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François Floret : « Les footballeurs écoutent tous la même merde ! »

Par Matthieu Rostac
12 minutes
François Floret : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Les footballeurs écoutent tous la même merde !<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

François Floret, fondateur du festival La Route du Rock qui se déroule chaque année depuis 1991 à Saint-Malo, porte en médaillon son amour pour le Stade rennais depuis bien plus longtemps. Et parce qu'il n'a pas sa langue dans sa poche, tout passe au crible du programmateur breton : Frei, Alessandrini, le geste de Ntep, l'ex-nouveau Pelé Laurent Pokou, mais aussi le fait d'être breton dans le foot.

La première chose que l’on voit quand on tape ton nom sur Internet, c’est une photo de toi avec le maillot du Stade rennais…

Hahaha ! Oui, je vois très bien de laquelle tu veux parler. C’est une photo atroce. C’était l’année où on avait programmé The Cure. C’était la meilleure édition du festival : ils avaient joué plus de deux heures avec que des tubes à la fin. On avait offert un maillot du Stade rennais floqué The Cure à tous les membres du groupe. Je savais que les Vieilles Charrues avaient déjà fait le coup avec le maillot de Guingamp pour Robert Smith, alors on s’est dit qu’on allait faire pareil. Rivalité entre clubs. Du coup, pour en parler sur le site du Stade rennais, ils m’avaient fait poser avec un maillot du club. Sauf que j’ai un pull dessous et que je ressemble à un bibendum. J’ai l’air d’un gros porc ! (rires) Mais je suis fier d’avoir posé sur le site du Stade rennais.

Quand et comment es-tu devenu fan du Stade rennais ?

C’est une passion qui s’est passée de père en fils. Je ne sais pas exactement à quand ça remonte, mais dès que mes parents m’ont autorisé à aller au stade, j’y suis allé avec mon père et mon frère. Un peu avant mes dix ans, sans doute. Mon père y allait avec ma mère et mon beau-père. Ils habitaient place Sainte-Anne, donc à quelques pas du Stade de la route de Lorient. Ça faisait une promenade dominicale. Je baigne dans le Stade rennais depuis tout petit et c’est devenu viscéral. Mais j’aime le Stade rennais comme j’aime Rennes, ma ville, qui me passionne énormément.

Le Stade rennais, c’est indissociable de la ville, pour toi ?

Ouais, c’est l’emblème. Bon, je sais que maintenant, la notion d’emblème, tout le monde essaie de l’obtenir et que Rennes n’est pas bien vu partout en Bretagne. Surtout quand on a de beaux clubs autour qui commencent à se structurer : Lorient, Guingamp qui nous a fait très mal, Brest qui a longtemps été notre rival historique. On a même eu Saint-Brieuc une année en D2. Dès qu’il y a l’émergence d’un nouveau club breton, tu sens bien que le Breton de la pointe du Finistère ou du Morbihan va être fan de ce club qui est plus à l’ouest que Rennes. Il y aura toujours ce complexe paradoxal des gens qui considèrent Rennes comme la capitale de la Bretagne, comme les Parisiens de Bretagne.

Ton premier souvenir du Stade rennais ?

Je ne sais pas si c’est exactement mon premier, mais je me rappelle avoir passé un temps fou dans les tribunes en pré-fabriqué côté ville derrière le but. Sous la flotte, sous la neige l’hiver, en deuxième division : je m’en foutais royalement. C’était un moment de bonheur que je partageais avec mon père et mon frère. Sinon, je ne sais pas si j’ai fantasmé ce moment ou si ça s’est vraiment passé, mais je crois avoir vu Laurent Pokou marquer de la même façon que Ntep récemment. Enfin, il n’avait pas fait tout à fait ça : il avait attendu que le défenseur revienne et il avait fait une talonnade. C’était pire. Mais je trouve ça formidable. La polémique sur Ntep, je trouve ça crétin. On est là pour voir du spectacle, il a fait du spectacle. Il ne s’est moqué de personne, il a juste marqué un but rigolo. Pokou a fait son jubilé récemment. J’ai été invité et c’était un moment génial, j’étais comme un gamin. Pelé avait dit à l’époque que si Pokou ne s’était pas blessé, il aurait pu devenir le nouveau Pelé parce qu’il avait un génie hors norme.

Le geste de Ntep n’est pas irrespectueux, donc ? Pas même envers l’équipe de Reims ?

Ah non, pas du tout ! Quand on voit ce qu’il dit derrière, ça corrobore. J’ai trouvé ça extraordinaire. Il est jeune, il s’amuse, il fait comme s’il était à la plage. Eh ben pourquoi pas ? Ce n’est pas parce qu’on est professionnel qu’on doit oublier de s’amuser. Le foot, ça n’est pas que du pognon, des agents véreux, des résultats, des pressions économiques. Il y a aussi le plaisir et je trouve génial que ce mec-là ait pu nous le rappeler. Et c’était évident que ça n’allait pas plaire à tout le monde.

Tu côtoies certains joueurs de l’équipe actuelle ?

Bah là, vu comme ils désossent l’équipe, ça va être difficile ! (rires) Je les ai croisés tous dans le cadre de ma présence au Club des Deux Hermines, ils sont tous plus ou moins venus. Les entraîneurs aussi. J’avais rencontré Antonetti. Un homme de caractère et moi, j’aime les hommes de caractère. J’ai vu Monsieur Montanier aussi. Une crème, quelqu’un de fondamentalement gentil et intelligent. Mais concernant les joueurs, j’ai rencontré Romain Danzé – parce qu’il est de Douarnenez et que je vais en vacances là-bas. Je ne sais pas s’il s’en rappelle, d’ailleurs. J’ai parlé avec Féret également, qui est un mec très timide. Mais sinon, je n’ai pas de rapport privilégié avec les joueurs, non. Je me rappelle qu’une année, on avait invité Gourvennec à la Route du Rock parce que c’est un énorme fan de pop, des Smiths en l’occurrence. Il avait failli venir, mais il avait un entraînement. On tenait un joueur fan de pop, ce qui est plutôt rare entre les fans de R’n’B et de techno à deux balles. Il y a sans doute des mélomanes parmi les joueurs, mais globalement, ils sont quand même formatés. C’est pathétique et je n’ai pas peur de le dire : « Messieurs les footballeurs, ouvrez-vous ! » Et là, je les mets tous dans le même panier. Ils écoutent tous la même merde ! S’ils veulent s’écarter de l’image du kéké à casquette, il faut s’ouvrir vers d’autres horizons d’abord. Ceux qui n’aiment pas le foot ne voient que des mecs décérébrés qui disent n’importe quoi en interview et qui écoutent de la merde. Du coup, on les met dans une case : footeux = bouseux ou débile mental. Alors qu’évidemment, ils ne sont pas tous pareils.

Comme Gourvennec qui aime les Smiths, donc.

Ouais. Gourvennec, c’est un mec qui sort un peu du lot. Il doit pas se sentir à l’aise dans le vestiaire avec la musique qui passe et, historiquement, il n’a jamais dû l’être. Je crois savoir – mais à creuser – que l’entraîneur de Brest, Alex Dupont, est un grand fan de pop aussi. Je me demande si une année, il ne voulait pas venir à la Route du Rock. Il a beau être entraîneur de Brest, j’avais dû l’inviter. Bon, il avait refusé, mais il aime bien ce qu’on fait, je crois. Gourcuff, avec le père exigeant qu’il a, il doit peut-être écouter des trucs un peu moins mainstream. Dhorasoo écoutait de la pop, aussi ! Ça se ressent dans ses interviews. Quand quelqu’un est à l’aise naturellement en interview, tu sens qu’il n’aura pas de mal à aller découvrir d’autres choses. Après, est-ce que ça n’est pas dangereux, pour la cohésion d’équipe, de ne pas écouter la même chose que tous les autres ? J’espère pas, mais on ne sait jamais.
Pelé avait dit que si Pokou ne s’était pas blessé, il aurait pu devenir le nouveau Pelé parce qu’il avait un génie hors norme

Tu as parlé plus tôt du « Club des Deux Hermines » . Qu’est-ce que c’est ?

C’est un truc qui a été organisé par Jacques Delanoë (membre du conseil d’administration du Stade rennais), Jérôme Poupard (ancien chargé de communication du club) et Frédéric Saint-Sernin, il y a deux ans. C’est une super idée : inviter des gens pour faire naître des idées. C’est vraiment un bouillon de réflexion de certains fans du Stade rennais. On retrouve tous les partenaires du Stade rennais. On a aussi le patron des Tombées de la Nuit, le patron du TNB. On a aussi le directeur de Sciences-Po Rennes. Tout un microcosme économique rennais dont le dénominateur commun est qu’on est tous dingues du Stade rennais. On avait même invité les kops, notamment le RCK, même si ça s’est mal fini. Le but est de dégager des thématiques par secteur. Comment faire pour que le Stade rennais devienne une entreprise de spectacle, par exemple. L’objectif, c’était de retrouver une bonne image, notamment après toutes les dérives que le club avait connu, toutes les conneries de M’Vila. Gommer cette sale image du foot en amenant tous ces acteurs à réfléchir. Dire que le foot, c’est de la passion pure et de la fraternité. Pas que des mecs qui se tapent dessus. Ce sont un peu des poncifs, mais j’espère que ça va marcher.

M’Vila, c’est pas un voyou, si ?

Non, mais d’après ce que je sais, il a fait pas mal de conneries. Il faisait un peu son chef de bande à Rennes. Mais ça n’est pas un voyou, non.

Est-ce que le problème ne vient pas du fait qu’on ait voulu en faire un footballeur modèle et qu’il ne l’était tout simplement pas ?

Je ne connais pas assez bien toutes les histoires et je ne peux que dire ce qu’on m’a dit. Il y avait des histoires de voiture où il faisait son kéké, où il aurait mis en danger des personnes ou quelque chose comme ça. Il a juste été mal entouré, je pense. Comme souvent quand un mec commence à exploser et qu’il est trop gentil. Franchement, je suis convaincu que c’est un mec bien. J’espère qu’il va se refaire en Italie parce qu’il a trop de talent, ce serait dommage qu’on le perde.

Ton meilleur souvenir du Stade rennais ?

Alexander Frei, sans hésitation. C’est le deuxième mec qui m’a marqué après Pokou. Il est resté trois ans, mais il avait tout. C’est le genre de mec qu’on aimerait retrouver au Stade rennais. Quand il marquait un but, t’avais l’impression que c’était un gamin qui marquait en finale de Coupe du monde tout le temps. Il était hystérique, passionné, très fier d’être rennais. Il aimait cette ville. Un énorme professionnel, un énorme buteur. Je crois qu’on n’a jamais retrouvé ça depuis. Dans n’importe quelle position, il était dangereux, il avait toujours le pied qui traînait. Surtout quand Monterrubio lui servait des caviars tout le temps. Je me rappelle un quadruplé contre Marseille. On gagne 4-3. C’est historique. Et les buts… Surréalistes. Des patates de trente mètres.


Est-ce que tu ne dis pas ça parce que ça correspond un peu, aussi, à la dernière période faste du Stade rennais ?

Ouais, mais non. On a eu d’autres périodes par la suite. Bon, je ne sais pas s’il faut qu’on en parle parce que c’était un peu l’Arlésienne. C’est vrai que depuis Frei, il y a eu beaucoup de déception. On a cette réputation d’équipe de losers, maintenant. J’étais là pour les trois défaites en coupes en quatre ans. À chaque fois, c’est difficile. Surtout qu’on sent bien que la dernière, ils ne l’ont pas joué. Il y a des rumeurs comme quoi ils auraient négocié des primes avant le match et que c’est pour ça qu’ils n’auraient pas joué. C’est peut-être pour ça qu’il y a un renouvellement complet de l’équipe, aussi. Après, je ne sais pas si c’est fondé. Maintenant, parce qu’on a un mécène charismatique derrière, on nous compare un peu au PSG ou aux clubs fortunés. Je ne sais pas quoi dire par rapport à l’attitude de la famille Pinault, à part leur devoir une éternelle reconnaissance parce qu’ils ont posé les bases du club. Qu’ils ne veuillent pas aller au-delà, ne pas devenir le PSG ou Monaco, je ne suis pas contre. Je trouve ça indécent. Les mauvaises langues diront qu’ils mettent leur argent ailleurs, mais ce sont des businessmen, ce sont leurs oignons. Je trouve ça bien de garder les pieds sur terre.
Alessandrini est un super joueur mais avec une mentalité de merde

Quelle serait la solution pour que ça aille mieux au Stade rennais ?

J’ai comme l’impression que sur ce mercato, ils essaient de bétonner sur la mentalité. Des mecs hargneux. Pas forcément les meilleurs à leur poste, mais en tout cas, ils ne lâcheront pas. Et puis tactiquement, ils ont renforcé là où ça n’allait pas : la défense et surtout, le milieu de terrain. On avait déjà renforcé l’attaque au mercato hivernal avec Grosicki, Ntep et surtout Toivonen, qui est un mec incroyable. Pour moi, ce mec-là va pas rester une année de plus. Sauf qu’on avait pas acheté de milieux pour les approvisionner. Makoun, il est sur courant alternatif, il fait un bon match sur cinq, pareil pour Konradsen, Pajot s’est blessé. Les longs ballons, Toivonen, il commençait à en avoir marre. C’est pour ça qu’il a voulu partir. Là, on va avoir des bons créateurs. J’ai beaucoup de regret pour Féret, qui n’a pas forcément joué alors qu’il aurait pu apporter sa vista, même si ça n’était pas sur 90 minutes. C’était un retour à la maison pour Féret et ça a été un retour gâché. C’est un grand monsieur, avec une grande classe. Un Briochin. L’exemple parfait du mec fier d’être breton avant tout.

Pas de regret pour Alessandrini, donc ?

Non parce qu’il n’a jamais eu la tête à Rennes depuis le clash. Et pour moi, il fait partie des kékés qui n’ont rien à foutre à Rennes. Qu’il reste à Marseille, cette équipe que je déteste. Il sera bien à Marseille et il nous plantera des buts, comme tous les anciens Rennais. C’est un super joueur, mais avec une mentalité de merde. Il aura beau dire le contraire, il est professionnel quand ça l’arrange. Fallait pas le garder, c’est un mec qui gangrène les groupes.

La Route du Rock, ça n’est pas qu’un festival de rock. C’est aussi un tournoi de foot durant le festival…

Ça va être la neuvième édition. J’ai initié ça parce que quand on a un festival qui s’appelle La Route du Rock – qui est un nom débile, il faut bien le reconnaître, mais les gens identifient maintenant – les gens imaginent tout de suite les clichés : des rockeurs qui boivent, qui se piquent et qui baisent. Du coup, on voulait expliquer aux gens que ça n’est pas ça, que ce sont des gens qui ont envie de s’amuser sur la Côte d’émeraude et on trouvait ça drôle de faire un tournoi de foot sur la plage. Ça a très vite pris, notamment chez les Anglais qui ont tous un rapport particulier avec le foot. Les Cure sont fans de QPR, Oasis de Manchester City. Après, c’est toujours compliqué de mettre en place ce genre de conneries avec les groupes anglais, américains parce qu’il y a le management derrière et que les groupes ne peuvent pas rester toute la durée du festival. Et puis bon, on va quand même pas demander à Beth Gibbons de Portishead de venir au foot ! (rires)

La Route du Rock « Collection d’été » se déroulera du 13 au 16 août au fort Saint-Père et à Saint-Malo La Route du Rock sur Facebook

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