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France : Antoine Griezmann, l’as du volant

Par Maxime Brigand, à Doha
6 minutes
France :  Antoine Griezmann, l’as du volant

Patron retrouvé d'une équipe de France qui s'apprête à défier la Pologne, dimanche, lors des huitièmes de finale de la Coupe du monde, Antoine Griezmann a été envoyé vendredi face à la presse pour dire tout haut ce que certains jeunes ne peuvent pas dire tout bas. Il a aussi rendu hommage à Didier Deschamps, histoire de solidifier l'ensemble avant l'attaque des grands cols.

Ecce homo. On l’avait vu passer une première tête, mercredi, plus d’une heure après avoir vu Matthew Conger, l’arbitre de Tunisie-France, gommer son premier but inscrit dans cette Coupe du monde. Puis Antoine Griezmann a été envoyé sur scène ce vendredi. Tout sauf un hasard. À deux jours de voir l’équipe de France basculer dans le fameux « autre tournoi qui commence » face à la Pologne, la FFF a sorti le patron du silence et lui a demandé de venir mettre de la couleur sur un début de tournoi que les Bleus traversent jusqu’ici comme des tueurs à gages. Griezmann a alors saisi l’occasion pour enfiler sans trembler le rôle de celui qui peut prendre la responsabilité de dire tout haut ce que les petits nouveaux, secoués par la Tunisie cette semaine, ne peuvent se permettre de dire, même tout bas. Exemple : « L’autre jour, je racontais à Matteo(Guendouzi)et à Jordan(Veretout)que ce qu’ils ont ressenti face à la Tunisie, je l’ai aussi ressenti lors du premier match contre l’Australie. Le stress, les jambes lourdes, faire une passe et ne pas sentir le ballon… C’est parti au fil des minutes, mais en 2018, c’était presque tous les matchs comme ça, et en 2014, encore pire. Je ne pouvais presque pas jouer. Ce n’était pas moi, quoi. Plus on avance, plus on joue de compétitions, plus on se relâche, mais il y a toujours cette adrénaline. »

J’essaie de trouver la meilleure solution parce que l’équipe a surtout besoin de moi dans le cœur du jeu, pour faire le lien entre les défenseurs et les attaquants. Je ne vais pas me casser la tête à tirer dix fois par match.

Antoine Griezmann a aujourd’hui 31 ans et dégage cette idée qu’on ne lui apprend plus à faire la grimace. On a même eu une confirmation : si le joueur de l’Atlético est venu au Qatar, c’est bien uniquement dans le but de faire tourner la machine collective, ce qui implique ici de mettre la quasi-totalité de son énergie et de ses idées au service de ses potes. « J’ai eu les occasions pour en mettre un. À un moment, face au Danemark, j’ai voulu mettre une demi-volée intérieur du pied, mais j’ai raté mon geste. Après, peut-être que je suis moins présent dans la surface adverse, mais je pense que je suis en train de faire des bons matchs. Il me manque ce but, mais je ne suis pas un joueur qui va tirer 50 fois par match. J’essaie de trouver la meilleure solution parce que l’équipe a surtout besoin de moi dans le cœur du jeu, pour faire le lien entre les défenseurs et les attaquants. Je ne vais pas me casser la tête à tirer dix fois par match. Je veux plutôt trouver mes attaquants, les mettre dans des situations de un-contre-un ou les trouver sur un centre. Tout roule. »

  Kylian n’est pas le même joueur qu’en 2018. Il n’a pas non plus la même personnalité. On le voit beaucoup dans le groupe, aux entraînements… Il parle beaucoup, met la joie de vivre, et sait qu’il est important pour nous.

Fusée et pragmatisme

Ses potes, mais surtout un pote. Plus que jamais, et Antoine Griezmann le confirme sans aucun doute possible entre les lignes, cette équipe de France vit pour envoyer la fusée Kylian Mbappé sur la lune. Jusqu’ici, l’attaquant du PSG, déjà auteur de trois buts depuis le début du Mondial, assume ce devoir. Selon celui qui est redevenu le cerveau de l’orchestre bleu après avoir réussi à retrouver de la tranquillité dans son quotidien en club, il est même « irréprochable ». Néanmoins, Griezmann veille du coin de l’œil et n’est pas le seul à le faire : « Kylian n’est pas le même joueur qu’en 2018. Il n’a pas non plus la même personnalité. On le voit beaucoup dans le groupe, aux entraînements… Il parle beaucoup, met la joie de vivre, et sait qu’il est important pour nous. Il sait aussi que chaque geste qu’il fait, en dehors ou sur le terrain, est regardé par les journalistes, les fans, mais aussi par ses coéquipiers. » Ce qui consolide le roman des « Dix Guerriers et du Petit Prince » , omniprésent sur le terrain et à propos de qui tous ses coéquipiers sont invités à dire un mot depuis le début du tournoi alors qu’il ne s’est pas présenté une seule fois face caméra et ne devrait pas le faire jusqu’à la fin de l’aventure, mais surtout pour qui l’équipe accepte de faire tous les efforts défensifs.

Une histoire de pragmatisme, aussi. « On a besoin d’un équilibre, d’être compact sans le ballon, et sans grande défense, on sait qu’on ne peut pas prétendre gagner une telle compétition, concède Griezmann. Olivier et Ousmane font un travail exceptionnel, Kylian fait aussi des efforts, mais on sait qu’il doit garder les jambes fraîches pour les moments où on a le ballon. Sur ces phases, je commence à mieux comprendre son jeu, ses besoins, ce qu’il veut. » Entre son soutien réaffirmé aux membres de la communauté LGBT+ ( « Gêné d’être au Qatar ? Oui et non, mais peu importe où je serai dans le monde, ils savent qu’ils auront toujours mon soutien » ), quelques mots glissés à destination d’Hugo Lloris qui s’apprête à égaler le record de sélections de Lilian Thuram et un rapide retour sur son but refusé face à la Tunisie ( « On a été gentils parce qu’on était qualifiés, mais si on avait eu quelque chose à jouer… » ), le numéro 7 des Bleus, royal depuis trois rencontres, a ouvert une autre porte : celle menant à Didier Deschamps.

Je donne tout pour la France, pour le maillot, mais aussi pour le sélectionneur. Chaque action, chaque match, c’est comme un « merci » que je lui envoie. Je veux qu’il soit fier de son numéro 7.

« Le coach donne presque tous les pouvoirs au groupe »

« En équipe de France, je lui dois tout, a ainsi appuyé Griezmann, qui n’a cessé de répéter être (enfin) de nouveau bien dans sa tête et de souligner que l’équipe de France avait appris du relâchement qui avait été fatal lors du dernier Euro face à la Suisse. Il donne presque tous les pouvoirs au groupe et sur le terrain, c’est à nous de gérer ça sur et en dehors du terrain. Je donne tout pour la France, pour le maillot, mais aussi pour lui. Chaque action, chaque match, c’est comme un « merci » que je lui envoie. Je veux qu’il soit fier de son numéro 7. » Deschamps a pour le moment tout fait pour en taillant – contrairement à ce qu’il s’était passé à l’Euro – un rôle sur mesure au joueur horoscope de ce groupe. Si Griezmann va bien, les Bleus brillent, et s’il grille, tout s’effondre : on connaît la musique depuis l’Euro 2016 et c’est toujours celle-ci qui tourne en boucle dans les enceintes tricolores à Doha. Jusqu’à quand ? « En 2026, peut-être que j’aurai pris des kilos, mais je veux profiter. On verra si c’est mon dernier Mondial ou pas. Je ne me pose pas la question pour le moment. » Antoine Griezmann connaît bien trop ce jeu pour savoir qu’une minute passée dans la projection est un danger et que les Bleus sont encore loin, très loin, d’un troisième titre mondial. Ce qu’il sait, en revanche, c’est qu’ils ne pourront y arriver sans lui. Le patron, « toujours content, jamais énervé, toujours là pour rigoler » (Saliba), a payé sa tournée, et en repartant, on a vu quelque chose dépasser de son survêtement : oui, il s’agissait bien des clés du camion.

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