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« En Bulgarie, j’ai été attaqué par deux chiens »
Francesco Tosato a 35 ans, est bijoutier et a parcouru plus de 10 000 kilomètres à vélo cette saison pour une seule et unique raison : suivre les exploits de l’Inter à l’extérieur. On est allé le retrouver, après une bonne nuit de sommeil, du côté d’Istanbul avant la finale de Ligue des champions.
Comment t’est venue cette idée folle de suivre l’Inter lors de tous ses déplacements à vélo ?
C’est né en préparant le premier déplacement de la saison, à Lecce, qui était d’ailleurs l’un des plus longs au programme avant que l’Inter n’aille loin en Coupe d’Europe. Cela fait cinq ans que je fais du vélo régulièrement et, lorsque je suis arrivé dans les Pouilles, j’ai été accueilli par des journalistes, des supporters… Je me suis alors dit : « Francesco, celle-là, c’était la plus longue. Essaye de toutes les faire ! » Petit à petit, il y a eu ensuite Rome, Udine, le premier voyage en Europe en Tchéquie (l’Inter affrontait le Viktoria Plzen en phase de groupes, NDLR)… Et à la fin, je les ai tous faits. Ce qui m’a aidé, quand même, c’est la Coupe du monde. Cela m’a évité de pédaler l’hiver, durant les jours les plus durs.
Quelle réaction as-tu eue quand, au fil des mois, tu voyais l’Inter aller loin en Ligue des champions ?
Je ne vais pas mentir en disant que j’étais attentif au moment des tirages au sort. (Rires.) Le plus compliqué, ce fut Porto sans hésitation. Au niveau logistique, c’était dur de s’y rendre, mais j’ai réussi à m’en sortir en une vingtaine de jours. Lisbonne, c’est l’exception, car je l’avais faite depuis Madrid. C’est dû au fait que le week-end juste avant le match, l’Inter se déplaçait dans le stade de la Salernitana et je n’avais jamais été à Salerne de ma vie. Donc j’y suis allé à vélo, puis j’ai pris un vol de Rome jusqu’à Madrid pour ensuite pédaler de l’Espagne jusqu’à Lisbonne. Mais bon, l’essentiel, c’est qu’on soit en finale ici à Istanbul !
Parle-nous un peu de ce trajet jusqu’à Istanbul : c’était un peu ta finale à toi, ce périple ?
C’est le dernier, mais contrairement à ce que l’on croit, c’est plus long d’aller à Porto qu’à Istanbul (environ 2200 kilomètres contre 1800, NDLR). Mais venir jusqu’ici s’est révélé beaucoup plus problématique. Tu traverses des pays qui n’ont pas grand-chose à t’offrir au niveau routier, ce n’est pas simple. En Serbie ou en Bulgarie, j’ai eu des problèmes avec les animaux ou avec des mecs qui conduisent sans respecter aucune règle… Tu es tout petit quand tu es à vélo, c’est dangereux.
C’est-à-dire ?
En Bulgarie il y a quelques jours, j’ai été attaqué par deux chiens et j’ai vraiment eu peur, car ils étaient grands ! Mais je n’ai pas perdu la tête et j’ai réussi à m’enfuir.
Tu as fait tous ces voyages seul. À quoi pense-t-on pendant tout ce temps ?
En vérité, tu n’as pas beaucoup le temps de penser, car tu es en permanence sur le qui-vive. Les problèmes peuvent arriver à tout moment. Aussi, je ne planifiais pas mes étapes, car cela dépendait de ma forme et des conditions météo. Ce qui veut dire qu’un jour, je pouvais faire 150 kilomètres, le jour suivant 220 par exemple, et dès que je suis fatigué, je trouvais un hôtel là où je me trouvais.
Que te disaient les gens que tu croisais sur la route ?
J’ai fait énormément de rencontres évidemment, des cyclistes, comme en France, en Espagne ou en Portugal où tu ressens la passion des gens pour ce sport. Ils étaient curieux de comprendre ce que je faisais, ils m’ont aidé à plusieurs reprises en faisant par exemple un bout de chemin avec moi. Concernant ce dernier trajet, j’ai rencontré un jeune garçon qui venait de Florence et qui était en vacances en Croatie avec son père. Ils m’ont accompagné de la Croatie à Belgrade.
Comment le club a-t-il réagi en apprenant ta folie ?
Ils ont publié un article ce vendredi sur leur site internet, mais c’est tout je dois dire. J’ai rencontré une fois Javier Zanetti, mais jamais les joueurs. Je n’ai jamais rien demandé non plus, pas même un billet à l’extérieur que je me suis procuré à chaque fois par mes propres moyens.
Tu as mis onze jours pour faire Vérone-Istanbul. Tu ne vas quand même pas nous dire que tu n’as pas pensé à cette finale ?
Non ! Cette finale, je n’y pense pas. Je veux profiter du moment et je commencerai à y penser une fois au stade… On affronte une équipe très forte, on n’a rien à perdre et j’espère que le facteur « stade » va rééquilibrer la balance : on a des supporters extraordinaires qui sont venus en nombre, et Manchester City est moins performant loin de l’Etihad Stadium. Chez nous, les deux joueurs qui peuvent la différence demain seront Nicolò Barella et Lautaro Martínez. Ils sont l’âme sportive de l’Inter en ce moment.
Si l’Inter remporte la Ligue des champions ce samedi soir, tu continues les trajets à vélo ? Qui sait ? Mais ça a été quand même assez contraignant cette année que ce soit mentalement, physiquement, au niveau des ressources financières, pour ma femme, car j’étais toujours en voyage… Le futur reste à écrire ! (Rires.)
Propos recueillis par Andrea Chazy, à Istanbul