Tu peux nous raconter la 58e minute de ce match contre Bastia ?
On mène 3-0 dans un match sans histoire, puisqu’on n’a plus rien à jouer à trois journées de la fin, je prends un coup et je me tords la cheville. Il y a une touche pour nous, on a le temps de faire entrer le soigneur pour s’occuper de moi, mais on ne sait pas pourquoi Charles-Édouard Coridon, Charly, joue vite la touche. J’ai à peine le temps me relever et je vois le ballon revenir vers moi. Je suis un peu énervé, je suis tourné de trois quarts et je veux dégager le ballon très fort de l’extérieur pour qu’il parte à l’opposé. Sauf que je la prends très mal, un peu intérieur. Le ballon part vers nos cages (bien aidé par un petit mistral, faut dire)… Et puis Gus (Guillaume Warmuz) ne l’a pas pris.
On a l’impression que Warmuz cherche à mettre la tête…
À 3-0, il ne voulait pas prendre le risque qu’on prenne un coup franc indirect (rires). Il a surtout été surpris il faut dire. Si j’avais voulu le mettre exprès, je n’y serais jamais arrivé.
Comment tes partenaires réagissent à chaud ?
Honnêtement, on a plutôt rigolé. Bon, on relançait un peu Bastia dans le match alors qu’il était plié. Mais comme le score est resté à 3-1, ce but n’a eu aucune incidence.
Sauf pour ta notoriété. Tu n’es pas vexé d’être surtout connu pour ça ?
Pas du tout, j’ai pas mal d’autodérision. J’ai même eu une récompense lors des Oscars du foot avec le Marcel d’or. Quand tu tapes mon nom sur internet, c’est tout de suite le CSC qui sort.
Est-ce que ce but t’a poursuivi en Angleterre où tu as passé la majeure partie de ta carrière ?
C’est marrant, parce que ce soir-là, il y avait deux recruteurs anglais venus me superviser. Comme quoi, ça ne m’a pas empêché de faire une carrière là-bas.
Avec Middlesbrough, tu es allé en finale de la Coupe de l’UEFA en 2006. Quand on y repense, c’est presque aussi improbable que ton CSC…
Et on gagne la finale de la Coupe de la Ligue deux ans avant. Mais attention, on avait une grosse équipe à l’époque, un bon coach (Steve McClaren, ndlr). Je me sentais bien là-bas, le club était un peu dans le même esprit que Lens avec un public populaire et toujours derrière nous. J’ai eu la chance de marquer pour mon premier match à domicile et d’être tout de suite adopté.
Tu étais un joueur apprécié en Premier League, pourtant on avait l’impression que tu étais un peu oublié en France. Tu avais ce sentiment ?
C’est un choix, je suis resté neuf ans en Angleterre. Quand Raymond Domenech prend Chimbonda pour la Coupe du monde 2006, il avait été élu meilleur arrière droit de Premier League. Et moi, j’avais été désigné meilleur latéral gauche. Il paraît que je n’étais pas loin, mais bon ça je ne le saurais jamais.
Qu’est-ce qui te plaisait autant en Angleterre ?
C’était un tout. L’engouement, les stades pleins, l’engagement sur le terrain qui correspondait bien à mon style de jeu. Je ne saurais pas expliquer, ma famille se sentait bien là-bas aussi. Mais à un moment, j’ai eu envie de me rapprocher de ma famille et je suis revenu en France. Mais je serais très content d’y retourner.
Que fais-tu désormais ?Je viens d’obtenir mon BES, je peux entraîner jusqu’en en DH chez les seniors et -17 et 19 ans chez les nationaux. J’aimerais passer mes diplômes pour entraîner chez les pros, mais c’est assez cher. Il vaut mieux avoir un club qui t’aide.
Tu es resté proche du RC Lens, ton club formateur. Tu partages l’inquiétude des supporters concernant l’avenir du Racing ?
Je les partage forcément. Je laisse les dirigeants s’occuper de l’aspect financier, je m’intéresse plus au sportif, aux résultats et à la formation. J’ai des amis comme Éric Sikora et Daniel Moreira qui s’occupent de la CFA, pour moi c’est le plus important.
Wissam Ben Yedder, caché derrière son verre