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Francfort, la vraie fausse suprise

Par Julien Duez
5 minutes
Francfort, la vraie fausse suprise

Alors que le Bayern est presque déjà assuré de remporter un sixième titre consécutif, l’Eintracht Francfort se déplace ce dimanche à Dortmund pour un choc au sommet. Les deux clubs sont à égalité de points, mais les Adler de Niko Kovač ont le vent en poupe. D'ailleurs, leur présence dans la bataille pour le podium est tout sauf un hasard.

C’est une statistique qui en dit long : depuis le début de la saison, l’Eintracht a gagné chaque match qui a suivi une défaite. La dernière victoire de ce genre en date ? Le week-end dernier contre Hanovre. Par le plus petit des écarts. Un résultat qui suffit aux hommes de Niko Kovač pour rester accrochés au wagon européen. Derrière Schalke et Dortmund, mais aussi et surtout devant le RB Leipzig. Avec quatre points d’avance sur la sixième et dernière place européenne, la Ligue Europa semble déjà presque acquise. Mais manquer le coche de la Ligue des champions ferait presque figure de déception au vu des progrès réalisés par les Adler depuis deux ans.

En quête de stabilité

Lorsqu’en mars 2016, Nico Kovač prend les rênes de l’équipe, il parvient à lui éviter la relégation de justesse en fin de saison. Depuis, l’objectif du Croate reste d’insuffler un vent de stabilité à l’Eintracht, dont la forme va au-delà des simples belles performances de son Fussballgott Alex Meier face au but adverse. Un an plus tard, l’entraîneur a déjà plus ou moins remporté son pari. Les Adler terminent sereinement dans le ventre mou, mais atteignent la finale de la Pokal, perdue de justesse face à Dortmund. Le 18 avril prochain, l’Eintracht aura même la possibilité d’enchaîner une deuxième finale consécutive (à condition de battre Schalke 04 en demies).

Une mission à l’image de la saison actuelle, qui représente celle de la consécration. Kovač a imposé son système de défense à trois, a décidé d’organiser le jeu autour d’un Kevin-Prince Boateng surmotivé et, à travers un recrutement intelligent, s’est payé le luxe d’avoir tous ses postes doublés. Simon Falette prend un jaune trop tôt contre Hanovre ? Marco Russ le remplace à la mi-temps. Alex Meier enquille les blessures ? Sébastien Haller le supplée. Avec huit pions au compteur, l’ancien Auxerrois caracole en tête du classement des buteurs du club. Et tant pis s’il ne marque plus depuis six rencontres : avec 10,2 kilomètres parcourus par match en moyenne, Haller sait se rendre utile. Ses coéquipiers, eux, sont là pour pallier sa période de down, et la confiance de son coach n’est jamais remise en question. « Il a encore assez de temps pour polir ses statistiques. Je ne me fais pas de souci pour lui. Il sait où se trouve le but et il le montrera de nouveau » , s’est ainsi enthousiasmé Kovač à son sujet face à la presse.

Bien, mais peut mieux faire

Face à Dortmund, Francfort débarquera avec l’étiquette de deuxième meilleure défense de Bundesliga (27 buts encaissés, seul le Bayern fait mieux avec 18). Une solidité qui s’explique par la complémentarité du trio défensif Falette-Salcedo-Abraham, ainsi que par les bonnes performances du gardien finlandais Lukáš Hrádecký, aujourd’hui courtisé par Dortmund. Mais si la situation laisse les fans rêver à une qualification directe pour la phase de poules de la Ligue des champions (une première depuis l’épopée folle de la saison 1959-1960, laquelle s’est terminée par une finale perdue 3-7 face au Real Madrid), elle pourrait être encore meilleure si l’Eintracht ne souffrait pas d’un manque de régularité.

À commencer par le milieu de terrain, où l’état de forme de Boateng est proportionnel à celui de l’équipe. Quant au jeune prodige serbe Mijat Gaćinović, on lui reproche encore son manque de sens collectif. Cette irrégularité se traduit autant par d’excellents résultats (victoire 2-1 contre Leipzig, match nul 2-2 contre Dortmund à l’aller) que par des défaites évitables (3-0 face à Augsburg ou, plus récemment, 1-0 contre Stuttgart). Face à la concurrence de ténors comme Schalke, Dortmund, Leipzig ou Leverkusen, la bataille pour l’Europe risque bien de se jouer jusqu’à la dernière journée.

En avant, avec les mains propres

Qu’on se le dise tout de même : à moins d’une catastrophe, l’Eintracht devrait être européen l’année prochaine. Une belle récompense pour Niko Kovač, qui pourrait cependant faire une victime collatérale. Car à force de trop briller, Sébastien Haller attire les convoitises et le président du club, Peter Fischer, n’a pas caché que le club n’hésiterait pas à le vendre si une offre conséquente (de l’ordre de trente millions d’euros) venait à atterrir sur la table des négociations. Le club réaliserait alors une belle affaire puisque Haller, dont le contrat court jusqu’en 2021, avait été acheté à Utrecht pour seulement sept millions. Réélu lors de la dernière assemblée générale du club jusqu’en 2022, Peter Fischer a également tenu à préciser que le développement sportif de l’Eintracht devait s’accompagner d’un geste fort en matière politique.

Il a ainsi déclaré à la Frankfurter Allgemeine Zeitung ne pas souhaiter voir de membres du parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (l’AfD a récolté 12,6% des suffrages lors des dernières élections fédérales), dont il a jugé les valeurs « incompatibles avec celles du club » dans les tribunes de la Commerzbank Arena : « La peste brune n’a pas sa place ici. Aussi longtemps que je serai en place, il n’y aura pas de nazis à l’Eintracht Francfort. » Pas de nazis, mais plus de public. Depuis le mois de mai, un plan d’extension du stade est en effet en marche. La capacité de l’enceinte devrait passer de 51 000 à 61 000 places (dont 20 000 debout). Pour le propriétaire de l’Eintracht, Axel Hellmann, il s’agit de la seule solution pour implanter davantage le club dans le paysage local : « Actuellement, les jeunes et les plus pauvres sont dans l’incapacité de voir jouer l’Eintracht, car seuls les sièges les plus chers sont disponibles. Je veux changer cela, car le football est le sport du peuple et que l’Eintracht est fermement attaché à la région. » Des joueurs aux instances dirigeantes, chacun s’accorde à dire que le vent est en train de tourner du côté de Francfort : « Nous voulons attirer des jeunes afin qu’il ne soit plus supporters du Bayern ou de Dortmund dans leur canapé, mais de l’Eintracht à travers leur expérience au stade » , a conclu Axel Hellmann. Preuve que les Adler (les aigles) ne volent pas avec les Tauben (les pigeons).

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