- Euro 2016
- 8es
- France-Irlande (2-1)
France-Irlande, vu de Croke Park
Pour la première fois de son histoire, le stade de Croke Park a diffusé un match de « soccer » – la 2e mi-temps du match France-Irlande, presque en intégralité – pendant un événement consacré au football gaélique. Les demi-finales du championnat du Leinster ont elles été repoussées de deux heures. Pour un succès finalement assez discret.
Dublin, dimanche matin, 11h. Comme chaque dimanche à cette heure, les rues du centre sont étrangement calmes. La ville est encore endormie. La soirée de samedi soir était en plus un peu spéciale, avec une Gay Pride particulièrement célébrée par les pubs et les établissements de nuit du centre ville. On devine alors que la majorité des Dublinois a peut-être une petite gueule de bois. Mais plus on se rapproche de l’après-midi, plus les drapeaux vert, blanc et orange prennent la place de ceux couleur arc-en-ciel. Les maillots verts envahissent les principales rues du centre-ville et prennent la direction du quartier de Temple Bar et des pubs situés aux alentours.
Soccer dans le centre-ville, sports gaéliques au nord
Enfin tout dépend où l’on souhaite se rendre. Car lorsque l’on emprunte O’Connel Street (la rue la plus connue de la capitale irlandaise), et que l’on se dirige au nord de la ville, pour se rapprocher de Croke Park, les maillots verts se retrouvent noyés au milieu des violets, bleus et vert foncé représentant les principales équipes de foot gaélique. Une fois arrivé à Phisborough, le quartier où se situe Croke Park, c’est de nouveau le calme plat. Les pubs du quartier ne sont pas encore ouverts, et seuls les vendeurs ambulants de T-shirts aux couleurs du club de Dublin animent un peu le quartier. Pour avoir un peu d’ambiance, il faut se rendre au Croke Park Hotel. Situé à deux pas du stade, l’hôtel est connu pour être le lieu de rassemblement des supporters de foot gaélique avant les matchs. Et à une demi-heure du début de la rencontre entre la France et l’Irlande, le bar est déjà plein. 900 personnes seront finalement présentes au coup d’envoi. Un record pour le bar de l’hôtel. « Tout ça est bien évidemment dû au fait que c’est une journée spéciale, on a un huitième de finale d’Euro et les demi-finales de foot gaélique en même temps. D’habitude, on a environ 400 personnes avant les matchs » , explique Shone, le manager de l’hôtel. Il qualifie même la décision des dirigeants du championnat GAA (Sport gaélique) d’historique : « Honnêtement, ce n’est jamais arrivé. D’habitude, les matchs de foot gaélique, c’est sacré ici. On ne les bouge pas comme ça. »
Au bar, l’ambiance est chaude, très chaude même. Le but de Brady a mis les fans dans un état second, et les supporters accompagnent chaque action des hommes de Martin O’Neill par des chants. Mais à la mi-temps, les fans sont peu nombreux à faire les 20 mètres qui séparent l’hôtel du stade de Croke Park. « On est mieux là pour voir le soccer. On sera plus proche des écrans, et en plus, on peut boire quelques pintes » , justifie John, supporter de Kildare, et qui sait très bien qu’il est strictement interdit de consommer de l’alcool à l’intérieur de l’enceinte de foot gaélique. Sur le parvis de l’hôtel, on retrouve Tom. Ce passionné de foot gaélique n’est pas convaincu par la décision de la ligue d’avoir repoussé les matchs : « On dit que c’est pour l’affluence, mais honnêtement, moi, match de l’Irlande en même temps ou pas, je serais venu. Aujourd’hui, la chose la plus importante à Dublin, ce sont les demi-finales du championnat GAA. »
« Ils retransmettent le match ici pour éviter aux parents d’avoir à amener les plus jeunes au pub. »
Et à l’intérieur du stade, alors que la deuxième mi-temps a déjà commencé depuis 5 minutes, l’affluence n’est pas franchement au rendez-vous. Surprise, certains supporters ne regardent même pas la rencontre. Parmi eux, Mark, un fan de Dublin scotché sur son smartphone. Il n’a été prévenu de l’égalisation de Griezmann que par la sono du stade. Il n’approuve pas du tout la décision d’avoir repoussé les demi-finales, et de diffuser du soccer dans l’enceinte sacrée du foot gaélique. « Ce n’est pas une bonne idée, Croke Park, c’est les sports gaéliques, rien d’autre. Ceux qui veulent voir le soccer ils vont au pub. » Il pense que les dirigeants du GAA ont surtout cherché à protéger les familles. « Les gamins, ils veulent tout voir, continue-t-il. Le soccer, les demi-finales. Regardez dans le stade tout de suite : il y a quasiment qu’eux. Ils retransmettent le match ici pour éviter aux parents d’avoir à amener les plus jeunes au pub. »
Ils ne sont que très peu à porter les couleurs vertes des joueurs de Martin O’Neill. Vêtu de son maillot de l’Irlande, Brandon, supporter de Dublin est lui content de la décision. « Moi, j’aime le soccer et les sports gaéliques, donc ça m’aurait embêté de rater le match de l’Irlande honnêtement. » Il pense pouvoir expliquer pourquoi le stade est quasiment vide pour le match de soccer. « Il est interdit de boire de l’alcool ici pour préserver l’esprit famille. Vous connaissez les Irlandais, ils préfèrent rester au pub, boire quelques bières, et ils vont se dépêcher d’arriver quand la première demi-finale va commencer. »
35 minutes de soccer, pas plus
Mais que les fans de foot gaélique se rassurent, le soccer ne sera même pas resté l’espace d’une mi-temps à Croke Park. À la 80e minute, le son du match est coupé, pour laisser place à des musiques celtes, afin d’accueillir les joueurs pour leur échauffement. Et quelques minutes plus tard, les écrans du stade arrêtent la diffusion du soccer, avant même que la rencontre ne soit terminée, pour lancer des images de foot gaélique. Seule une poignée de personnes se dirige vers les écrans situés à l’intérieur des tribunes pour suivre la fin du match de l’équipe nationale. À l’extérieur du stade, difficile de savoir que l’Irlande a été éliminée. Les chants qui résonnent sont ceux des supporters de l’équipe de Meath qui, apercevant un groupe de maillots bleus aux couleurs de Dublin crient « 10km to put them off » . Comme pour montrer qu’aujourd’hui à Dublin, comme dans le reste de l’Irlande, le soccer n’était pas la priorité de tous.
Par Charles Thiallier, à Dublin