sur son fil Instagram. Samedi, elle a patienté plusieurs heures avant le match pour avoir sa photo avec Fred. La légende : « Je t’aime trop Fredericooooo, merci pour tout. »

Hommage du Ney

On reconnaît aussi une idole à ceux qui saluent sa sortie. Neymar, via ses réseaux sociaux, a souhaité un bon dernier match à Fred. « C’était un honneur de faire partie de ton histoire », écrit le Ney, qui a côtoyé le Don en Seleção. Hommages aussi d’anciens coéquipiers et, surtout, de rivaux historiques. C’est le cas de Gabigoal, attaquant vedette de Flamengo, mais aussi du club de Vasco de Gama, lui aussi basé à Rio, qui a remis une plaque à Frederico pour sa « contribution au football carioca et brésilien ». Fred, comme toute idole qui se respecte, a aussi sa chanson, largement entonnée ce samedi. Un très classe « Fred vai te pegar », littéralement « Fred va te choper ». « J’ai 50 ans, je crois que c’est le gars le plus marquant qui a joué pour mon club », dit Max Neto, supporter, en sortant du stade.

Un dernier but pour la route

Comme souvent quand il s’agit de festoyer, Rio avait pris de l’avance. Une semaine exactement. À la 91e minute du match face aux Corinthians, samedi 2 juillet, Fred a fait trembler une dernière fois les filets. Son 199e but sous le maillot vert-blanc-grenat, un golazo qu’il n’espérait plus. Le Maracanã a explosé, le joueur aussi. Une course folle pour célébrer, avec les larmes qui coulent et le commentateur qui frappe dans le mille. « Le buuuuuuut. De Fluminense. Du Fred. De l’émotion. »

Une célébration terminée un genou à terre avec des sanglots d’enfant, de celui qui sait que celle-là, c’est la dernière. Pourtant, l’homme en a vu d’autres, avec un palmarès de crack. Rien qu’avec le Flu, il compte deux championnats du Brésil et deux de l’État de Rio. Il a remporté le championnat de France (OL), celui du Minas Geras (Atlético Mineiro, Cruzeiro), la Copa América 2007 avec la Seleção. Fred est aussi le meilleur buteur de l’histoire de la Coupe du Brésil, le meilleur buteur du championnat sous sa forme actuelle (depuis 2003) et le 2e de tous les temps. Pourtant, Max Neto retient autre chose. Il n’oubliera jamais 2009. À la fin de la 31e journée, le club avait 99% de chances d’être relégué. « Et Fredão s’est sacrifié pour nous sauver, c’était lui le leader de ce qu’on a appelé « l’équipe des guerriers ». » Le Flu se sauve alors in extremis, avant de remporter le championnat suivant, son premier depuis 1984.

Savoir aimer, savoir donner

Plus que les titres, les supporters retiennent la relation. Être une idole au Brésil, ce n’est pas réservé qu’à Romário, Ronaldo et consorts. Ce que les torcedores attendent d’un ídolo, c’est qu’il donne, autant qu’il reçoit. Fred a donné, beaucoup. Il est le genre de joueur qui fait le tour du stade en vélo après le match, qui se mêle aux supporters et entame des chants à la gloire du club. « C’est le plus grand de l’histoire du club, pour moi, par sa relation aux supporters, je n’ai jamais vu ça de ma vie, même dans d’autres clubs », affirme Raúl, 26 ans. « Il a cultivé l’identité du club et son appartenance à cette identité », analyse Gilberto, 48 ans et supporter depuis 1980. Dans sa dernière interview d’après-match, samedi soir, Fred n’a pas failli à sa réputation. Les yeux rouges, avec des larmes au bord, il a fait couler celles des supporters. « C’est le club avec le plus d’humanité que j’ai connu, il m’a aidé quand je voulais abandonner. Je prends ma retraite avec ce maillot, mais il reste pour toujours tatoué dans mon cœur. » La plus grande passion entre une idole et son club est la passion réciproque. Fred a été aimé, il a aimé, il n’a pas trahi non plus, refusant en 2017 une « proposition irrésistible » du rival Flamengo, par loyauté. La conclusion sera pour Max Neto, « on parlera de Fred dans 20 ans, dans 30 ans, c’est notre 9 éternel ».

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