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France-Danemark : la vie en bulles

Par Maxime Brigand
France-Danemark : la vie en bulles

Alors que plusieurs joueurs ont leur avenir en club en tête, que des discussions ont eu lieu dans la semaine autour de la question du droit à l'image et que Didier Deschamps a eu la douleur d’apprendre le décès de son père mardi, l'équipe de France retrouve le Stade de France vendredi soir pour affronter le Danemark, sensation du dernier Euro. Double enjeu pour le staff des Bleus à six mois de prendre l'avion pour le Qatar : solidifier la bulle qui entoure un groupe où certains cadres viennent retrouver le sourire et récolter de nouvelles certitudes dans le jeu.

Alors que Téji Savanier s’apprête certainement à filer se balader en claquettes dans les allées d’un camping, à Palavas-les-Flots ou à Lattes, que les coachs des différents clubs de Ligue 1 tentent de débrancher pour la première fois depuis une éternité et que le public a actuellement davantage la tête à se rouler dans la terre battue que dans le gazon, le football international, lui, continue de courir et de suer à grosses gouttes. Ce mois de juin, qui offre aux Bleus un menu inédit à quatre matchs de compétition en onze jours, une première hors phase finale, n’est pas n’importe quoi. C’est d’abord un reflet : celui d’un football de haut niveau devenu une lutte psychologique et physique, qui s’étire désormais sur près de 350 jours et refuse de laisser ses différents acteurs respirer. Interrogé en début de semaine, Kevin De Bruyne, qui a déjà disputé 49 matchs toutes compétitions confondues cette saison avec Manchester City et la Belgique, n’a pas hésité à sortir son fusil : « Sur douze mois, nous avons trois semaines de vacances. Les gens de l’extérieur ne comprennent pas ce que ressent un joueur au bout d’une saison. Ils n’ont pas à le faire, car cela ne changera rien. De toute façon, rien ne changera. »

Avant cette Coupe du monde, qui est loin sans être loin, on ne va avoir que deux rendez-vous : ces quatre matchs de juin et deux matchs en septembre. On n’a pas le choix.

C’est un reflet, mais c’est aussi, et surtout, une répétition précieuse à quelques mois d’un Mondial qui va être amputé de toute phase de préparation. « C’est tout l’enjeu de cette période, a soufflé Didier Deschamps au début du rassemblement. Avant cette Coupe du monde, qui est loin sans être loin, on ne va avoir que deux rendez-vous : ces quatre matchs de juin et deux matchs en septembre. On n’a pas le choix. Ces six matchs doivent donc nous servir de répétition, même si je sais que la période n’est pas idéale. Ça fait un petit moment que je suis là et je ne peux pas dire que j’ai toujours trouvé la bonne formule pour gérer un rassemblement de juin. » Vendredi soir, à Saint-Denis, où elle n’a plus montré le bout de son nez depuis près d’un an et une victoire tranquille sur la Bulgarie (3-0), l’équipe de France attaque ainsi, via la réception du Danemark, un drôle de col, qui ne lui a pas toujours réussi (six défaites en juin depuis le début du mandat de Didier Deschamps, mais une seule à domicile, contre la Belgique, en 2015) et qui va être un bon exercice de gestion de groupe pour le staff. Objectif clair et net pour la première troupe du pays : renforcer la solidité de sa bulle.

Essence et atouts

Dans cette quête, le sélectionneur, qui soufflera le mois prochain à 53 ans sa dixième bougie sur le banc des Bleus, a d’abord décidé de sortir une carte – Olivier Giroud, tout juste champion d’Italie avec Milan et dont Didier Deschamps connaît les qualités sur le bout des doigts – pour mieux découvrir les forces d’autres atouts (Nkunku, Diaby, Ben Yedder). Le conducteur du train bleu, dans lequel vient de grimper un petit nouveau (Boubacar Kamara), l’avait justifié dès le jour de la liste et l’a répété cette semaine : « Je veux que tout le monde soit concerné. Olivier Giroud n’étant pas là, les trois autres, qui sont souvent avec nous, vont avoir la possibilité de jouer un peu plus, sachant qu’il ne va y avoir que trois jours de récupération entre les deux premiers matchs. On va le faire en trouvant un équilibre, en faisant en sorte que des joueurs n’enchaînent pas les trois premières rencontres et en n’alignant pas trop de joueurs qui n’ont jamais joué ensemble. » Pour le reste, l’autre grand dossier du rassemblement, au-delà des discussions qui traînent sur les droits à l’image et la grande nécessité pour le staff de « remettre de l’essence » dans certains moteurs (on pense avant tout à celui des cadres historiques que sont Varane, Kanté et Griezmann), va une nouvelle fois concerner le système, dans lequel le groupe travaille sans discontinuité depuis le début du mois de septembre dernier et dont il doit encore appréhender les nuances sans ballon. « Des systèmes peuvent nous mettre en difficulté et on doit être capables de corriger, de modifier, a détaillé Deschamps le week-end dernier. Il y a des ajustements à faire pour occuper la largeur. Être trois derrière, ce n’est pas être cinq, c’est être au moins quatre, respecter les distances d’intervention, faire en sorte qu’il y ait toujours une couverture… »

Le défi danois

Le ciel tricolore n’est pas non plus sans nuage, car cette semaine, Didier Deschamps a eu la douleur d’apprendre le décès de son père, Pierre, et a logiquement quitté le groupe mardi, laissant Guy Stéphan prendre le relais. Cette nouvelle a naturellement fait passer la réception du Danemark, arrivé mercredi à Paris, au second plan, mais cette première joute de la Ligue des nations 2022 va être à suivre attentivement. Notamment pour une chose : ce Danemark, qui s’est qualifié avec autorité au Mondial (neuf victoires en dix matchs, trois petits buts encaissés), est resté l’équipe éclatante et polymorphe vue jusqu’en demi-finales du dernier Euro.

Je pense qu’au fil des années, nous avons su construire quelque chose de solide, qui nous permet d’être ambitieux et de rêver en grand aujourd’hui.

Une équipe, « sous-évaluée » selon Stéphan, qui est toujours portée par Kasper Hjulmand, ce chef de file à part, qui a étudié la philosophie et la psychologie, membre de Common Goal – le fonds de solidarité créé par Juan Mata financé par 1% du salaire de ses membres -, qui n’a pas hésité à l’ouvrir il y a peu sur la situation des droits de l’homme au Qatar et qui combat régulièrement pour l’amélioration des conditions d’accueil pour les personnes en situation de handicap dans son pays. Le même Hjulmand qui, avant de commencer son mandat à l’été 2020, avait décidé de partir à la rencontre d’un large panel de cerveaux danois pour tenter de définir une identité commune et qui, à chaque début de rassemblement, prend un temps pour débattre avec son groupe de ce contrat social. Une autre histoire de bulle à protéger et à entretenir : « Je pense qu’au fil des années, nous avons su construire quelque chose de solide, qui nous permet d’être ambitieux et de rêver en grand aujourd’hui. Ce qui est important à nos yeux est de créer une connexion avec notre public et je pense que les joueurs sont des modèles pour les jeunes au Danemark. Nous sommes une équipe très collective et cela parle, je pense. Notre façon de jouer pendant l’Euro mais aussi pendant les éliminatoires de la Coupe du monde, avec un football offensif, cela a créé une identité de jeu également. On sait qui on est quand on joue et on le voit à chaque fois. » Privé de Simon Kjær, encore trop juste physiquement, d’un Andreas Christensen rentré au pays pour assister à l’accouchement de sa femme et de Christian Nørgaard, le natif de Aalborg peut, en revanche, de nouveau compter sur son petit prince Mikkel Damsgaard, maltraité par les blessures cette saison et qui va pouvoir être associé aux inspirations de Christian Eriksen, ce qui a filé la banane à son pote Andreas Skov Olsen, interrogé lundi : « Mikkel est un génie, qui voit des choses que les autres joueurs ne voient pas. Je suis sûr que son retour va être extrêmement bénéfique pour nous. » Des joueurs pour faire des bulles, une rencontre pour en entretenir, la curiosité de voir le duo Tchouméni-Kanté en action ou le système être testé par les idées danoises : ce France-Danemark ne sera pas si anodin que prévu.

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