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France-Belgique : Œil pour œil, temps pour temps
La bagarre. La vraie. Celle du terrain, entre deux des meilleures équipes du monde. C’est ce qui attendait les supporters belges et français d’ici quelques semaines, avant vous savez quoi. Du coup, Diables et Bleus se sont dit rendez-vous dans un an. Même jour, même heure, mais peut-être pas mêmes pommes. Revue de kiff, puis d’effectif.
Une assiette de penne au pesto. Un rayon de soleil à la fenêtre. Un album de Jamiroquai. Le confinement a de positif qu’il semble avoir redonné au plus grand nombre le goût des petits plaisirs de la vie. Le goût de faire plaisir, aussi. C’est ce qu’ont entrepris, chacun de leur côté, beIN Sports et la RTBF. Grâce aux premiers, ce dimanche 22 mars, les Français ont eu l’occasion de devenir une nouvelle fois champions du monde en se régalant devant France-Croatie. Le genre de match qui se regarde dix fois s’il le faut, et pas sans qu’un « Mais putain, qu’est-ce que tu fais ? » sorte de la bouche au moment où Hugo Lloris offre à Mario Mandžukić le but du 4-2. Grâce aux seconds, les Belges ont pu revivre le mémorable huitième de finale face au Japon et le désormais iconique « Je l’avais dit, bordel » de l’ancien Diable rouge et inimitable Philippe Albert, visionnaire sur le but décisif de Nacer Chadli.
Grâce aux deux, tous ont pu se délecter du magnifique quart de finale entre la Belgique et le Brésil (2-1). Avant de se rappeler que quelque part, gribouillé dans l’agenda, le rendez-vous était pris. Ça devait être à Wembley, un 6 ou un 11 juillet. En demi-finales, ou en finale de l’Euro 2020. Ça devait se passer après que la France s’était péniblement sortie de son groupe F comme Fatigant, et que la Belgique avait dominé de la tête et des épaules un groupe B comme Breakfast. Ce Belgique-France, épisode 2, était aussi attendu que la saison cinq du Bureau des légendes. Loin, très loin des réseaux sociaux, il devait être le seul, l’unique moment valable pour solder les comptes de 2018 et de ses dommages collatéraux. Tout le monde avait hâte, les joueurs en tête. Et pourtant, il faudra se coltiner une année supplémentaire de vannes de merde. Dans un sens, comme dans l’autre.
Défense de vieillir
Que le Belge qui n’y a pas pensé dans la minute après l’annonce du report de l’Euro se dénonce. Qui dit Euro 2021 dit Eden Hazard à 100%, alors que rien n’indiquait jusqu’à sa récente interview donnée à la RTBF que le Madrilène aurait été en pleine possession de ses moyens durant le tournoi. Ennuyé par des blessures depuis le début de l’année, le kidde Braine-le-Comte dispose désormais de douze mois de bonus qui ne seront pas de trop pour se remettre sur pied et reprendre le rythme nécessaire pour qu’un joueur de son profil puisse donner la quintessence de son talent. Une vraie bonne nouvelle, ne serait-ce qu’humaine, tant on avait du mal à imaginer cette Belgique-là aller chercher le Graal sans son génie technique et crack humain. Oui, les Diables de Roberto Martínez – dix victoires en dix matchs de qualification, quarante buts marqués et trois encaissés -, c’est un certain éloge de la normalité dont Eden Hazard est le parfait représentant. Sortis avec mention très bien d’un groupe certes facile, les Belges demeurent cependant dans un léger flou quant au futur de leur sélectionneur dont le contrat allait initialement jusqu’à l’Euro 2020. Mais au vu de la dynamique de groupe insufflée par l’Espagnol et les résultats qui ont suivi, le brouillard devrait vite se dissiper.
La réelle inquiétude outre-Quiévrain concerne le secteur défensif. En effet, si un report d’une année demeure un détail pour les plus jeunes, c’est une ligne salée sur l’addition pour les plus anciens. Tous trentenaires en puissance, Vincent Kompany (33 ans), Jan Vertonghen (32), Toby Alderweireld (31) et Thomas Vermaelen (34) arriveront au Danemark avec de l’expérience dans les valises, mais peu de vivacité en bagages cabine. Pas un souci selon Hazard, toujours pour la RTBF : « C’est sûr que dans notre défense, les joueurs n’ont pas vingt ans, mais ils auront plus d’expérience. Je ne m’inquiète pas, la qualité est là, que tu aies 25 ou 35 ans. Tu es peut-être juste un peux moins frais quand tu enchaînes les matchs, mais ce sont des professionnels, ils gèrent. » Toutefois, si derrière, les plus jeunes Denayer, Kabasele, Mechele, Boyata ou encore Bornauw sont de sérieux candidats au prochain voyage estival, le répondant face au gratin continental ne sera pas le même que celui que les anciens ont pu offrir au top mondial pendant la Coupe du monde 2018. À Roberto Martínez de trouver la clé de sa défense à trois, avant de gérer les quelques évolutions plus classiques qu’une année de préparation supplémentaire amène. Tels que les états de forme, les statuts au sein des clubs et les éventuelles blessures à venir.
Un an, ça trompe énormément
C’est là le grand soulagement pour Didier Deschamps. Pour les Bleus, les blessures et méformes ne sont pas à venir. Elles rythment au contraire le présent de l’équipe de France depuis le titre de champion du monde, et n’ont pas encore cessé de pourrir la vie du sélectionneur. Blessés longue durée, tout juste de retour ou en simple méforme, Paul Pogba, N’Golo Kanté, Kingsley Coman, Antoine Griezmann ou encore Ousmane Dembélé verront tous certainement d’un très bon œil le report de l’Euro 2020. D’un point de vue plus collectif, si les Bleus ont fait du made inFrance en phase de qualification en assurant l’essentiel sans convaincre, l’année supplémentaire doit servir à acquérir des certitudes qui ne se sont pas glissées dans le jeu français en même temps que la deuxième étoile s’est brodée sur le maillot.
Car quand le calendrier récent des Bleus indique fièrement huit victoires, un match nul et une défaite en qualifications, il n’y a besoin de creuser qu’un court instant pour voir apparaître un nul très pénible contre la Turquie (1-1), une victoire contre la Moldavie qui n’avait de victoire que le score (2-1) et plus globalement des prestations qui riment plus facilement avec néant qu’avec enthousiasmant. Le report de l’Euro apparaît ainsi comme une réelle aubaine au vu du travail qu’il reste à abattre, et le peu d’occasions qu’aura Didier Deschamps pour mettre des choses en place. Apparaît, seulement. Car quand on connaît le gaillard qui a mené les Bleus sur le toit du monde, on sait déjà que ces 365 jours d’attente seront faits de petits ajustements, d’un soupçon de bizutages de nouveaux venus et d’une préparation commando pour que tous les cadres soient prêts à gagner, même moche, le 12 juillet 2021. D’ici là, Français et Belges peuvent continuer à se réjouir des petits plaisirs de la vie. Il n’y a pas de nationalité pour apprécier une compil’ des plus belles passes décisives de Kevin De Bruyne. En attendant la bagarre.
Par Swann Borsellino