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François Yvinec : voilà, c’est finistère

Par Nicolas Kssis-Martov
François Yvinec : voilà, c’est finistère

François Yvinec s'est éteint à l'âge de 89 ans dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, à Calpe (Espagne), où il s’était retiré. Son nom renvoie aux heures glorieuses du Stade brestois dans les années 1980. L’aventure d’un modeste entrepreneur, qui n’avait pas froid aux yeux, qu'il avait plus grands que le ventre, et qui rêva d’inscrire le port breton sur la carte de France, face notamment à l'OM de Bernard Tapie, qui vient aussi de s’en aller. La disparition d’une certaine idée de la grandeur du foot tricolore, quand il fallait ne pas craindre de perdre sa chemise, son entreprise, voire un casier judiciaire vierge, pour y parvenir.

Il faut savoir se replacer dans le contexte de l’époque. Lorsque François Yvinec, plutôt connu localement pour son rôle dans la biscuiterie industrielle (d’où son surnom de « Fanch-la-Boulange » ) prend en main les destinées du Stade brestois, un club né en 1950 de la fusion de quelques patrons cathos, celui-ci végète dans les échelons inférieurs du foot pro. Dès le départ, son intention est de donner un autre grand motif de fierté à la Bretagne, au-delà de Nantes ou Rennes. Cela tombe bien, le foot français change rapidement durant les années 1980 et se découvre un nouvel appétit. Des présidents emblématiques tels que Claude Bez à Bordeaux et Bernard Tapie, son futur « ennemi intime » , à l’OM redistribuent les cartes, et les façons de procéder. Celui qui ne se cachera jamais de vivre « au-dessus de ses moyens » décide de venir s’installer à la table des grandes instances, avec notamment l’appui du groupe Leclerc. Bernard Maligorne, ancien entraîneur, se souvient à quel point « il voulait rivaliser avec les plus grands présidents d’alors, comme Bernard Tapie. Il avait une vision romantique du football dans laquelle il s’est laissé prendre ». Plus prosaïquement, le premier concerné résumait son arrivée de la sorte : « Je savais où je mettais les pieds, dans un club où il n’y avait pas d’argent, mais pas mal de risques : il ne fallait pas avoir peur de faire de la prison. » Il n’avait pas tort, ne serait-ce que lorsqu’il entamera sa collaboration financière avec le douteux Charlie Chaker. Car malgré les caisses vides, le président remplira l’effectif de l’équipe première, et de son album Panini, aussi bien avec de jeunes espoirs locaux, ou non, comme Paul Le Guen ou Patrick Colleter, que des joueurs à l’avenir déjà rayonnant, à l’instar de Corentin Martins, Stéphane Guivarc’h, Bernard Lama, Claude Makélélé ou David Ginola. Dans les colonnes du Télégramme, Ginola décrit sa relation particulière, et reconnaissante, avec le bonhomme, qui lui avait assuré qu’en signant chez lui, les portes de l’équipe de France s’ouvriraient. « Je me suis dit que François Yvinec était un devin ! J’ai énormément travaillé pour cela : j’habitais Gouesnou, j’étais tranquille et je ne pensais qu’au foot. L’environnement était sain, j’ai découvert la Bretagne. »

Le transfert fou de Roberto Cabañas

Les résultats ne sont toutefois ni forcément brillants ni à la hauteur. En 1987, Leclerc lâche Yvinec après le limogeage de l’entraîneur Raymond Keruzoré, « un gauchiste » qui selon lui « manœuvrait en douce au sein du club, à sa manière, selon des orientations qui tenaient davantage de convictions politiques que de choses du football ». Qu’importe, soutenu par une banque suisse et donc le fameux Charlie Chaker, le président brestois s’engage, malgré un ascenseur D2-D1, dans l’exploitation d’une riche filière sud-américaine – l’international argentin José Luis Brown par exemple -, à ses risques et périls d’ailleurs. Ainsi, après le Mondial 1986, il s’entiche du Paraguayen Roberto Cabañas. Départ début novembre pour la Colombie où évolue la perle rare. Sauf qu’elle appartient à l’América de Cali, dont les véritables propriétaires se révèlent être des membres du cartel de la drogue. « Je savais comment cela fonctionnait, raconta-t-il dans L’Équipe, c’était un monde un peu fou où l’on manipulait le pistolet.(…)On avait signé un contrat, j’avais versé 350 000 dollars, je voulais mon bien ! Mais, face à nous, je n’avais pas des personnes correctes facilement. » Coincé entre les pressions diverses, la justice du cru qui le menace de prison, et un joueur qui doute, il réussit malgré tout, grâce au soutien de la FIFA, à finaliser le transfert et surtout à s’échapper du pays, par un parcours clandestin qui l’emmène notamment via le Panama et l’Espagne jusqu’à Brest. Étrangement, il connaîtra brièvement la prison, cette fois en France, au début de 1992 (51 jours en détention) dans le cadre d’une enquête contre lui pour « banqueroute par moyens ruineux » et « détournements d’actifs » qui lui vaudra une condamnation avec sursis.

« J’étais et je reste un homme honnête »

Car la fin de l’histoire est moins glorieuse, sportivement et économiquement. Le club, qui cumule un passif de 150 millions de francs, est rétrogradé en D2 en 1991, puis dépose le bilan. L’équipe professionnelle vit une dernière saison apocalyptique, puis est dissoute. Seule la réserve subsiste. David Ginola part au PSG. Il faudra attendre 2004 pour retrouver la Ligue 2 avec un certain Franck Ribéry à la manœuvre. François Yvinec défendra toujours mordicus sa probité et son amour du club, et de ce point de vue, tout le monde reconnaît qu’il n’a pas franchement cherché à s’enrichir avec. Dans Le Monde en 1996, il clamait toujours son innocence. « On fait de moi un escroc, alors que je n’ai plus un sou et que j’ai refusé des millions de dessous-de-table à l’occasion des transferts. J’étais et je reste un homme honnête, moi. Si j’avais voulu être riche, il y a belle lurette que j’aurais eu des cocotiers un peu partout. Mais moi, j’ai passé dix ans au service de la communauté, et ça a été au contraire beaucoup de négligences vis-à-vis de mon entreprise. » En effet, sa boîte, la SA Yvinec, fut liquidée, et les 35 employés, en fait les seuls vrais perdants de l’affaire, licenciés fin 1992. Une seule certitude, la banque suisse Sudaméris, qui a accordé près de 72 millions de francs de prêt au club entre 1986 et 1991, ne l’avait pas aidé à calmer ses ardeurs footballistiques. Toutes nos condoléances à sa famille et ses proches.

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