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François Hollande peut-il vraiment tirer profit du Mondial ?

Jérémy Collado
7 minutes
François Hollande peut-il vraiment tirer profit du Mondial ?

On se souvient tous de Jacques Chirac, maillot des Bleus sur le dos, gueulant avec les joueurs après la victoire de 98. Un mois après, sa cote de popularité avait grimpé de 13 points. Un scénario dont rêve François Hollande aujourd'hui, qui n'hésite pas à en faire des caisses. Mais pas sûr que le président le plus impopulaire de la Ve puisse récupérer l'événement aussi facilement…

En 1998, Jacques Chirac est seul. Isolé. Il s’ennuie ferme dans son palais de l’Élysée. Personne n’a compris, un an auparavant, pourquoi il a voulu dissoudre une Assemblée nationale acquise à la droite. Résultat : Lionel Jospin est devenu Premier ministre. Et Chirac ne gouverne plus. Ses espoirs de réélection paraissent bien minces mais, paradoxalement, c’est un sport qu’il n’apprécie pas particulièrement qui va lui offrir une incroyable occasion de rebondir. La France est championne du monde de football à domicile. Chirac ne connaît aucun des joueurs, sauf peut-être Zinedine Zidane, qui a sacré la France à Saint-Denis. Peu importe : la politique se nourrit des circonstances. Chirac déboule dans les vestiaires avec son maillot bleu sur le dos. Scène mythique et surréaliste. Il envahit les écrans, embrasse les joueurs. Un immense sourire barre son visage. Et pour cause…

Vidéo

Les scènes de liesse et les effusions de joie à peine terminées sur les Champs-Élysées, le président de la République se réveille avec tout sauf une gueule de bois : en un mois, sa cote de popularité a grimpé de 13 points, passant de 46 à 59% d’opinion favorable selon l’institut TNS-Sofres. Jospin, lui, gagne également dix points. Chacun veut sa part du gâteau. « Cela a eu un impact indéniable et extraordinaire sur leur cote de popularité, explique Jérôme Sainte-Marie, ancien directeur de BVA Opinion et aujourd’hui président de la société de conseil et d’études Polling Vox. À l’époque, le contexte économique était très favorable, le chômage était en régression : la victoire des Bleus est apparue comme emblématique de cette amélioration. » Chirac a donc surfé sur le bonheur des Français pour alimenter le symbole. Les interprétations sur la France réconciliée, unie autour d’une équipe « black-blanc-beur » ont fonctionné car, justement, les Bleus avaient gagné. Cocasse, quand on sait qu’avant la compétition, tout le monde critiquait Aimé Jacquet et son équipe de France…

Une incidence sur la croissance ?

Aujourd’hui, François Hollande rêve d’un tel scénario. Son entourage espère que le chef de l’État capitalisera sur un bon parcours de l’équipe de France. Ou du moins soufflera-t-il pendant un mois de relatif repos médiatique, l’info étant largement dominée par cette « séquence football » , comme l’appellent les communicants. Mais il ne faut pas croire qu’il restera inactif, au contraire. Avec la ministre des Sports Najat Vallaud-Belkacem, le plan com’ est rodé. Elle en avant-centre, partout dans les médias, le maillot bleu sur le dos, expliquant que les joueurs sont « assez beaux gosses » . Lui en chef d’orchestre, glissant quelques messages. C’est ainsi qu’à Clairefontaine, quelques jours avant le départ vers Rio, il a pris la pose avec Laurent Koscielny, Mamadou Sakho et Hugo Lloris, essayant de transmettre les ondes positives qui lui manquent depuis le début de son quinquennat. Dimanche dernier, il a convié conseillers et médaillés de Sotchi pour regarder, sur écran géant, le premier match de la France dans la compétition. Ou comment se connecter à une émotion qui grandit. Et envoyer au passage une petite carte postale aux 16 millions de Français postés devant leur écran de télévision : « Cette équipe est unie et solidaire. (…) Lorsqu’une équipe portant le maillot tricolore gagne, ça donne confiance en soi, ça peut se retrouver sur le terrain économique. » Aie confiance…

Peut-être connaît-il les travaux des économistes Ruben van Leeuwen et Charles Kalshoven qui avaient publié, en 2006, une enquête démontrant qu’un pays qui remporte la Coupe du monde augmentait son PIB de 0,70%. À la marge, le blog Electionscope a montré, chiffres à l’appui que, depuis 1986, le classement des Bleus pouvait avoir une incidence positive sur la croissance du pays… Eh oui, la victoire, c’est bon pour le moral et la vente de produits dérivés. Mais également pour les métaphores. François Hollande en fit également plusieurs lors du barrage face à l’Ukraine. Au risque d’en faire des caisses : « Je pense à tous les Français qui sont heureux ce soir. Il y a des occasions parfois d’être en colère ou inquiets. Aujourd’hui, il y a une victoire, il faut la savourer, affirmait-il. C’est une victoire d’une équipe. » Et pour terminer, dans un petit sourire : « Un entraîneur, ça compte… » , comme pour souligner l’importance de son rôle, quand les sondages l’étrillent, avec 16% d’opinion favorable seulement, selon TNS-Sofres.

« Pas d’effet important sur sa cote de popularité »

Oui mais voilà, cette fois, ça ne suffira sans doute pas. « Si les Bleus gagnent la Coupe du monde, ça n’aura pas d’effet important sur la cote de popularité de François Hollande, même si ça peut avoir un aspect positif, affirme Jérôme Sainte-Marie. D’abord, une partie de l’opinion pense que François Hollande n’a pas la carrure ni l’étoffe d’un chef d’État, donc les gens ne se projettent pas en lui, contrairement à Jacques Chirac, qui incarnait le génie national, avec ses travers. Ensuite, toute sa communication autour de la Coupe du monde peut même augmenter son divorce avec les Français, car ça peut paraître décalé d’en faire autant quand le chômage ne cesse de grimper. » Hollande, contrairement à Chirac, n’est pas censé être un président de cohabitation…

Ensuite, il y a vingt ans, les Français élisaient leur monarque républicain pour sept ans, contre cinq, aujourd’hui. Sept années, c’était long, avant les années 2000. Les réseaux sociaux n’existaient pas. On ne regardait pas encore les buts de Benzema sur Vine. La tempête médiatique n’effritait pas aussi rapidement les cotes de popularité. Désormais, les fameuses « séquences » des communicants s’enchaînent à vitesse grand V. Et en deux ans, Hollande semble autant marqué par le temps que ne le fut Mitterrand en deux mandats, qui lui aussi gagna sept points de popularité suite à la demi-finale de la France au Mexique, en 1986. Le temps politique s’est accéléré et il est devenu bien compliqué de profiter à moyen ou long terme d’une performance sportive, dont le souvenir s’efface aussi vite qu’une vidéo Snapchat.

Les haters et les trolls

« À cause des réseaux sociaux, il est beaucoup plus difficile de faire de la récupération politique » , constate Erwann Gaucher, journaliste, blogueur et spécialiste des réseaux sociaux. Et de la récupération, le gouvernement en fait beaucoup autour de la Coupe du monde. Najat Vallaud-Belkacem en tête. Elle espère « un moment de cohésion derrière nos couleurs. Un moment de cocorico. » Sans craindre de se ridiculiser en chroniquant jour après jour la quête des Bleus sur Twitter. Pas pire que Chirac, qui s’aventurait sur un terrain qu’il ne connaissait pas, argue-t-on. « Oui, mais à l’époque, il n’y avait pas autant de décryptages et de partages sur le web, qui donnent une caisse de résonance à cette récupération, continue Erwann Gaucher. Les médias traditionnels n’appuyaient pas autant sur ce qui était ridicule. Aujourd’hui, le Petit Journal zoomerait sur la bouche de Chirac en train de faire semblant de prononcer les noms des joueurs… » Contrairement à Barack Obama, qui posta une photo cool de lui avant le Superbowl, et récupéra l’événement sans que cela paraisse décalé, Najat Vallaud-Belkacem ne maîtrise pas totalement les outils du web, tout comme François Hollande, dont les conseillers « n’ont pas encore l’oreille du président » , raconte Erwann Gaucher.

Conséquence : ils se font doubler par les haters et les trolls, qui pourrissent l’image numérique de François Hollande, par ailleurs grand connaisseur de football, qui aurait tous les atouts pour récupérer un événement comme la Coupe du monde. « Aujourd’hui, le Hollande bashing est plus fort que tout le reste. Angela Merkel est allée au Brésil pour soutenir son équipe. Je suis sûr que si François Hollande avait fait pareil, on le lui aurait reproché » , résume Erwann Gaucher. En 2010, Rama Yade et Roselyne Bachelot avaient subi les foudres de l’opinion pour avoir encensé les grévistes avant la catastrophe. Pour ensuite les dénoncer en grande pompe devant la représentation nationale : caïds, immatures… Knysna fonctionna comme un miroir inversé de 1998 : l’échec fut interprété à l’aune d’une France divisée, en proie au chômage, stigmatisant l’immigration. Une époque qui rappelle étrangement celle d’aujourd’hui. Jouer le jeu de la récupération peut s’avérer dangereux et à double tranchant pour François Hollande. À trop en faire, les Français risquent de voir les ficelles un peu trop grosses. Et Manuel Valls, pendant ce temps, pourrait encore récupérer tous les lauriers…

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