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Frank Lampard, un louveteau dans la bergerie
En débarquant à Derby County pour sa première expérience d'entraîneur en mai dernier, Frank Lampard a mis les pieds dans un club habitué au haut de tableau de Championship et désireux de remonter rapidement en Premier League. Pas de période d'adaptation permise chez les Rams (Béliers en VF), donc. Ça tombe bien, le jeune technicien semble déjà avoir trouvé son style, entre football attractif, flexibilité tactique et humilité à l'heure de défier Leeds en demi-finale retour de playoffs ce mercredi.
Comme sa consœur française, la peu passionnante Coupe de la Ligue anglaise (Carabao Cup) ne soulève pas les foules outre-Manche. Mais s’il est bien une opposition qui a attiré l’attention des fans et des puristes au Royaume, c’est bien le 4e tour de la compétition entre Chelsea et Derby County. En cette fin d’octobre 2018, tout Stamford Bridge s’émoustille pour le retour du héros Frank Lampard. Bien sûr, Lamps avait déjà retrouvé son enceinte chérie en tant que joueur, lorsqu’il a filé à Manchester City en 2014 après treize folles saisons chez les Blues. Mais cette fois, la donne a changé : l’enfant de la maison se retrouve engoncé dans un tout autre costume, celui d’entraîneur. Une fonction que bien peu l’ont vu exercer en live et qu’il découvre depuis seulement trois mois. Boss Lampard est devenu baby Lampard, l’un de ces anciens immenses joueurs parmi tant d’autres qui décident de tenter leur chance sur un banc, et qui s’avançait ici dans la peau de la victime face à l’ogre Chelsea.
Bien vite, la curiosité, voire l’amusement des fans des Blues se transforme en inquiétude. Avec déjà un soupçon d’admiration ? Au bout de 27 minutes, les ouailles de Lampard ont déjà collé deux pions aux partenaires de N’Golo Kanté, finalement vainqueurs 3-2. Une belle résistance orchestrée par l’audacieux 4-3-2-1 concocté par le chef des Rams. La presse anglaise s’emballe : et si Frank Lampard était déjà l’un des techniciens de demain, après avoir signé son acte de naissance en éliminant Manchester United au tour précédent (2-2, 10-9 aux tab) dans un système tactique différent ?
« Ça ne veut pas dire du tiki-taka, mais je veux qu’il y ait de l’énergie, que ça plaise aux fans »
À Derby County, cela faisait depuis belle lurette que les Rams avaient constaté la flexibilité tactique de leur jeune entraîneur. Son 4-1-4-1 des premières semaines se révèle infructueux ? Lampard passe au 4-3-3. Un système qui prendra lui aussi la poussière pour dire hello à un 4-2-3-1 que Lampard a pérennisé avec succès. « Lampard pourrait remplacer Sarri à Chelsea » , osait la consultante Sue Smith, relayée par l’Express. « Il n’est pas têtu. Il a une philosophie, mais il peut la changer en fonction des matchs. » Une adaptabilité visible en demi-finale aller des playoffs le week-end dernier, quand Derby a laissé le ballon au Leeds de Marcelo Bielsa après avoir tenté sans succès de lui contester la possession pendant leurs précédents affrontements (défaites sèches 4-1 et 2-0). Moins dominé (mais tout de même défait 0-1), Derby garde espoir pour le match retour de ce soir à Elland Road.
Une rare entorse à la philosophie de jeu de l’ancien milieu de 40 ans, qui se veut attractive et tournée vers l’avant. « Je veux que les joueurs soient agressifs, qu’ils jouent bien au foot, je veux du « foot rapide ». Ça ne veut pas dire du tiki-taka, mais je veux qu’il y ait de l’énergie, que ça plaise aux fans » , expliquait le jeune technicien dans un entretien à Sky Sports. Si le technicien Lampard aime la possession, c’est davantage pour attendre le bon moment de se lancer à l’abordage plutôt que pour instaurer une supériorité tactique en construisant de l’arrière. Une fois installé, le pressing haut chéri par Lampard fait le reste. Avec l’ancien Blue, Derby domine ainsi plus ses rencontres que sous la coupe de son prédécesseur (57% de possession avec Lampard contre 48% sous Rowett et 60 passes de plus par match). Les 82 buts marqués par les Rams cette saison, contre 54 il y a deux ans, attestent de ce basculement vers l’attaque.
« La star, c’est l’équipe »
La patte Lampard, c’est aussi la folle débauche d’énergie imprimée par ses joueurs, avec et surtout sans le ballon. Des starlettes qui marchent, Lamps n’en veut pas et ne peut pas en avoir pour soutenir son projet de jeu. « Je veux que les joueurs travaillent dur, comme moi je le faisais en tant que joueur. Ça doit être la base de mon équipe » , affirmait-il à Sky Sports. « Tout le monde doit travailler avec humilité, sans superstar dans l’équipe » , abondait son adjoint Jody Morris. Exit les vieilles gloires comme Cameron Jerome, place à la jeunesse de Fikayo Tomori (20 ans, prêté par Chelsea), Mason Mount (19 ans, prêté par Chelsea) et Harry Wilson (21 ans, prêté par Liverpool). La moyenne d’âge est ainsi passée de 29 à 26 ans sous Lampard.
Le succès de Lampard doit néanmoins être relativisé. En prenant les rênes de Derby County, le Londonien mettait les pieds dans une équipe du haut de tableau de Championship à laquelle il manquait « simplement » ce petit quelque chose en plus pour franchir les barrages d’accession. Et c’est là que repose la principale mission de Lampard : faire passer ce cap psychologique aux Béliers en leur amenant son expérience des grands rendez-vous et sa culture de la gagne. Pour sa première saison, Lampard est relativement dans les clous, même si Derby a décroché la 6e et dernière place qualificative à l’ultime journée, malgré l’un des effectifs les plus séduisants du championnat. En attendant, le manager commence doucement à s’affirmer dans sa fonction en utilisant la communication pour façonner le club à son image. « Il y a des gens du club qui s’apitoient dans la négativité et la morosité. Ce sont des très proches du club, qui ne devraient pas être comme ça. Je ne vais pas citer de noms » , allumait le technicien en février. Et si beaucoup au club ont choisi Lampard pour ses effets sur le long terme, nul doute que la méthode Coué devrait rapidement refaire surface en cas de qualification face au redouté Leeds ce mercredi.
Par Douglas de Graaf