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France-Maroc : Aurélien Tchouaméni, patron incognito
Attendu comme un taulier au milieu en l'absence de Paul Pogba et N'Golo Kanté, Aurélien Tchouaméni avance dans cette Coupe du monde dans l'ombre, malgré son but contre l'Angleterre. Il ne faut cependant pas sous-estimer l'importance du Madrilène dans le fonctionnement de la machine bleue.
Après avoir pris la lumière tout au long de l’année, entre ses premiers pas réussis en équipe de France et son transfert de Monaco au Real Madrid, Aurélien Tchouaméni, attendu comme le messie en l’absence de Paul Pogba et N’Golo Kanté, avance dans l’ombre depuis le début de la Coupe du monde. Samedi soir, il en est sorti le temps d’un instant, celui choisi pour lancer les hostilités face à l’Angleterre d’une frappe magnifique de 26 mètres, avant de retourner au mastic et dans le dur au milieu de Jordan Henderson, Declan Rice ou Jude Bellingham. Le joueur de 22 ans n’a pas livré sa meilleure copie en quarts de finale d’une compétition qu’il découvre, provoquant le premier penalty anglais en arrivant en retard sur Bukayo Saka et enchaînant les pertes de balle en seconde période, mais il semble indéboulonnable dans le système installé par Didier Deschamps pour ce tournoi.
« Aurélien vit sa première grande compétition. Il y a un aspect émotionnel qui compte, tempérait Guy Stéphan, le bras droit du sélectionneur, avant de se frotter aux Three Lions. C’est un joueur qui a franchi des paliers, qui a eu un transfert important sur le dos, mais je le trouve bien dans son rôle. Il va encore s’améliorer et il fait très bien ce qu’il a à faire. » L’ancien Monégasque a une forte personnalité et une ambition à peine masquée, mais il n’avait pas demandé à recevoir l’étiquette de taulier des Bleus avant l’heure. Ni celle de bizuth, d’ailleurs. Avant France-Tunisie, il avait dissimulé derrière un sourire son agacement quand un journaliste a fait remarquer que les conférences de presse de veille de match étaient généralement réservées à un joueur cadre ou au capitaine. « J’essaie d’emmagasiner le maximum d’expérience. Quand on regarde à table, il y a de plus en plus de joueurs avec qui j’ai joué dans les catégories de jeunes. C’est une nouvelle génération qui émerge, avait assumé Tchouaméni. Après, leader de cette génération, non, pas forcément, mais j’espère que je compte quand même un minimum dans l’équipe. » Réponse : oui. Un maximum, même.
Un nouveau rôle, loin de celui de Paul Pogba
Tchouaméni n’est peut-être pas le premier nom que cochent Deschamps et son staff au moment de choisir le onze, mais il n’est pas le dernier non plus. Les faits, d’abord : le milieu du Real Madrid est le joueur français le plus utilisé pendant le Mondial (plus de 413 minutes, devant Kylian Mbappé, Adrien Rabiot et Antoine Griezmann). Le seul, aussi, à avoir commencé les cinq rencontres disputées par les Bleus dans la peau d’un titulaire. Beaucoup de temps de jeu et, paradoxalement, moins d’influence directe sur le jeu offensif des champions du monde, la faute à son rôle très précis dans ce schéma à deux milieux et avec quatre joueurs offensifs. « Parfois, forcément, c’est un peu plus sobre. Mais il faut respecter. Et à partir du moment où j’aide l’équipe, c’est le plus important, expliquait-il après le succès face au Danemark. Si on gagne la Coupe du monde, il n’y aura pas de frustration. Comme le coach l’a dit, je suis capable de faire pas mal de choses, mais en fonction de l’adversaire et des joueurs qu’on a dans l’équipe, il faut savoir faire un autre boulot, c’est ce que je fais. »
Au-delà de son but, Tchouaméni a touché seulement 48 ballons contre les Anglais, son total le plus faible sur un match depuis le début de l’aventure (80 en 66 minutes face à la Pologne ; 104 et 81 en 90 minutes contre la Tunisie et le Danemark ; 89 en 77 minutes contre l’Australie). Avec, en fil rouge, des comparaisons incessantes avec Paul Pogba, dont le pouvoir créatif est plus important, et alors que le rôle de Tchouaméni n’est pas le même que celui de son aîné en sélection.
Travailler pour les autres
Ces derniers jours, ses copains de vestiaire ont profité de leurs venues devant les micros pour insister sur l’importance du Madrilène dans la machine bleue version 2022. « On a une équipe quand même assez offensive avec Grizou qui joue au milieu de terrain, mais qui est un joueur offensif et même un attaquant. Devant il y a Kylian, Ousmane et Olivier qui sont aussi des attaquants. Theo à gauche qui est aussi très offensif, et moi, j’aime beaucoup me projeter également, donc Aurélien a aussi ce rôle de joueur qui compense et qui doit colmater les brèches, récupérer les ballons, a détaillé Rabiot. Il me donne la possibilité à moi de me projeter même si je dois m’adapter aussi par rapport à Theo et Kylian.(…) Et il est là derrière nous pour rassurer la couverture, donc il a vraiment un rôle important dans ce milieu de terrain entre Antoine et moi. » Le fameux joueur d’équilibre, permettant aux flèches de s’amuser sur les côtés et à Griezmann de se balader un peu partout pour jouer au quarterback. « On joue un football de spectacle, entre guillemets, enchaînait son pote Youssouf Fofana à deux jours de France-Angleterre. Quand un joueur ne fait pas de spectacle, il est pour certains sur le terrain juste pour faire le nombre, alors qu’il fait un travail de l’ombre monumental. Il court vraiment beaucoup. Cela permet aux deux autres milieux de se projeter sans se poser de questions. Je trouve que son travail n’est pas assez mis en valeur. Depuis le début de la compétition, il est très constant. » Il lui reste deux matchs à passer (et à gagner) dans ce nouveau costume pour grimper sur le toit du monde, et donc revenir dans la lumière.
Par Clément Gavard
Tous propos recueillis par MB en conférences de presse, à Doha.