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Fumu Tamuzo : « Je ne suis pas antivax ou dans le complot, j’attends des réponses »
Miné par les blessures à répétition, François-Xavier Fumu Tamuzo a mis un terme à sa carrière en avril dernier à seulement 29 ans. Sa fragilité soudaine reste inexpliquée, et la possibilité que les vaccins contre le Covid-19 en soit la cause n’est pas écartée. Retour sur le calvaire d’un homme en quête de réponses.
Est-ce que tu peux revenir sur ta première blessure en 2021 et les semaines qui ont suivi ?
À la fin du mercato estival 2021, je signe à Laval après une saison au Portugal à Marítimo. Dans les semaines qui suivent, avec les dernières recrues, je suis amené à faire le vaccin contre le Covid-19. J’ai directement un état grippal. À la reprise de l’entraînement, j’ai eu une gêne au genou qui est apparue, mais c’était léger, donc je ne me suis pas inquiété plus que ça, surtout que cela ne m’empêchait pas de jouer à mon niveau. La dose de rappel arrive dans la foulée, état grippal encore. Quand je reprends, la gêne devient une douleur et c’est plus prononcé. Je force malgré tout jusqu’à ce que je doive arrêter, car c’était devenu insupportable.
C’était une douleur constante ?
Oui, c’était quotidien, donc je décide de me faire infiltrer, une infiltration PRP (plasma riche en plaquettes). Je suis le cycle normalement, je reprends. Au mois de décembre, cela fonctionne parfaitement, et je n’ai plus aucune douleur. Je pense enfin pouvoir montrer ce dont je suis capable. Puis la troisième dose arrive. À ce moment-là, je n’ai aucune appréhension, puis on était obligés de se faire vacciner sinon on n’avait pas accès au stade, donc je ne me suis jamais posé la question. Et là, à nouveau état grippal, mais j’ai une nouvelle douleur, au tendon d’Achille, et celle au genou réapparaît, au même endroit. Je m’empêche de m’arrêter, ça ne fait que sept mois que je suis là, je dois faire mes preuves, donc je tente de gérer avec le staff médical. Je joue strappé jusqu’en mars 2022, mais le tendon lâche à l’entraînement. Il n’y a aucun doute dans ma tête, je ne fais jamais le lien avec le vaccin. Je me dis juste que c’est la faute à pas de chance.
Qu’est-ce qui te fait changer d’avis ?
Un jour, après avoir enchaîné les consultations et constaté que le staff médical, qui se donnait corps et âme, ne trouvait pas de solution, je décide de tout mettre à plat dans mon salon. Je scrute chaque compte rendu médical, à la recherche d’un indice. Je suis au bord des larmes. J’essaye de tout recouper pour voir si je n’ai pas loupé quelque chose, et là je vois qu’il y a une légère concordance avec les dates des vaccins. Je me dis qu’il y a peut-être un truc. J’essaye de voir comment pousser la réflexion et je tombe sur les coordonnés d’Éric Lanzarone, un avocat spécialiste en droit public et droit de la santé, membre du barreau de Marseille. Au départ, je veux simplement le consulter pour comprendre comment ses clients ont pu s’en sortir, qu’il me donne des orientations pour me soigner. J’ai tellement tout tenté que je cherche la solution miracle.
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Quelles sont ses recommandations ?
Il me conseille d’aller voir des immunologues, des infectiologues pour avoir des billes. Ce que je fais. Les deux me font comprendre qu’il y a très probablement un lien avec le vaccin, et que des cas comme le mien, ils en voient tous les jours. Mais la différence, c’est que pour un banquier, une tendinite du tendon d’Achille ou du genou, ce n’est pas marquant dans sa profession. Moi si. Mon corps, c’est mon gagne-pain. Je me suis rendu compte que je n’étais pas fou, ça m’a énormément rassuré. Finalement, dans ce combat, je ne suis pas seul comme je le pensais.
Comment tu réagis ?
À partir du moment où un professionnel de santé me dit clairement qu’il y a un lien avec les vaccins, je me fais la rétrospective de ma carrière et je me dis que ce type de blessure ne m’est jamais arrivé, surtout à 26 ans alors que je suis dans la fleur de l’âge. J’en arrive à un stade où je n’arrive même pas à marcher correctement, c’est handicapant.
Quel a été ton rapport à ton corps durant ces mois compliqués ?
Honnêtement, je ne pense même pas au fait d’être un cobaye, je suis obnubilé par ma reprise. S’il faut se faire opérer, je n’hésite pas une seconde. Je ne veux surtout pas perdre de temps, c’est une course contre la montre. Je veux reprendre au plus vite pour prouver au club que je suis encore là. Je suis arrivé à l’AJ Auxerre à l’âge de 13 ans, donc on nous a habitués très tôt au cadre médical. Pour nous, les rendez-vous, les infiltrations, c’est assez banal. Typiquement, une personne qui n’est pas sportive de haut niveau va se remettre d’une entorse au bout d’un mois ou deux, alors que nous, on va pousser pour que la récupération se fasse en 2-3 semaines, parce qu’il y a une obligation de résultat. Mais en tant que footballeur, on ne vit pas ça mal, car c’est notre quotidien, alors que le commun des mortels trouverait ça barbare.
Finalement, tu vois un dernier chirurgien qui tente une opération « expérimentale »…
Il m’a tout simplement expliqué que 20% du tendon était mort, inerte, malade. Il me l’a retiré, comme un bout de ma rotule. Pour lui, il y avait 80% de chance que ça fonctionne, mais il m’a bien fait comprendre que mon cas était assez rare. Je tente de repartir, le début de la rééducation se passe bien, mais dès que j’accélère, les douleurs réapparaissent. Je comprends que c’est terminé. Il faut arrêter les frais, je ne jouais plus depuis deux ans. Mentalement, je commençais à me détruire.
Tu as été le seul à être dans ce cas de figure ?
Non, il y a eu aussi un joueur de Châteauroux, qui a eu un problème neurologique après les vaccins. Il ne pouvait plus lever la jambe ou le pied, il a donc arrêté sa carrière. Il y a eu aussi le cas de Jérémy Chardy qui m’a interpellé. Pour lui, le vaccin a ruiné son corps. La différence entre lui et moi, c’est que je n’étais pas en fin de carrière.
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Qu’est-ce que tu as ressenti quand tu as pris la décision de mettre un terme à ta carrière ?
Quand je l’annonce, c’est un gros soulagement. J’allais arrêter de faire mal à mon corps. Le deuil, on ne le fait jamais. J’ai eu la chance d’être beaucoup soutenu, notamment par mes coéquipiers et mes proches, mais j’ai switché, je suis dans une nouvelle dynamique, en pleine reconversion.
Comment te sens-tu depuis la fin de ta carrière ?
Finalement, ce malheur m’a permis de me reconcentrer sur l’essentiel : ma famille. J’ai trois enfants. À l’époque de mes problèmes, mes jumelles n’avaient qu’un an. Quand j’étais au Portugal, on faisait parfois des déplacements de quatre jours et je ne pouvais pas les voir. Ça m’a aidé aussi à relativiser. Mes amis ont aussi joué un rôle très important dans ma reconstruction.
Tu as assigné en justice Pfizer, BioNTech et la FFF, qu’est-ce que tu attends concrètement ?
J’attends tout simplement des réponses. Si le tribunal judiciaire de Paris l’accepte le 2 juillet prochain, il y aura une expertise médicale sur mon cas. À la suite de celle-ci, je serai fixé s’il y a un lien ou non avec les vaccins. Je ne suis pas là pour aller en croisade contre telle ou telle industrie, je ne suis pas antivax ou complotiste. Je me suis fait vacciner sans arrière-pensée.
Pfizer a répondu par le biais d’un communiqué en rappelant que « le profil bénéfice-risque de notre vaccin contre la Covid-19 reste positif ». Quelle est ta réaction ?
Très honnêtement, la mention du « bénéfice-risque » m’a marqué. Dans « bénéfice-risque », il y a risque, donc à partir de là, ils reconnaissent qu’il peut y en avoir un. Mais je préfère me focaliser sur l’audience au tribunal judiciaire de Paris.
Si les conclusions prouvent que ce ne sont pas les effets des vaccins, il y aura du soulagement ?
Dans tous les cas, je serai content. S’il se trouve qu’il n’y a pas de lien, c’est qu’à 26 ans mon corps a arrêté de fonctionner normalement pour une raison X ou Y. Si, au contraire, l’effet du vaccin est avéré, au moins je suis fixé. Cela prouverait aussi que je ne suis pas un fragile, qu’on a trouvé le pourquoi du comment, c’est le plus important.
Ton après-carrière a débuté bien plus tôt que prévu. Comment tu envisages la suite ?
C’est simple, il va falloir que je me réinvente très vite pour passer à autre chose. Tout était centralisé autour du football depuis mes 13 ans… Quand j’ai eu mes problèmes au tendon d’Achille, j’avais commencé une formation dans l’immobilier, mais c’était pour m’aérer l’esprit, je ne le prenais pas au sérieux. Finalement, j’ai dû voir la réalité en face. Je viens de me lancer dans une formation sur le scouting et le recrutement. J’espère pouvoir retrouver un projet rapidement. À long terme, j’aimerais devenir directeur d’une cellule de recrutement et retrouver la santé d’une personne de 29 ans.
Ça pourrait être à Laval ?
Il y a eu des discussions. Au départ, il y avait un avis favorable, mais au bout de deux mois et demi, j’ai reçu un rejet via mon avocat.
Dans le fond, qu’est-ce que tu veux que l’on retienne de ton affaire ?
J’ai plusieurs personnes qui m’ont envoyé des messages pour me dire qu’ils étaient dans la même impasse que moi. Si mon cas peut aider, donner de l’espoir à certains ou encore inspirer les gens, ce serait une fierté quelque part.
Propos recueillis par Thomas Morlec