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Frank Lukani : « J’ai deux passions : la variété française et le Stade Malherbe de Caen »

Propos recueillis par Simon Butel
Frank Lukani : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J&rsquo;ai deux passions : la variété française et le Stade Malherbe de Caen<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Mardi, dans une journée particulièrement morne sur le marché des transferts, le plus gros buzz est venu de la signature à Lens de Jonathan Gradit. Et ce grâce à Frank Lukani, supporter caennais expatrié en Australie et passé maître dans les reprises de vieux tubes français adaptés à l’actualité du Stade Malherbe. Entretien avec un type pas près de faire la grève des chants à D'Ornano.

Salut Frank…(Il coupe.) En fait, mon vrai prénom, c’est Carl. Frank Lukani, c’est mon nom d’artiste. J’ai écrit mes propres chansons il y a quelques années, j’ai fait des enregistrements en studio, mais comme j’ai vécu dans plein de pays, je n’ai jamais pu me stabiliser dans la chanson.

10 000 vues en sept heures, je n’ai jamais vu ça !

Il y a un ou deux ans, j’ai donc décidé de faire des chansons alliant mes deux passions : la variété française et le Stade Malherbe de Caen. Il y en a une ou deux qui ont bien marché, mais là, 10 000 vues en sept heures, je n’ai jamais vu ça ! Je crois que le fait que ça ait touché les supporters de Lens, c’est ce qui a fait que ça a décollé.

Pas mal d’artistes écrivent des chansons après une peine amoureuse. Toi, tu l’as fait après le départ à Lens de Jonathan Gradit. Ça fait si mal que ça, de le voir partir ? À chaque fois qu’il y a un sujet qui fait débat à Caen, j’essaie d’en faire une chanson. Sur Gradit, le seul truc qui m’embête, c’est sa valeur marchande. S’il avait prolongé, je suis sûr qu’on l’aurait vendu beaucoup plus cher dans deux ou trois ans. Maintenant, même si c’était un de mes joueurs préférés l’an passé, aucun joueur n’est irremplaçable. Le plus important, c’est l’état d’esprit : si on est en Ligue 2 aujourd’hui, c’est que l’état d’esprit n’y était pas complètement l’an dernier.

Tu as passé l’essentiel de ta vie à l’étranger. D’où te vient cette passion pour le Stade Malherbe ? De la saison en D1 avec Kenneth Anderson et Amara Simba (1994-1995, N.D.L.R.).

Là, par exemple, le week-end dernier, je me suis levé à 4 heures du matin pour regarder le match contre Chambly.

En Afrique, où j’ai grandi, j’avais vu quelques matchs, et quand je suis arrivé en France, deux ou trois ans avant le bac, j’étais à Caen. J’habitais en face du stade, je me suis abonné. Quand je vivais à Montpellier, j’allais voir les matchs dans le sud, et une fois reparti à l’étranger, en 2006, j’ai continué à suivre. Disons que c’était plus simple en Angleterre qu’à Bora-Bora ou en Australie. Là, par exemple, le week-end dernier, je me suis levé à 4 heures du matin pour regarder le match contre Chambly.

Il faut avoir la foi…Je suis de nature positive. Je sais que je ne vais pas me faire que des amis en disant ça, mais je trouve qu’il y a beaucoup de négativisme à Malherbe. On le voit quand on passe de la Ligue 1 à la Ligue 2, le nombre de supporters est divisé par deux.

Bien sûr qu’il y a beaucoup de vrais supporters à Caen, mais il y a quand même aussi pas mal de footix.

Bien sûr qu’il y a beaucoup de vrais supporters, mais il y a quand même aussi pas mal de footix. On a fait quatre matchs, on n’a pas encore d’équipe type, on ne peut pas dire qu’on joue le maintien comme on commence à le lire un peu partout. Pour moi, les supporters ont une part de responsabilité dans la descente de l’an dernier. Quand il manque un ou deux points pour se maintenir et qu’on va faire grève ou siffler les joueurs, ça met plus de pression qu’autre chose. On a le droit d’être mécontent, mais ce n’est pas pour autant que je ne me lève pas à 4 heures, ou que je ne chantais pas jusqu’au bout au stade. Dans les stades anglais ou allemands, les mecs chantent et poussent jusqu’au bout, même si l’équipe est 18e ou 19e.

C’est plus un mal français que caennais, ça, non ?Je pense que la venue des Qataris au PSG a suscité beaucoup de jalousie. Aujourd’hui, on veut tous des joueurs d’exception dans nos clubs, mais ce n’est pas possible et ce n’est pas la garantie de gagner des matchs. Encore une fois, c’est l’état d’esprit qui compte : en Ligue 1, des clubs de l’acabit de Caen s’en sortent très bien sans grands joueurs. À l’inverse, si l’OM ne s’en sort pas, ce n’est pas parce qu’ils ont des quiches sur le terrain, mais parce que l’état d’esprit n’est pas là.

Revenons à tes chansons. Tu en as fait beaucoup ?J’écris des chansons sur les joueurs, sur l’équipe ou après des défaites. Les deux dernières qui ont bien marché, c’était sur la venue de Rui Almeida, où j’avais fait une reprise de Bienvenue chez moi de Florent Pagny, et une parodie d’Afrique adieu, de Michel Sardou, pour Brice Samba, quand il avait été critiqué. Le titre c’était Défaite adieu, Samba avait même retweeté la chanson.

J’avais aussi fait une chanson sur Malik Tchokounté, en reprenant Les ballons rouges de Serge Lama, et une autre sur Casimir Ninga après son gros loupé contre Rennes, sur Je te le dis quand même de Patrick Bruel.

J’avais aussi fait une chanson sur Malik Tchokounté, en reprenant Les ballons rouges de Serge Lama, et une autre sur Casimir Ninga après son gros loupé contre Rennes, sur Je te le dis quand même de Patrick Bruel. La première, c’était il y a environ deux ans. J’avais dit que j’en ferais une par semaine, mais c’est impossible. J’ai à peine trente minutes pour l’enregistrer dans mon garage avec les enfants qui chahutent en haut. J’écris les chansons dans le train ou au travail et j’enregistre en rentrant, sans répéter. Là, j’en ai écrit une autre vite fait pour la signature de notre nouvel attaquant, Santy Ngom.

C’est tes potes qui t’ont suggéré de faire des chansons sur Caen ?Ici, mes potes sont australiens, donc non. En Australie, ils ne connaissent pas Caen, mais je leur en parle ! J’ai un collègue qui supporte Leeds, du coup on en parle tous les lundis matin, et un ami macédonien s’est mis à suivre les résultats de Malherbe. Mais ici, le sport national c’est le rugby. Je me suis mis au rugby à XIII. On m’a dit qu’ici, on choisit son équipe en fonction de la ville où on vit ou de ses couleurs. Du coup, je supporte les Sydney Roosters, parce que leur emblème est un coq et parce qu’ils jouent en bleu et rouge, comme Caen. Ici, comme c’est très cosmopolite, le foot est plus pratiqué par les amateurs, même si ça se développe. Mais sinon, c’est plus le sport des filles. D’ailleurs ma fille de cinq ans veut jouer au foot, je vais l’inscrire l’année prochaine.

Il se trouve que tu as déjà chanté à D’Ornano, en décembre 2013. Comment ça s’est fait ? Entre Bora-Bora et l’Australie, je suis revenu en France pendant un an et demi.

J’ai chanté Viva la vida de Coldplay au stade d’Ornano. (…) C’était lors d’un Caen-Brest, en Ligue 2. Il y avait encore N’Golo Kanté, ça avait fait 0-0.

Un ami de mes parents a demandé à Pilou Mokkedel, le responsable sécurité du Stade Malherbe à l’époque, si je pouvais chanter sur la pelouse, et la direction du club a gentiment accepté. J’ai chanté Viva la vida de Coldplay. C’était un rêve d’enfant. Plus jeune, au stade, je disais à mon pote : « Un jour, je chanterai là » . C’était lors d’un Caen-Brest, en Ligue 2. Il y avait encore N’Golo Kanté, ça avait fait 0-0. Il n’y avait que 6000 personnes, mais c’était pas mal quand même !


En dehors de celui-ci, quels sont tes plus grands souvenirs de supporter de Malherbe ?Le problème, c’est qu’à chaque montée, je n’étais pas à Caen. Caen-Libourne (2007), j’étais à Londres. L’épopée en Coupe de la Ligue (2004-2005), je n’étais pas là non plus. Un de mes pires souvenirs, c’est la descente à Istres en 2005. Je vivais à Montpellier, j’avais fait le déplacement, on avait perdu alors qu’Istres était déjà condamné, et en plus c’était Gravelaine qui les entraînait. Ce match était juste horrible. Un de mes meilleurs souvenirs, c’est le maintien à Paris en 2017. Je m’étais levé à trois heures du matin, Rodelin avait loupé un péno, Féret avait eu un but refusé, mais Rodelin avait fini par égaliser à la 91e (1-1). Mais au stade, j’ai surtout vécu les mauvais moments. Ah, si, j’ai un très bon souvenir : un Marseille-Caen avec des amis marseillais, dans le virage sud, en 2005. Un pote m’avait dit « Si vous marquez, tu chambres pas » . Je m’étais retenu tout le match, les mecs passaient leur temps à nous traiter de camemberts, et finalement on gagne 3-2 dans le temps additionnel. Là, j’ai exulté, c’était énorme.

Quel regard portes-tu sur le début de saison caennais ?Sincèrement, je ne vois pas le négatif. On a perdu Gradit et on n’a pas beaucoup de victoires, oui, mais le mercato n’est pas fini. Ce que je vois, c’est que sur quatre matchs on n’a encaissé que deux buts, donc au niveau défensif on a recruté de manière cohérente. On s’attendait à quoi, de toute façon ? On descend de Ligue 1, il fallait bien dégraisser. Pour l’heure, on n’a qu’une défaite. On n’a perdu que contre Lorient, l’un des favoris. Il faut être patient. Pour ma part, j’ai hâte qu’on passe à l’heure d’hiver en France : je me lèverai à 6h au lieu de 4h pour regarder les matchs. Ça m’arrange. Surtout quand c’est pour voir des 0-0 contre Chambly…

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