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France-Suisse : attention, chantier glissant
Pour faire face aux blessures et contrer les plans suisses, les Bleus pourraient attaquer leur huitième de finale avec une défense à trois, ce lundi à Bucarest. Et si rien ne sera laissé à l'improvisation par le staff de Didier Deschamps, force est de constater que toutes les garanties ne sont pas assurées.
Les rêves de grandeur peuvent parfois être balayés par la décadence. Nicolae Ceaușescu aurait pu en témoigner. Son palais de 270 mètres sur 240, comptant 1100 pièces pour une surface de 350 000 m2 habitables, est toujours le deuxième plus gros bâtiment de la planète après le Pentagone. Mais quand il en entame la construction en 1984 et mobilise 20 000 ouvriers nuit et jour, le Conducător ne pensait certainement pas qu’il ne pourrait jamais profiter des immenses balcons de sa Casa Poporului pour se faire acclamer par son peuple. La faute à l’éclatement du bloc communiste, et à l’exécution du couple Ceaușescu le 17 décembre 1989, sans qu’il n’ait pu déballer tous ses cartons. Alors qu’on peut voir depuis l’espace ce qui abrite aujourd’hui les chambres parlementaires roumaines, les Bleus ont pourtant réussi à rater ce monument (littéralement) incontournable de Bucarest, où ils logent depuis vendredi. « On n’a pas forcément l’opportunité de visiter, avouait Presnel Kimpembe samedi. On est enfermé à l’hôtel et avec la crise sanitaire, ce n’est pas facile de voir du pays. » Surtout, c’est un autre chantier sur lequel lui et ses partenaires étaient occupés ces derniers jours.
Des chiffres et des hommes
À Bucarest ou ailleurs, Didier Deschamps ne joue pas sa vie. Cependant, le patron tricolore sait que s’il veut poser la dernière pierre de son édifice (avec un sacre européen, par exemple), le match contre la Suisse ressemble à un tournant. Car face à un adversaire qu’il connaît comme sa poche (rencontré au Mondial 2014 et à l’Euro 2016), le sélectionneur pourrait être contraint de bousculer ses habitudes. Depuis sa prise de fonction, Deschamps n’a jamais changé plus d’une fois de schéma tactique en compétition. Lors de cet Euro, il pourrait adopter un troisième système dès le quatrième match : après le 4-3-3 (modulable en 4-3-1-2) de l’Allemagne et la Hongrie, puis le 4-2-3-1 du Portugal, c’est un 3-4-1-2 qui pourrait être griffonné sur le paperboard. C’est en tout cas cette piste qui a été travaillée samedi, si on en croit les informations de L’Équipe et les propos de Raphaël Varane sur Téléfoot : « Le coach est ouvert à ce genre de discussions, il aime avoir le retour des joueurs (sur le dispositif). C’est une question d’adaptation, on a des joueurs avec des qualités complémentaires. C’est beaucoup de communication et d’adaptation sur le terrain. On a déjà joué à trois défenseurs, c’est une possibilité qu’on a avec notre effectif. »
Si le défenseur central du Real parle des « possibilités de l’effectif », il serait plus juste de parler des contraintes. En effet, Didier Deschamps n’aurait certainement pas bougé ses pions si tous ses éléments avaient pu répondre présent. Problème(s) : Lucas Digne est forfait, Hernandez est dispo mais pas forcément remis à 100%, Koundé s’est contenté de pédaler avec un bandage autour de la cuisse et Pavard avait déjà été ménagé contre le Portugal. Autant dire que les côtés sont dévastés, au contraire des axiaux. Alors plutôt que de tenter un dégradé osé avec Rabiot en pur latéral gauche, Didier Deschamps pourrait aligner un trio Varane-Lenglet-Kimpembe pour s’occuper du trident d’attaque suisse (Seferović, Embolo et Shaqiri) et se mettre en quête de pistons. Là, Rabiot et Lemar pourraient servir à gauche, quand Pavard, Dubois, Sissoko, voire Coman ont des profils à être collés à droite.
Miroir, ô mon miroir
Mais plus qu’une question d’hommes, ce 3-4-1-2 permettrait à DD d’appliquer un principe qu’il développait dans une séquence tactique, diffusée sur beIN avant le tournoi. À propos d’un match en novembre 2019 en Albanie, il suggérait que la meilleure façon de contrer les plans d’une équipe organisée avec trois défenseurs axiaux, était de se calquer dessus. « J’avais décidé de le faire parce que je savais aussi qu’il y avait le même dispositif en face, expliquait-il.C’est pratiquement du un-contre-un dans chaque zone. » Et cela a fonctionné, puisque ce déplacement à Tirana s’était soldé par une victoire 2-0.
#beINBLEUS #Euro2020, J-23 sur beIN SPORTS ! Didier Deschamps évoque ses coups tactiques ! Aujourd’hui le match Albanie – France de 2019 La tentation du 3-5-2 pic.twitter.com/Zdzd3ryAJc
— beIN SPORTS (@beinsports_FR) May 19, 2021
Ceci dit, l’argument du miroir a été régulièrement battu en brèche. Les deux autres fois où ce dispositif a été reconduit furent face aux défenses à quatre de la Suède et de la Croatie à la rentrée 2020, alors que c’est avec une arrière-garde à quatre têtes qu’il avait affronté les défenses à trois de l’Allemagne et de la Hongrie à l’Euro. « Ça ne se fait pas en claquant des doigts. On aura le temps, on insistera, on pourrait changer aussi. Je cherche quelque chose de cohérent, ce n’est pas changer pour changer », analysait Deschamps l’an passé. C’est justement la cohérence qui permettra de franchir l’obstacle suisse. Et il faut surtout espérer que ces travaux de dernière minute ne précipitent pas la chute des souverains français.
Analyse, paris à prendre & meilleurs bonus : Retrouvez notre pronostic France – Suisse sur le 8e des Bleus !Par Mathieu Rollinger, à Bucarest